L’evocation qui va suivre est celle d’un bagnard,
prisonnier politique, condamné à mort par la horde nazie, qui n’a pas
connu l’autre enfer qu’ étaient les camps d’extermination et de
promiscuité inhumaine par son ignominie.
Depuis qu’il y a des hommes et qu’ils tuent, la société, si primitive
fut-elle, s’est octroyée le droit de punir. Les chatiments infligés aux
coupables ont varié à travers les
âges
et selon les coutines de chaque pays. Les codes successifs de justice ont
réflété la mentalité des peuples et enregistré leurs reactions devant les
forfaits. Je vous laisse juge, après lecture du present exposé, de la
mentalité de ce people civilisé du XXe siècle appartenant au IIIe Reich
allemande.
Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, malgré que l’énoncé qui
va suivre ne soit plus d’actualité, il est bon expondant de rappeler les
strocités comises par la horde teutonne qui est restée barbare et raffinée,
malgré les progrès.
Par ailleurs, le grand public a appris par les journeaux, les
reproductions imagées cinematographiques et la presse, une partie de la
martyrologie des prisonniers politiques et, malgré cette diffusion, les
manifestations d’hommages aux corps repatriés et autres politiques, le
souvenir s’etompet fait face à l’indifférence de ceux qui restent
incrédules devant la dénotification de faits aussi cruels, vécus et subis
par chaque compatriote tombé entre les griffes de la Gestapo boche,
souvent renseigné par de mauvais Belges dénonçant dans un but vil et objet
ceux qui vouluent que vivent la Belgique et nos enfants.
Je n’hésite pas un instant, pour declarer sur son bonheur, que la
narration des faits qui va suivre est empreinte de souci de toute la
vérité pure, telle que les choses ont été vécues, excluant quelle
fantaisie que ce soit, et controllable par des témoins rescapés de ces
enfers.
Ci-après esquissée, au plus chair possible, notre vie vécue dans ces
centres inhumains ou la mort régnait, en maître et faisait fi aus fois et
aux lois.
Dans la douceur et la quiétude de son foyer, où j’ai le Bonheur – sans
égoïsme – de vous revoir, vous tous, figures amies, il semble inconcevable
et prèsque irréel que de telles choses se soient produites.
N’auraient-elles point, aux temps révolus de la Paix, sur terre, semblées
issues de l’imagination morbide d’un dement…et pourtant?...Rêvons-nous le
present, ou nous avons nous rêvés le passé? Ayant survécu par faveur
estrange du Destin, nous portons en nous toujours l’image effroyable de
cette vie vécue en notre vie. Malgré que notre esprit nous dicte la
sagesse des coeurs: dans le palais comme dans la chaumière, petits et
grands, la paix pour tous ceux qui, des années durant, ont souffert
attendant des leurs, pour tous cuex qui ont lutté devant le devoir, tant
civiles que militares; pour les vaillants et les victims de la presse
clandestine; pour tous ceux qui ont languis derrière les barreaux des
bagnes ou prisons, derrière les files barbelés des camps de concentration
ou d’extermination, pour tous ceux tombés martyrs ou héros ou encore
humbles victims du devoir, sur les champs de bataille, dans les sires, sur
mer ou sur terre; pour tous ceux tombés dans les aventures héroïques du
maquis.
Et malgré tout, au loin les canons tonnent toujours… La bête qui semblait
morte a quelques surrauts; nombre de choses ne sont pas encore faites; des
traïtres courent toujours… Il semble, à certain moment, que tous nos
sacrifices ont été inutiles… Halte, ne blasphésons pas, tout vient à point
à qui sait s’attendre et souvenons-nous des amis, des frères de misère,
râlant, gémissant sous les coups des tertionnaires d’autres gisants,
anonyms, sous l’épaisse couche de neige au cours des marches de la mort, à
ceux morts aux poteaux de répressailles, de fusillades ou de mitraillades
pour le seul crime qu’était leur ideal: mourons pour que les nôtres vivent!
Mais oui: nous n’étions que prisonnier…un numéro sans droit de vie ni de
respect: nous devions subir coups, vexations et humiliations de toutes
sortes.
Parfois, le cafard nous arrachait des larmes, essuyées furtivelent car l’
homme ne montre pas sa douceur à d’autres hommes.
Et dans le fond du Coeur, maintenant, une âme nous dit: “ouvre tes yeux,
mon frêre “chez toi” ou tu es. Des bras d’enfants te font un spillier
vivant: une femme, un compagne s’appuie doucement contre toi: une maman te
contemple les yeus humides. Tout ce que tes yeux voient, s’est à toi, tu
es chez toi…tout un passé revit…”
Dans la douceur et la quiétude de son foyer, où j’ai le bonheur – sans
égoïsme – de vous revoir, vous tous, figures amies, il semble
inconceivable et prèsque irréel que de telles choses se soient produites.
N’auraient-elles point, aux temps révolus de la Paix sur terre, , semblées
issues de l’imagination morbide d’un demant…et pourtant?...Rêvons-nous le
present ou avons-nous rêvé le passé? Ayant survécu par faveur étrange du
Destin, nous portons en nous toujours l’image effroyable de cette vie
vécue en notre vie. Malgré que notre esprit nous dicte la sagesse des
coeurs: dans le palais comme dans la chaumière, petits et grands, la paix
pour tous ceux qui, des années durant, ont souffert attendant des leurs,
pour tous ceux qui ont lutté devant le devoir, tant civils que militares;
pour les vaillants et les victims de la presse clandestine; pour tous ceux
qui ont languis derrière les barbelés des camps de concentration ou
d’extermination; pour tous ceux tombés martyrs ou héros ou encore humbles
victims du devoir, sur les champs de bataille, dans les aires, sur mer où
sur terre, pour tous ceux dans les aventures héroïques du maquis.
Et magré tout, au loin les canons tonnent toujours… La bête qui semblait
morte à quelques sursauts; nombre de choses ne sont pas encore faites, les
traîtres courent toujours…Il semble, à certain moment, que tous nos
sacrifices ont été inutiles…
Halte, ne blasphémons pas, tout vient à point à qui sait attendre en
souvenons-nous des amis, des frères de misère, rälant, gémissant sous les
coups des tortionnaires d’autres gisants, anonyms, sous l’épaisse couche
de neige ou cours des marches de la mort, à ceux morts aux poteaux de
répressailles, de fusillades ou de mitraillades pour le seul crime
qu’était leur ideal: Mourons pour que les nôtres vivent!
Mais oui! Nous n’étions qu’un prisonnier, un numéro sans droit de vie ni
de respect: Nous devions subir coupe, vexations et humiliations de toutes
sortes.
Parfois, le cafard nous arrachait des larmes, essuyées furtivement car
l’homme ne montre pas sa douceur à d’autres homes.
Et dans le fond du Coeur, maintenant, une âme amie nous dit: “ouvre tes
yeux, mon frère, regarde ce “chez toi” où tu es! Des bras d’enfant te font
un collier vivant; une femme, un compagne s’appuie doucement contr toi;
une maman te contemple les yeux humides. Tout ce que tes yeux voient,
c’est à toi, tu es chez toi…tout un passé revit…”
Cette activité clandestine et aventureuse au cours des hostilités, quoique
conscients de l’avenir et du danger auquel nous nous exposions sans esprit
de lucre ou de recompense, nous faisant cependant aussi entrevoir cette
âme amie, mais il s’agissait de servir. Il y a mille et une façon
de servir une cause juste et loyale surtout celle de la tourment qui a
sérvit pendant quatre longues années sur notre Pays… Souvent nous avons
entendu dire: “A quoi cela servira-t-il?” “Cela n’avance pas la guerre
d’une minute!” Erreur! Parfois un simple mot du plus humble des mortels –
des exemples frappants sont là pour le confirmer – peut produire une
decision sur les événements. Que l’on ne s’occupe pas de ces choses si la
crainte ou les moyens physiques ne le permettent pas, c’est un droit; y
prendre une part active si c’est son ideal, c’est un devoir; mais c’est un
crime de trahir ou de denoncer ceux qui se dévouent pour la cause commune
et ce crime est encore plus ignoble lorsqu’il s’agit de celui qui le
perpétrent par la collaboration à l’opresseur, pour quelle raison que ce
soit.
Je passe outré la narration des faits qui ont motivés notre arrestation et
notre déportation en Allemagne, pour vous donner un bref aperçu de la vie
du bagnard prisonnier politique; malgré tout, tous nous sommes prêts et
decidés, en cas de conflit international, à reprendre l’arme au pied, la
défense de notre independence nationale et surtout celle de notre liberté,
chère à tout homme qui se respecte et en particulier aux Belges.
Le 9 octobre 1941 fut la date qui mit fin à notre vie clandestine par un
coup de filet qui mit 93 personnes à “l’ombre”. La première époque de
notre incarcération située entre le 9 et la 31 octobre 1941 fut, si l’on
peut dire, une cure de repos et de …reflexions, malgré notre mise au
secret.
Dès la fête de Toussaint de l’an de grâce “ notre vie prit un autre
tournant parce que de prévenus nous devenions suspects et mis au secret
absolu dans une cellule froide et morne dont deux des quatre murs sont
fondues, l’une par une petite fenêtre très haut perchée et royalement
garnie de gros barreaux; l’autre vis à vis d’une porte grossière très bien
blindée pourvue d’un guichet qui n’a son utilité que le passage de la
gamelle guichet (l’ordinaire quotidien du “locataire”), un peu au-dessus
de ce guichet est percé un judas fermé par un petit volet mobile à
l’extérieur et dont ne peut user que le gardien dans le but d’espionner
les moindres gestes de détenu autre côté de son “appartement” – c’était
souvent intéressant – pendant ses moments de “loisirs”, d’autant plus que
l’occupation principale de ce “favorisé” est de tourner les pouces des
journées durant et comme attraction spectaculaire suivre l’évolution du
vol de mouches ou étudier les déplacements laborieux des fourmis le long
des phlints. C’est aussi cette porte qui nous permettait, en collant le
nez dans l’un des recoins, de nous communiquer nos impressions en criant
l’un à l’autre, par un indicative conventionnel, et surtout le “rapport”
des interrogatoires. Comme mobilier, un banc (chaise sans dossier) et un
lit cage qui, le jour, est plié en trois et forme de table, la nuit ouvert
et couvert d’une mince paillaisse de paille qui laisse percer les “lattes”
et celles-ci sont des plus douces pour les reins du dormeur.
L’appareillage hygiénique et sanitaire se compose d’un Kubel (seau
d’aisances), d’une cruche et d’un basin – à Forest, mais à
St-Gilles les cellules sont pourvues d’eau courante; chaque matin des
domestiques styles – calfactors – precedent aux vidanges du Kubel, qui ne
sent ni le musc ni la rose, au moment de la distribution de la pittance
quotidienne. La porte est fermée à double tour de clef et en plus
verrouillée à l’extérieur ce qui met le locateur à l’abri de la
promiscuite de cet établissement surpeuplé. Autre avantage, dès la
sonnerie du couvre-feu, une ronde de nuit nous couvre de ses faveurs
contre le cambriolage ou même ce que l’on nomme l’évasion de ceux peu
satisfaits de cet hébergement gratuit. O! derision du sort! Il y a aussi
encore une petite armoire pour la reserve des vivres! Dans le centre du
mur mitoyen, une pancarte rapelle au pensionnaires qu’il n’est pas chez
lui et qu’il doit se conformer aux instructions stipulées dans les texts
trilingues de ce règlement d’ordre intérieur, mais comme on ne sait plus
lire ce qui plus est, le fait qu’une chose soit impose, elle ne sera pas
respectée…Ah! Et alors notre telephone! Les tubes du chauffage central
nous permettent de communiquer entre voisins, ce qui n’est pas toujours
désagréables pour autant que nous ne sommes pas surprise par le gardien
qui parfois se mêlait à s’intéresser à notre conversation et, certes, les
louanges de notre savoir oratoire ne tardaient pas par une distribution de
coups de matraques ou bien un seau d’eau sur la tête…
Le nourriture!...Nous avons vu le chien du chef des gardiens venier
renifler les bidons contenant la mixture qui nous servait de repas et
après en avoir humer l’arôme, il leva la patte arrière contre les
recipients contennant de l’eau boullie dans laquelle flottaient quelques
atomes de legumes pourris; le jour de distribution de viande, il est joint
à nos délices un morceau de boudin noir très…avancé. Mais voilà, puisque
nous sommes des bouches inutiles…Quant aux offices religieux, ceux-ci
n’étaient accessibles qu’aux prévenus, et non aux “cochons”…
Les interrogatoires plus frequents et plus serrés sont maintenant souvent
dotes d’un passage à tabac maison en règle et synchronises par matraques
et ceinturons. Entre autres brutalités, au cours de ces interrogatoires,
vers la mi-novembre 1941, mon interrogateur furieux parce que je l’avais
traité de policier en herbe, s’empara de la machine à écrire et me la
lança sur le crane qui provoqua une blessure d’où le sang coulait le long
de ma figure et jusque dans le cou, interrompant ainsi cette joute
oratoire de questions et réponses aussi stupides qu’inutiles et je puis
réintégrer ma cellule pour quelques jours. Un autre fait saillant au cours
des interrogatoires fut celui du 6 décembre 1941: ayant à plusieurs
reprises déjà été carsé par les poings de mes interrogateurs, ne voulant
dévoiler les nims de mes interrogateurs, ne voulant dévoiler les noms de
mes camarades de la résistance contre la “protection nazie”, à un moment
donné mon interrogateur m’avait promi de me rafraîchier la mémoire ce qui
n’est pas peu dire sortant de la…bouche d’un boche – j’avais pri
l’attitude du mutisme et ne voulut plus répondre aux questions posées, mon
interrogateur vint à moi les poings crispés, menaçant et bavant de rage,
je vis rouge et d’un bond, face à face avec cette bête humaine, j’eus un
réflexe et allongai à mon cochon d’interrogateur ce que l’on peut nommer
un direct à la…(ce qui lui servait de figure) peu après, le sang lui
jaillissait des lèvres et du nez. Certes, les consequences de cet acte
irréfléchi – mais fait de bon Coeur – ne se firent pas attendre: un
passage à tabac par six SS et deux soldats qui me tenaient les bras en
arrière après m’avoir arraché les vêtements, m’obligeant ainsi à une
courbature présentant mon dos nu en guise de cible aux matraques et
ceinturons qui me pleuvaient dessus à tours de bras, tant sur la tête que
sur les autres parties de mon corps, jusqu’à ce que je m’évanouis.
Ce qui
s’était passé entre ce temps et celui de me retrouver en cellule, je ne
pourrais pas le dire. C’est à partir de ce jour (9 décembre 1941) que je
subis le troisième régime: accusé prouvé qui se dénonçait par une
étiquette blanche ornée d’un grand disque rouge, à côté de cet insigne,
sur fond Blanc, deux lettres noires tranchaient S.K. (steibkopf ou tête
dure), ornaient l’extérieur de la porte de ma cellule, et à côté une
étiquette coupée d’une raie rouge surchargée de NN. Je n’ai jamais essayé
de comprendre la significaton de ces “marques de sympathie”, mais j’ai eus
le bonheur de l’endurer.
C’était la regime inquisitionnel de la Gestapo remplaçant
le système des interrogatoires ordinaires, assis dans un recoin de la
salle des interrogations afin d’avoir la tête royalement cognée contre les
deux murs du coin, opération occasionelle qui faisait parite intégrante de
chaque audience où les cheveux – souvent bien longs puisque le coiffeur
brillait par son absence – du patient servaient surtout de prise à pleines
mains pour cogner la tête contre le recoin. Fini ce petit jeu!
Secret absolu, nulle communication avec l’extérieur de la cellule et
menottes aus poings nuit et jour; parfois, une petit “promenade” dans un
enclose triangulaire don’t les deux murs élevés et très épais sont relies
entre eux-au-dessus et à l’extrémité par un grillage de gros barreaux: la
cage au fauves! La promenade de détenus prévenus ou suspects
s’effectuaient généralement les mains libres dans un enclose à ciel ouvert
qui sont les jardins-potagers entre chaque aile de la prison en durant
l’espace de 15 à 20 minutes, mais la promenade des interdits et des
condamnés à mort est souvent de plus courte durée. Les mains menottées, à
des moments de la journée où les autres ne “sortaient” pas. Malgré leur
vigilance et toute leur sévérité, nous déployions un système d’astucité
et, au nez et à la barbe de nos gardiens teutons, on se passaient des
petits riens: ceux recevant de colis de chez eux ou d’ailleurs, aidaient
dans la mesure de leur possible les camarades moins favorisés par le sort:
il y avait l’esprit d’entr’aide et de solidarité qui m’oblige à rendre une
pensée émue à la mémoire d’ Edouard Koller,
Jean Larock, Jules Van Hout, Marcel Van Hemelrijck et Vladimir Van Dam,
ainsi que mes remerciements à
Joseph Muulkens, Victor Gailly
et Jean Verheyden qui, souvent
m’aidèrent à mieux supporter ce séjour involontaire dans cette école de
haute kultuur.
Ainsi, la veille de Noël 1941, la neige était tombée abondamment les
“cages de fauves”, nous y fûmes amenés vers 9 heures du matin; après nous
avoir tenus sous la rotonde des cages, exposés en plein courant d’air
pendant à peu près une heure durant, le Commandant Sievers, vient nous
tenir son crachoir pour nous prier (à sa façon) de mieux respecter les
orders et les règlements de la prison et nous rapelle à la discipline, ect…”sans
quoi, disait-il, je me verrai, bien à contre-coeur (le pauvre) de sévir
(!) et de prendre des mesures répressives si des abus de confiance (!) et
des fuites se produisent encore. Nous savons, continua-t-il, que les
prisonniers avaient faim et froid, mais cela n’était pas un motif de
s’insurger? Et il conclut: tout délinquent ou contrevenant aux
instructions qui viennent d’être dictées, sere sévèrement puni. “Voilà!...
Après cela, Monsieur le Kommandant donna l’ordre de nous eviter les
courants d’air de la rotonde et nous autorise une “promenade” de 15
minutes dans les cages où nous allions patauger dans la neige? Etant donné
que cette “dortie” n’était pas prevue, les camarades de regimes moins
rigoureux n’allaient pas à la promenade vu le mauvais temps, nous n’étions
pas couverts ni habillés en rapport de l’intempérie ou de la temperature:
grelottants de froid déjà pendant l’attente du doré sur tranche de la
prison et celui de la durée de son speach, les quinze minutes de promenade
prevue se prolongèrent jusque vers midi; ce sont les calfactors, au moment
de la distribution de ce qu’on nomme vulgairement la soupe, constatant
plusieures cellules dont le locataire faisait défaut par sa presence, qui
attire l’attention des gardiens et ceux-ci alors daignèrent se souvenir
qu’en effect il y avait des “schweinen” dans les promenoirs; ils nous
avaient tout simplement oubliés!
Transis, grelottants de froid et de faim en rentrant dans le grand couloir
conduisant vers les cellules, là, à terre, un mégot! Prestement, je le
ramasse, mais devoir agir des deux mains liées, je ne comptais pas que le
geste de ramasser cette aubaine fut plus dure que celui à le faire
normalement; le gardien a vu mon mouvement, vient à moi, me secoue comme
s’il eût agît avec un arbuste et vociférant m’enleva mon tésor, résultat…sur
le champ, trois jours d’arrêt dans une cellule noire et humide; comme
nourriture un petit crouton de pain moisi et une cruche d’eau, pas de
couchette, sur les planches rugueuses puant l’urine et le moisi. Ce regime
ne changeait pas beaucoup notre ordinaire quotidien si ce n’était que ce
jour là il y eut une distribution générale de colis de la Croix-Rouge de
Belgique et cette faveur pour l’unique fois que j’eu pu en profiter, ne me
fut pas accordée. Joyeux Noël: Paix sur la terre aux hommes de bon volonté.
Le lendemain de ma sortie du cachot d’arrêt, le 28 décembre 1941 – date
anniversaire de ma naissance! – je fus, pour la première fois, amené à
l’interrogatoire de la Gestapo, 347, avenue Louise: régime de
terreur et d’inquisition: après un court interrogatoire ordinaire, ne
voulant toujours pas répondre aux questions posées ayant pour l’objet
l’activité de notre movement de résistance, l’un des sept cochons presents
dans cette sale ignoble, m’enleva les menottes pendant qu’un deuxième
plaça sur la table une sorte de ratière ou étau à papillons qui consistait
en deux planches de bois dur tenues entre elles à l’aide de deux grosses
vis passéés de part en part et soutenues par une barre en fer au centre de
laquelle se trouvait un papillon à levier servant d’ecrou de sarrage;
c’est entre des deux planches … …que les huit doigts dont les extémités
apparaissent d’en dessous de la planche supérieure. A chaque question
posée et restée sans reponse, mon bourreau serrait le papillon et la
planche supérieure, formant pressoir, écrasant mes doigts jusquà ce que
le sang coula à petite filets d’ entre les ongles tout blues et la chair
causant une douleur aigüe, et atroce m’arrachant parfois un cri, mais,
sauf une insulte à l’adresse de mes sept tortionnaires, pas un mot ne
sortait de mes lèvres. Ricanant peut être de rage, celui qui command à ce
genre de répression inquisitionelle, me dit qu’il posédait un moyen moins
compliqué mais certes plus éficace pour me faire parler et sénancer tous
ceux qui travaillaient pour moi contre le grand reich et son fou…reur. Au
fur et à mesure que mon bourreau lâchait le pressoir de mes dogts, la
douleur alla augmentant et je m’évanouis.
Lorsque je revins à moi, je me sentis mouillé à l’extrême, couché à même
le plancher, la tête prise dans une sorte de cerceau qui me couvrait le
front, les chevilles et les poignets encircles dans les fers tenus
eux-mêmes à des chaînes allant en forme de croix. Pendant que mes
tortionnaires palabraient entre eux, j’eus le temps de voir cette Chambre
de tortures qui récelait tout l’appareillage inquisitionnel qui orne, en
guise de decoration, les murs de cette ignoble sale de narration
indescriptible: pinces pour arracher la langue; dispositifs pour écraser
la tête, les mains ou les pieds; crucification par les chaînes pour la
flagellation; système d’écartellement du patient, couché par terre, lié de
chaînes aux chevilles et aux poignets, le corps en forme de croix, dans
une position pire que celle inflignée aux bêtes suavages captures. C’est
dans cette situation plûtot pénible que mes “protecteurs” mirent en ma
presence un des nôtres qui, un jour, fut chef
de groupe L.B. De cette confrontation il résulta qu’il dévoila
tout, il nous vendit lâchement parce que, plus tard, il devait me dire
lui-même qu’il préféra parler que de subir ou de partager mon sort don’t
il a été le témoin oculaire. Que le Bon Dieu ait son âme, je lui pardonne.
Voir plus loin: Sonnenburg.
Refusant toujours de reconnaître les
declarations déposés par d’autres encore, plus poltrons que lâches, ce
petit jeu d’inquisition dura jusque fin février 1942.
Le jour même du depart pour l’Hitlérie, le 28 janvier 1942, d’Edouard
Koller, J. Larock et Van Hout,
je fus reconduit pout la dernière fois, 347, avenue Louise, où l’on
nous fait descendre dans une cave, nous sommes 5 pour quelques minutes
encore, puis l’on nous sépare et j’intègre une cellule où une femme attend
le moment d’être interrogée, elle aussi. Enfin, après un long temps
d’attente, une gueulle de brute vient me quérir et nous montons, montons
jusqu’au 7e étage. Dans le bureau où mon singe me pousse, je retrouve les
sept accoolites qui s’exclament en me voyant “Le voilà!” Le grand jeu
continue et mon système de mutisme ne changea pas. Cette fois, ils ont
trouvé mieux, afin d’assouplir mes members, ils vont m’apprendre quelques
exercices physiques: “Tendez les bras horizontalement, me commande le type
au monocle, fléchissez les jambs et répétez cet exercice en comptant
jusqu’à cinquante”. N’obéissant pas à cette nouvelle comédie, c’est à
coups de matraques que je fus bien oblige d’exécuter quelques mouvements
des bras et le ftéchissement des jambs se prosuisait automatiquement
jusqu’à épuisement complet et devenu une vraie loque humaine. A trois
reprises, le “monocle” me demanda si je voulais parler, chaque fois je
répondis que je n’avais rien à dire. “C’est très bien, Monsieur. Vous
préférez souffrir et ménager les autres pendant qu’eux sauvent leur tête
et sont libres maintenant. Vous aurez le temps de réfléchir parce que nous
sommes très patients”, fut le langage de ce porc à monocle. L’on me fit
redescendre à la cave où je me trouve seul en cellule toute noire. Mais…ces
brutes ont oubliés de me remettre les menottes!...Tâtant dans l’obscurié
pour trouver de quoi me reposer, assis où couché, je bute une table sur
laquelle je sens quelque chose…du pain!...Enfin, mes yeux s’habituent à
l’obscurité et de temps à autre un rayon lumineux passé par le judas et je
trouve le “tram” (planche de couchage) sur lequel j’essaie de m’étendre,
mais mon pauvre dos, impossible de me coucher et je cherche le moyen du
repos sur le ventre.
De manger ou de fermer l’oeuil pour dormer, rie ne réussit; combine de
temps ai-je passé dans cet état et dans ce lieu lugubre où l’on n’entend
que le battement de ses propres tempes et où les heures sont lonques…
Enfin, voici le moment venu, o, vient me chercher, ce n’est pas le singe
cette fois, mais il ressemble étonnament à un gorille ovec lequel, à
nouveau, nous gravitons les escaliers jusqu’au 7e étage. L’accaeil est
très aimable et le “monocle” me present même une cigarette….la tentation
est forte, mais je refuse malgré le désir grand de griller une cigarette,
puis il s’informe comment j’ai passé ces deux nuits! J’ai compris et je
persiste dans mon mutisme. Voyant que sa tactique de donne aucun résultat,
le “monocle et ses cinq sbires – il en manqué un – découvrnet leurs vrais
visages et la matraque sura à nouveau raison de ma résistance physique,
mais non pas de ma volonté.
Vers midi, on me redescent vers la cave; cette fois la cellule est éclarée
par les rayons d’une ampoule électrque niche dans le mur au-dessus de la
porte;: sur la table m’attendant un bol de soupe froide et quatre pommes
de terre en chemis que j’avale lentement, en faisant alternativement les
cent pas et assis ou couché sur le ventre. J’en étais à ma quatrième pomme
de terre quand tout à coup mon trou fut à nouveau plunge dans l’obscurité.
Ai-je dormi? Tout me semble si bizarre, il faut que je me pince la cuisse
pour me savoir encore vivant.
Comme un automate, je suis, pour la troisième fois, un autre ourang-outang
qui me conduit au sixième étage; l’équipe est au complet cette fois. A
chaque question restée sans réponse, le “monocle” marque un trait rouge
qui équivaut à trois coups de matraque. Les questions se precipitant et se
compliquent à tel point que je ne les comprends plus et les traits rouges
se multiplient, suivis aussitôt de coups de matraque. Enfin, épuisé et à
bout de forces, on me reconduit dans la cave où j’essaie, en vain, de
dormer. Que les heures sont lonques!... Au milieu de la nuit constante de
cet enfer, le silence est rompu par des cris, des pleurs…. L’on y amenait
le fruit d’une chasse aux juifs que l’on entasse dans les caves restées
encore libres…. Oh! Ces cris d’enfants!..
Puis, c’est de nouveau
le silence et la nuit profonde… Reconduit au sixième étage, un calndrier
m’indique la date du jour: 1er février 1942, il y a donc déjà cinq jours
que je vis cette vie de recluse emmuré!
Aussitôt
introduit dans le bureau, aussitôt le “monocle” commence l’interrogatoire
qui reste toujours sans résultat; alors, bon enfant, mon interrogateur me
dit: “Monsieur, cette fois notre patience est à bout et nous laisserons le
soin au Conseil de Guerre de juger vore attitude, mais je tiens à vous
avertir que votre femme et vos enfants subiront le même sort que vous et
vous porterz toute la responsabilité morale de la décision finale de votre
cas qui ne pourra être solutionnée que par la peine capitale pour vous et
les vôtres”…
J’aurais bien embrassé le cochon de “monocle” pour s’être
donné tant de peine et obtenir un si piètre résultat; c’est Presque en
dansant que je repris le chemin de la cave en attendant…mieux.
Encore cinq jours à écoulerent dans ce taudis, puisque en franchissant la
porte de la prison de St-Gilles, j’aperçus le calendrier de la
permanence de garde qui m’indiqua le 6 février et l’horloge de la rotonde
centrale marqua 4h 20’. Incaréré, brisé et à bout de nerfs, dans la
cellule 149, aile B, mon premier mouvement fut d’ouvrier le lit et je m’y
étendis: jen ne sentais plus mes douleurs de dos et de reins et même ma
tête aux cheveux longs et ébouriffés me sembla-t-il ne faisait plus mal…Je
suis mort ou je dors.
D’après le faible rayon de soleil matinal de cet hiver extrêmement dur et
froid, en m’éveillant, je me rends compte qu’il est midi et je me sens
frais et j’ai chaud? Le Chauffage central ne chauffe cependant pas! Le
soif me torture, la vue est touble; je ne me rends pas bien compte.
La
vitre qui recouvre la porte de la petite armoire reflète mon image. Non!
Ce n’est pas possible que ce soit moi! Et là, dans le coin un paquet….je
n’ose plus bouger! C’est du linge et des vivres de chez moi, aux-quels
sont joints 4 paquets de cigarettes et un sachet de tabac de
Jefke (Mr Joseph Muulkens)…Ah!
Brave Coeur va! Déjà au coursed sa captivité, il se dépoillet pour ses
frères de misère; ma reconnaissance éternelle, mon cher
Jef, et les Boches ne m’auront pas.
Réussite ou volonté diabolique de nos “protecteurs”, parfois, le jour de
mon retour en cellule revenent et la figure parfois méconnessalbe, j’eus
le Bonheur, dans le courant de l’avant soirée, d’avoir la visite de ma
vaillante épouse, accompagnée de l’un ou de l’autre de mes trois enfants,
visite de cinq minutes dans ces cages hideuses, vitrées aus épais barreaux
malgré ma mise au secret absolu et à l’encontre de ce que mes
tortionnnaires répétaient sans cess: “les miens paieront de leur vie mes
imbécillité”. Néanmoins, suite à leurs tortures morales et physiques, me
tenant aussi stoïquement que possible, ma depression n’échppa pas aux
miens qui s’en allèrent de ces lugubres lieux avec l’impression bien
nettee que quelque chose se passait en moi; ils ne doutaient plus de la
sorte du regime que je aubissais, et les consequences….
Mon voisin de cellule, Victor Gailly,
est un très charmant garcon don’t je garderai longtemps encore le bon
souvenir. D’autres connaissances sont venues grossir la population
pénitentière: Norbert De Keyser, Marcel De
Taye, Mr Dejacé, J. Genet, Van Ausloos, L. Yosef, Eug. Maes, Les frères
Crabbe, de Radiques A, P. Legrand, P.
Rothé, A. Blomme, H. de Hemptine, Ct Thonard, G. Locatelli, R. Blieck,
C. Robeys, J. De Ridder, V. Van Bellingen,
l’Abbé Agnelo Vanden Bosch, l’Abbé Leroux, M. Josée, R.
Rengalet
et H. Nizet,
enfin, toute la bande est à l’ombre…???
La date du 9 mars 1942 marque spécialement dans nos anales: tôt au matin,
menottes aux poings, nous sommes conduits vers le cour de la prison où
nous attend le panier à salade dans lequel j’occupe le siexième box à
gauche, puis quand “ma” porte est fermée, j’entends les pas d’un autre qui
me suit et ensuite l’intrusion dans le couloir, entre les deux box, de
deux boches et cahin-caha, la bagnole roule. Au palais de Justice, nous
sommes débarqués à la queue-leu-leu et au fur et à mesure, distants l’un
de l’autre de quatre à cinq metres, nous sommes mis sou verrous dans les
cellules des caves du palais de Justice après avoir longés et traverses un
dédale de couloirs sombres et froids. Après un séjour de plusieurs heures
dans ces trous sombres et humides, l’on vient me chercher et je fus
conduit vers une salle de Tribunal – en passant dans les grands couloires,
j’eus encore une fois le bonheur de jeter un coup d’oeil furtif sur le
panorama du bas de la Ville, côté Minimes – dans laquelle in Cour
Militaire siégeait déjé et g-présisée par une vieille connaissance, le
Général Nicolayi – le fameux juge qui signa et maintena la condamnation à
mort de Gabrielle Petit – auquel,
durant les hostilités de la guerre 1914/18 j’eus le plaisir de donner
beaucoup de fil à retordre; après m’avoir rappelé à ses pieux souvenirs de
payen en concluant que le monde est petit et que tôt où tard, les homes se
rencontrent toujours, il requéra et obtint ma condemnation à mort pure et
simple, sans recours en grace et avec execution immediate. Lecture de
l’acte d’accusation, avec antecedents défavorables, intervention du
Ministère publicet pas le moindre défense, ont duré l’espace exact de
vingt deux minutes, il n’y eut pas de deliberations du Jurys. Je fus
immédiatement conduit au panier à salade (voiture cellulaire) où je fus
puossé dans le dernier box près du passé. Après une longue attente encore,
pendant laquelle trois portes de box furent ouvertés et fermées, le
poussif se remit à rouler. A un moment court après le depart, la voiture
s’arrête?...
Au bruit de roulement et des sonneris du tram, je “sens” la
Porte Louise!... Dans la cour de la prison, c’est avec le même système de
secret que nous sommes que nous sommes débarqués et reconduits en cellule
chaque fois que la porte du precedent, pour autant qu’il était locataire
de la même-aile – était fermée sur lui.
Peu après mon retour en cellule, avalant nerveusement ma soupe froide, la
porte s’ouvrit et devant elle se tennaient au garde-à-vous quatre soldats,
baîonette au canon; le chef des gardiens m’enleva les menottes et
m’ordonne de le suivre: Ouf! Fini les tortures, fini de moi, le moment de
mes dernières heures a sonné!
Arrivés à
la grande rotonde – la montre marque 5h20’ - les gardes ne nous
accompagnant pas, le chef de quartier me confia qu’il y avait visite pour
moi! Je n’en revenais pas,! En effet, arrive dans un de ces affreuses
cages vitrées, j’eus le Bonheur, pour la dernière fois, de voir ma femme
et ma fille, mais je n’eus pas le courage de leur dire que le Destin avait
parlé et que peut-être je ne les reverrai plus jamais. Adieu interne et
muet bien douloureux!
Dès ce moment, je ne fus plus inquiété, si ce n’était pas par les
vexations, humiliations de toutes sortes, et un jour, le 21 mars 1942, par
un beau matin ensolleilé, je fus conduit en voiture de maître, jouissant
encore une fois de la vue de la vie libre de rues de notre capitale, 6,
rue Traversière où l’on me conduisit dans une chamber au 3ième étage, les
mains libres, la porte libre, la fenêtre ouverte pignon sur rue et comme
panorama l’école et le dome de Sainte-Marie! ? !
Une cloche proche égrainait son tintement horaire jusqu’au coup de 5 heure
du soir; à ce moment, une sorte d’hypopotame vint me demander si je me
suis bien amuse au long de cete journée, puis, mielleusement se montrat de
l’index le dôme de sainte marie, me dit: “Tu vois de beau dôme? Eh! Bien,
fais-lui tes adieux!” Puis m’emena et me reconduisait à la voiture et sans
un mot, par les boulevards extérieurs en soleillés, nous arrivons à la
prison et…hop-là! En cellule.
Le lendemain, vers midi, environ 100 hommes sont conduits à la prison de
Forest en passant par le souterrain de la rue de la Jonction; pour
la seconde fois, nous logeons dans des chambers de femmes; que de figures
amies parmi les pensionnaires, eclésiastiques, militaries, policiers,
gendarmes et civils. Au cours d’une de nos promenades quotidiennes, dans
le triangle de notre aile, du centre psychiatrique et de la chapelle du
prison, un matin du 3 Mai 1942, notre camarade
Guilleni, champion de nage brugeois, réusit une belle évasion
et atterissait malcontreusement sur le troittoir de la rue de la Jonction
en se foulant le pied gauche. Clopint-clopant, il essayait de gagner une
des rues transversals, mais il fut rapidement rejoint par les gardiens
boches, avertis par une femme du voisinage qui avait été témoin du sat
force du haut du mur de la prison et Guilleni fut à nouveau incarcéré,
inévitablement avec la punition qu’entraine une telle prouesse. Ici
encore, je me dois de la reconnaissance des frères de misère:
Jean Verheyden, Marcel Van Hemelrijck, Vladimir
Van Dam et l’Abbé Victor De Sloover
de m’avoir aidé maintes fois dans de petits riens qui étaient
des fortunes pour les moins privilégiés. Ici, nous avions à déplorere la
conduite des calfactors, mais c’étaient des détenus du droit commun.
Le 6 juin, nous sommes tous ramenés à Sint-Gilles, aile C, cellule
241. Ici, la vie est pépère: bonne bouffe, gardiens moins bestiaux et
promenade quotidienne assurée. Face à l’infirmerie et à l’aile des femmes,
souvent un brin de causette par la fenêtre raccourcissait les lonques
heures des jours qui nous sont sonnées du haut du clocher de l’Hotel
Communal de St-Gilles.
Chaque dimanche matin, nous sommes égayés par l’audition d’un chant de
femme don’t l’écho nous parvenait clair et venant d’une des maisons de la
rue de la Jonction. Mais, l’après-midi dominical était d’autant plus morne
et démoralisant par le bruit des cris d’enfants jouant dans la rue voisine…
Vint la date du 27 juillet 1942, soit 4 ½ mois sous l’expectative de la
mort: “Ets-ce pour cette nuit?” fut la question qui s’imposait à mon
esprit chaque fois que les bottes battaient les dalles du couloir entre
les cellules, ce fut une vraie hantise de la mort prochaine.
Cette fois ca y
est! Vers 11 heures du soir, le gardien ouvrit la porte de ma cellule et
vint m’ordonner de m’aprêter pour le départ.
Deux heures
plus tard, une multitude de portes dans tous les quartiers de l’aile
furent ouvertes? En cette memorable nuit, cris gutturaux: “Auf stehen,
loos, loos!”
Malgré que nous étions plus ou moins pressentis que nous serions
incessement déportés en Allemagne, nous nous interrogeons mutuellement sur
les causes de ce déploiement et ce branle-bas nocturnes. Rassemblement
general dans le grand préau, les mains libres, et notre baluchon, y
compris une petite boite, collie C.R.B., aux pieds. Un silence de mort
coupé de temps à autre par les talons des bottes teutonnes, battant les
dalles, règne autour de nous. Nos “protecteurs” sont armés d’une
mitraillette don’t le canon pointe chaque colonne d’hommes prévus au
transport et s’étend jusqu’au fond du couloir.
A 3 heures, claquement de talons ferrés precedes d’un guttural “achtung”
et voilà nos cochons au garde-à-vous sans omettre de braquer le canon de
leur arme vers nous. Le Kommandant, les directeurs et dorés sur tranche de
tout accabit font leur apparition, salués, naturellement àl’hitlerienne: “Hijleiter!”
par leur valets en uniformes ou civils. C’est le hern commandant qui nous
fait l’honneur de son speech allemande duquel nous déduisons la menace de
mort certaine et fusillade à qui enfreindrait les instructions données où
qui tenterait de brûler la politesse par une fuite. Il tint le même
verbinge au contingent de femmes qui feront corps de ce transport. 3 h20’!
Par rangs de 4, le colis C.R.B. sous le bras, nous traversons le grand
couloir qui nous mène dans la cour de l’entrée principale de la prison.
L’embarquement dans des camions – conduits par des Belges! – s’effectue
très rapidement, parqués entre des shpos qui ne sont pas vaches du tout!
Lugubre fut ce cortège de camions dans la nuit noire de ce 28 juillet 1942
et la brume voilant davantage quelques lumières occultées et espacées de
nos boulevards extérieus que nous voyions pour la dernière fois peut-être!
Sur les quais 8, 9 et 10 de la gare du Nord nous attend une haie d’honneur
très serrée de soldats de la Wehrmacht, mitraillet en joue: fuite ou
évasion fut l’épilogue de ce rêve qui nous rapelle à la réalité par
l’embarquement dans un wagon-voyageurs de 3e classe, encaqués 12 hommes
dans un compartiment de 8 personnes et chaque compartiment, dans le
couloir, gardé par un homme armé.
Il en va
de même dans la partie du wagon reservé aux femmes. Peu après notre
embarquement, “notre” wagon fut rangé sur une voie de gare un peu au-delà
de la rue Rogier à peine 5 minutes de mon domicile! – ensuite, vers 7h 30’
le wagon fut ramené en gare et attelé à un train sur la voie 7. De chaque
côté de la voie circule, l’arme en tirailleur, des feldgrauw qui n’avaient
pas l’air de s’y amuser follement.
Quelques minutes avant 8 heures, le train s’ébranle et
passe à une vitesse modérée sous le dôme de Sainte-Marie qui me parait,
sous les rayons du soleil, plus beau que jamais…puis, au delà de la rue du
Pavillon, les flêches de notre Hotel Communal et de l’Eglise St Servais me
paraissent plus effilées et semblent nous suivre vers…l’inconnu. En
traversant la gare de Schaerbeek, malgré nos gardiens avec leur
ritual “Ruhe”, nous fredonnons l’air bien connu “ce n’est qu’un au revoir
mes Frères…”! Dès ce moment, j’avais la conviction de garder ma tête sur
les épaules et qu’un jour Hiltler prendra ma place au Poteau. Mais loin de
me douter un seul instant de ce qui nous attendait dans ce beau pays des
kultuurs humaines.
Sur l’intinéraire suivi, dans chaque gare: Louvain, Tirlemont, Landen,
Ans, Liège, Pépinster et Verviers, où notre convoy fit halte, nous
furent gratifiés chaque fois d’une garde d’honneur importante avec armes
au pied. A Herbesthal, où nous arrivâmes à 14 h 30’, nos convoyeurs
shupos furent relevés par des grenz-polizei, aussi grossiers et bruteaux
que possible cependant que les shupos avient fait montre, en cours de
route, d’une attitude plus humaine: ils nous avaient autorisés de fumer
des cigarettes données par eux-mêmes, Yoseph
et Fumal
avaient même été autorisée d’aller rejoindre leur femme entre
Tirlemont et Landen. Sur le court parcours nous séparant de Herbesthal
à Aix-la-Chapelle, plus d’un des nôtres connaissaient déjà la dureté
de la matraque de ces individues indignes du qualificatif home.
L’Abbé Angelo eut la meilleure part
des mauvais traitements de ces porcs bipèdes: l’un d’eux prit l’Abbé par
les cheveux et cogna la tête contre la paroi du compartiment, de telle
force que nous entendions craquer les os du crâne; une grosse touffe de
cheveux de l’Abbé étant restée entre les doigts du lâche hitlérien,
celui-ci secoua aves dégout sa main sur la soutane du prêtre qui subit
stoïquement cet acte inqualifiable et sans
raison de cet émule du grand Adolphe le Façadeklacher!
Une heure plus tard, par erreur, je fus débarqué à Aix-la-Chapelle
et de la gare centrale, en camionette, accompagné de quatre autres détenus,
nous fumes conduits à la Zentral Tuchthaus où il fut constaté que
ni mon dossier, ni ma feuille de route ne me convoyait. Il est vrai qu’un
prisonnier est une sorte de collis qui ne peut s’acheminer sans feuille de
route en ainsi, séparé de mes quatre nouveaux compagnons de quelques
minutes, je fus enfermé dans une cellule de quarantaine. Le genre de vie
menée ici, dans cette cellule de carence, avec tout le confort moderne,
W.C. et eau courante, couchette avec matelas, savon et peigne, brosse à
habits, à souliers et de nettoyage du parquet qui est en béton goudronné
et ciré; une fenêtre spacieuse donnant dans un jardin peoplé de tilleuls,
les gardiens sont polis et les calfoctors sont muets: dormer et manger, je
commence à aimer de lieu de repos où le détenu n’est nullement ennuyé, à
part qu’il est privé de liberté…mais, c’est peut-être le plus beau côté de
la médaille de cette prison, don’t les délices ne me furent prodigués que
pendant deux jours.
Au matin
du 30 juillet 1942, je fus emmené, en voiture, vers une gare de banlieue
ou j’allais rejoindere d’autres compagnons-colis de route et je dus
abandoner le reliquat de contenu de mon colis C.R.B. reçu à Bruxelles.
Nous étions destines pour le transport vers une region
inconnue. Après trois jours et trois nuits de voyage interrompus par des
arrêts souvents très pronlongés par suite d’arertes et de bombardements,
parqués 67 hommes dans un wagon à bestiaux, sans nourriture et dépouvus de
tous moyens hygiéniques, souffrant colliques et diarrhées, nous arrivâmes
à Lubeck le 2 août; à pied nous traversons une partie de la vieille
ville pour arriver à la forteresse von Molke où, après désinfection
et passage au crible, c’est à dire visite corporelle tout nu, allez les
bêtes en cage: cellules analogues à celles de St-Gilles, mobilier
identique, au quatrième étage; panorama: le vide et de l’eau à perte de
vue. Le diner est bon, soupe aux fécules et un crouton de pain qui sont
dévorés très rapidement. Vers le soir, grande allerte et au même moment,
bombardement intense qui dura jusqu’au matin. Après quelques heures de
répit, vers midi, les Boches n’avaient pas eu le temps de signaler
l’alerte, le bombardement reprit en intensité et sans interruption
jusqu’au lendemain matin, 4 août. La journée fut assez calme, et la
nourriture consistante; tard dans la nuit, vacarme formidable nous
reveille; les éclairs et les explosions se succèdent à un rythme accéléré,
faisant de temps à autre trembler les murs:
une secousse qui ébranla toute
l’aile fit sortir de ses gonds la porte de ma cellule qui alla choir sur
le galerie; une autre secousse, plus forte encore, ébranis à nouveau
l’aile suivie aussitôt d’un fracas endiablé, c’est une bombe tombée dans
la partie nord de l’aile, démolissant cette partie, don’t le soufflé
entraina la galerie dans le vide, jusque sur les dalles du préau, ce qui
offre un gouffre béant et noir: un peu plus tard, c’est une bombe qui
tombe à la droite du lieu où nous nous trouvons et c’est au tour de la
fenêtre de prendre le chemin du vide, suivi aussitôt par l’effondrement du
plafond qui cede par la masse du toit également effondré. Pensant que se
continue l’infernale tourmente, je me degage de ce platras suffocant et il
me fallut un temps assez long pour me remettre de mes emotions et à
l’impression que tout mon inrérieur était brûlé, une soif ardente me
dévore. Au lever du jour de ce 5 août 1942, je constatais que ma cellule
était exposée à ciel ouvert avec une très large brêche dans le mur du
pignon et nous pouvions nous rendre compte du travail accompli par les
libellules alliés: ce n’étaient que ruines et cadavres mutilés, moignons
de murs épars et bricaillons de béton est tout ce qui nous entoure au bas
dans le gouffre poussiéreux. Spectacle horrifiant! Les Boches qui
precèdent aux déblaiements des décombres pour retrouver les leurs, mais
don’t ils ne retrouvent aussi que des débris. Enfin, le soleil est déjà
haut levé, parce que de l’heure, nous n’avons aucune conscience, les cris
guturraux se multiplient et nous ne comprenons pas ce que les porcs
vocifèrent et ceux d’entre les nôtres, survivants ou rescapés de ce raid
aérien qui se permettaient impitoyablement abattus par la mitraillette de
ceux qui avaient pour mission –ironie du sort – d’empêcher l’évasion et
ainsi payaient de leur vie de luxe de la curiosité procédant à la crainte
et à l’angoisse.
Peu de temps après, nous comprîmes ce que beuglaient nos protecteurs: une
grosse corde était lance par dessus les entroises du toit, qui n’avaient
résistées, nous devions saisir au vol cette corde ou nos y laisser glisser
tout le long dans le vide, jusque sur le bricaillon; arrives là, nous y
fumes happés par les shupos, mitraillette en joue, et aussitôt ligotés à
l’aide de menottes aux poings et de chaines aux chevilles.
Mon voisin de cellule, un jeune home de 21 ans, compatriote, n’avait pas,
comme certains et moi-même, pris la précaution élémentaire, avant de se
laisser descendre de long de la corde, de se munir en enroulant les mains
d’une couverture, il vint s’abbatre sur les debris, les mains brûlées par
la corde, se fracassant le crâne et brisant la jambe droite. Vivant
encore, notre gardien-cicerone, nous permit d’emporter cet infortuné
râlant; vevement déliés de nos menottes aux poins mais non des chaînes aux
pieds, à l’aide de deux madriers et de ma couverture qui, hélas! Une heure
plus tard et distant d’environ trois kilometres de l’enfer que nous
venions de quitter, rendit l’âme en criant “Adieu, Maman!”. Nous devions
le laisser là au bord du chemin nous nous pouvions quand même le couvrir
de ma couverture: Adieu frère! Tue es heureux!
Ensuite, à nouveau les menottes aux poings et la mitraillette dans le dos,
nous continuons notre calvaire, par une chaleur accablante, jusque
Odelslohe (environ 16 kilomètres de Lubeck) où nous arrivons au
coucher du soleil et aussitôt embarqués dans un wagon à bétail. 67 hommes
et 6 femmes prirent part à ce sinister convoy, sélestés des menottes aux
poings, mais non des entraves aux chevilles; le convoy se mit en route
vers le milieu de la nuit, pour nous amener à Hanovre vers la
soirée de 7 août, soit deux longues nuits et deux longs jours après notre
depart de la forteresse de Lubeck, sans nourriture ni
boisson et, comme pour le voyage aller, nos besoins naturels se faisaient
dans le wagon et sur place où nous nous trouvions puisque par le surnombre
de presences, nous ne savions pas bouger d’un pas; tout cela et la
temperature extérieure aidant dans ce wagon hermétiquement fermé et sans
air, fit qu’en cours de route moururent 6 hommes et 1 femme, suit à
l’inanition, au manque de soins et la survivance d’un episode tel celui
que je viens de vous dépeindre susectintement.
Epuisés, anéantis par la faim et accablés par la chaleur, le débarquement
dans une gare de marchandises fut plutôt pénible: les boches sont
prévenants et polis, pas de brutalités nis des cris gutturaux. Sur le quai,
nous nous tenons les uns les autres dos à dos, pour ne pas tomber, parce
que celui qui tombait ne se relevait plus. Des camions à banquettes nous
mènent vers une prison d’apparence moderne au style rustique de briques
rouges entre-peinturulées de larges bandes rouge-pâle et blanc. Nous
revoilà en “boite”, non démunis des entraves aux poignets et ce ne fut que
le lendemain matin qu’il nous fut distribué quelqu’aliment consistant en
une soupe erzats de pois et un petit bout de pain noir. Depuis 6 jours,
nous ne sommes plus laves ni peignés, les vêtements sales et ségoutants
puant le purin. Efin, après le 2e distribution de la soupe, nous sommes
autorisées de passer aux douches, dix homes à la fois et pendant 15
minutes. Malgré tous les soins apportés à notre toilette du moment, la
puanteur persiste. Puis, pendant huit jours, nous nous la coulons douce,
logés en commun dans une cave, menottes aux poings le jour, mains libres
la nuit et toujours la lumière; sans promenade, mais nos protecteurs nous
fichaient la paix, ce qui était très important.
Huit jours plus tard, le 15 août 1942, après la “soupe” du midi, nous
sommes tries dans le tas par ordre numérique de matricule et groupés en
cinq colonnes, l’une plus peuplée que l’autre: je fus classé dans la
colonne II qui se composait de six hommes; un
Abbé de Ath, Jean Vercoeur, deux Liègeois, un Verviétois et
votre serviteur. Après une attente, en rangs, de quelques heures de
stationnement dans une cour, nous embarquons dans une
voiturette-pénitencière qui nous conduit à Dortmund, au polizei
presidium, où nous arrivons à la tombée de la nuit qui sera entièrement
consacrée à des interrogatoires nouveaux: complèment de l’instruction
ouverte à Bruxelles et qui trouveront leur solution devant un
Conseil special du Peuple…. par la volonté du Führer! Toute cette journée
et la nuit suivante je connus la paix dans un box d’amigo, menottes aux
poings mais égayé par les bruits de la rue toute proche. Le lendemain, je
fus conduit au Palais de Justice et interrogé par une brute de boche
assisté par quatre autres de son espèce qui souvent en quatuor ou en
quintet questionnaient d’une façon très serré en langue allemande. Malgré
leurs cris et leur rage, malgré les coups de poigns sur ma figure et dans
mon estomac, je restais le pauvre innocent que j’étais à Bruxelles et mes
instruteurs y étaient pour leurs frais. Vers le soir, je fus reconduit
dans mon box, où je m’affalais sur les planches, j’essayais de dormir….mais
ne parvenait pas à fermer l’oeil. Deux nuits et un jour sans fin encore
dans cet antre…
Le 19 août 1942, deux shupos m’escortent et me font monter dans une
voiture aux vitres mats-opaques pour me débarquer dans la cour d’une
prison et de là aussitôt incarcéré dans une cellule aux conforts modernes
telle la cellule décrite à Aix-la-Chapelle.
D’apres le tombre-cachet appose sur les règlements qui ornaient les murs
de cette cellule, je me trouvais à Düsseldorf. Si mes “protecteurs”
me laissent la paix, les mains libres, un joyeux clair de soleil qui perce
les carreaux mats de la large fenêtre, j’ai l’impression que je me
plairais dans ce nouvel habitat. Le lit est verrouillé dans une serrure
scellée dans le mur et le locataire ne sait en jouir qu’aux heures
règlementaires, fixé et libéré par le gardien. Tous les jours, promenade
sous l’épais feuillage de maronniers sauvages qui nous soustrayaient à la
vue de tout ce qui n’est pas nos gardiens au cours de ces promenades. Je
jouissais de cette vie oisive depuis trois jours déjà et me figurais que
le regime pénitentier en Hitlérie n’était pas à dédaigner… si ce n’était
que mon ideal n’était pas cela…
Le 22 août 1942, après le “diner” (pommes de terre en chemise!) le gardien
me remit les menottes aux poings, puis m’ordonna de le suivre. Dans la
cour, un camion militaire déjà chargé de plusieurs collis” attendait le
dernier passager – l’auteur – et aussitôt se dirigea vers le Sud.
Vers le soir,
nous arrivons à Bochum-Verein. Dès mon arrivée dans ce bagne,
j’allais rejoindre mes amis de la clandestinité:
Norbert De Keyser, Marcel De Taye et Elisée Jamin,
dans la cellule 146, abt; 12?
Mon
étonnement fit rire mes amis qui y vivaient déjà en commun depuis trois
semaines! Que de choses à nous dire! La nuit se passa plus en bavardages à
voix basse qu’à dormer. J’appris que les autres:
Vladimir Van Dam, J. Thonnard, Van Hout, Crabbe,
René Blieck, C. Robeys, L. Van Ausloos, J. Casteleyn, H. Blindenberg, M.
Van Hemelrijck, R. Genet, Pierre Le Grand, J. De Ridder, J. Verheyden, V.
Van Bellingen, R. Kackenbeck, Paul Van Hoof, A. Stevens, l’Abbé Leroux,
Edg. Imbert, Aug. Vatlet, G. Urbain, M. Josée, J. Yoseph, C. Cammaerts, H.
Peeters, J. Doudelet, Ed.
Koiler, G.
De Guelder, R. Rangelet, H. Nizet et A. Blomme
logent
dans le même aile! Raoul Rothé et
Ch.
Vander Putten
sont dans le même établissement, mais dans une autre
section. Pendant quatre semaines, nous nous amusons à nouer des bouts de
ficelles de tous diamètres qu’il fallait préalablement trier, plus ranger,
pur enfin en faire des boules à un nombre et de forme déterminés par les
règlements de travail sous peine de suppression de nourriture pour tous
les occupants de la cellule si le “pensum” par home n’était pas atteint le
soir.
Vers la fin septembre, nous sommes tous disséminés dans les différentes
sections de l’établissement: les uns logeant en cellule et travaillant
dans les ateliers, les autres isolés et astreints au travail en cellule –
ce qui fut mon cas – à la confection d’enveloppes en papier, de vannerie,
de panniers ménagers métalliques, de chaussures, de pantouffles, de
guettres, de tapis de jutte, ect… La cellule que j’occupe est meublée,
outré l’ordinaire de ce genre de pension, d’un établi avec un outillage
inconnu pour moi? Pour la nuit, j’avais deux compagnons de lit: un de
Willebroeck et l’autre de Lichtervelde, tous deux prisonniers
du droit commun et mauvais compagnons. Le lendemain de mon arrivé dans
cette cellule, je fus travesty en bagnard; vêtements de coutil rayé mauve
et calot de même nature, avec mon numéro de bagne 547; sur la poitrine un
triangle rouge avec une letter B au centre et, au-dessous deux letters N.N.
Me voilà prêt pour un bal masqué et comme complement de cet accoutrement,
rasé en tondu des pieds à la tête….c’est parfait! “Cà” devait faire beau,
nous n’avions pas de miroir pour nous voir soi-même, mais la vue de mes
camarades de cellules voisines qui avaient subis la même transformation,
m’arrache un rire qui me valut deux coups de poings sur ma figure par un
gardien surnommé Napoléon. Les gardiens de notre section avaient pou
surnom: Le Fou, Le Balafré, Cyrano, le Gorille, le Crevé et Charlot.
Jusqu’au 17 octobre 1942, mon séjour à Bochum-Verein n’apporte rien
de transcendant en dehors des brutalités de nos gardiens qui, à tours des
bras, à tort où à raison, frappaient dans la nuque à l’aide de leurs
grosses clefs, les coups de poigns et les coups de bottes y étaient
administrés d’une façon tellement généreuse que lorsqu’un jour passa sans
avoir subis ces mauvais traitements, perplexes, l’on se demandait ce qui
pouvait bien être advenu ce jour-là à nos cochons de gardiens.
Le 17 octobre 1942, six frères de la clandestinité:
J. Thonnard, R. Blieck, C. Robbeys, N. De Keyser,
l’Abbé Van Hoof
et moi-même connurent encore une fois le confort moderne des box
d’une voiture cellulaire pour nous conduire à Essen, où le 19 (soit
deux jours après ce voyage), nous avions à répondre d’une affaire qui
n’avait rien de commun avec celle de Bruxelles, devant le Conseil special
du Peuple, qui réclama et obtint la condamnation à la mort pour tous les
six. Pendant les dix jours vécus à la forteresse de Essen, nous
n’avons pas un seul instant vu la claret du jour, les mains liées sur le
dos à l’aide de menottes jumelées; la nuit, les mains enchaînées sur le
ventre; seuls, le matin et le soir, nos mains furent libérées pour
satisfaire nos besoins naturels et avaler en quatrième vitesse la mixture
qui nous servait d’aliment distribuée deux fois par jour. L’isolement dans
des caves humides et noires, joint à cette sorte d’enchaînement, devenait
un vrai supplice. Je comprends mieux maintenant, sans les excuser
cependant, les frères de misère qui ont faibli et parlé, ou qui sont
devenus fous, endurant une telle vie d’emmuré vivant.
C’est encore menottes aux poings que nous fumes traduits devant le Conseil,
haute Cour de Guerre allemande. Après notre jugement, au moment de la
sortie de la sale d’audiences de la Cour, pendant que nos gardiens, deux
par condamnés à mort, nous escortaient vers nos “appartements” dans les
caves, passants dans de large couloirs où des civiles badaudaient – voyez
spectacle – des soldats armées escortant des “marionettes” numérotées
parmi les gens habilllés civilement! – ceux-ci nous crachèrent à la figure
et nous conspuaient, mais nous passâmes indifférents devant cette nouvelle
sorte d’humiliation. J’ai une vague impression que c’est grâce à cette
escorte armée que nous devons d’avoir échappé à passer un mauvais quart
d’heure dans cette foule déménte comme leur Führer.
Le 27 octobre 1942, reconduits à Bochum-Verein, tout y était
sensiblement changé. Jugez: je fus à nouveau mis isolé, sans menottes aux
mains, et astreint au travail force en cellule auquel j’opposais un refus
absolu, puisque condamné à mort à deux reprises déjà, je ne voyais pas
pourquoi travailler, alors que, demain peut-être, je passerais de vie à
trépas! Après quelques jours de cette vie de doute et d’incertitude, au
regime alimentaire on ne peut plus réduire, l’on me conduit dans une autre
cellule (abt. IX, no 111), pourvue d’un établi de travail don’t
l’outillage devait server, à la confection, à l’aide de traillis, de
panniers ménagers métallique dont la production allait croissante grâce à
la complaisance de certains “frères de misère” qui poussaient à la
production dans l’espérance d’un bol de soupe supplémentaire, au detriment
des malheureux qui ne parvenaient pas ou étaient réfractaires à la
production force et la quantité produit exigée. Le premier jour, après la
soupe, on s’apporta six trellis et des pinces. Sans mot dire, le porteur –
un de nos amis devenu calfactor! – s’en alla et la porte se refermera!
Vers 5 heures, le maître du travail – formann – le prototype de la rasse
poroine teutonne, vint de se rendre compte de ma production, fit un tour
dans ma cellule et sans mot dire la quitta, je crus en être quitte à ce
prix là, mais le lendemain matin et midi, les calfactors passèrent outré
la porte de ma cellule et je pus me brosser le ventre.
Vers la même heure que celle de la veille, le susdit porc passa à nouveau
l’inspection de la cellule et constata que le matériel et outillage était
toujours à la même place; le soir, un petit crouton de pain sec, sans
boison quelconque, sera ma pittance jusqu’au lendemain soir. Ce petit
système dura ainsi quatre jours, puis l’on m’adjoigna un frère de misère,
Jules Gottelaere, pour m’apprendre
la confections des dits panniers métalliques: pour ce premier jour, je
devais produire six panniers, pendant que Jules devait en faire 12; je
parvins à en confectionner un et Jules confectionna les 17 autres, ce qui
est pour résultat que le lendemain il en fallait 20 pour nous deux;
l’intérieur des mains et des doigts ne formait plus qu’une cloche produite
par la manipulation des pinces et le traction qu’il fallait opérer sur les
fils de traillis, firent que je ne pouvais plus tenir l’outillage entre
mes mains et je jugeais bon de ne plus rien faire, mais
Jules, par crainte de représailles, confectionna les 20 paniers;
toujours plus exigeant, notre cochon-maître du travail fit accroitre la
pige jusque 25 pièces par jour et par homme. Avec des mains qui ne
formaient plus d’une plaie, j’arrivais à peine à produire 4 paniers et
Jules travaillait pour moi, malgré que je le conjurais à n’en rien faire,
mais la crainte d’être privé d’aliments, il se dépendait et chaque soir,
avant de retourner à sa cellule, le pensum était là. Nous avions trouvé le
moyen de boycotter notre travail en affaiblissant le cerceau soutenant le
fond du panier, de sorte que le moindre poids mis au fond percera le
panier.
Cette belle performance de production, comme dans les autres départements,
nous la devions aux mauvais frères de misère qui poussaient volontairement
à l’augmentation de la production dans l’espérance d’un bol de soupe
supplémentaire au detriment des malheureux qui ne parvenaient pas à
produire la quantité exigée; d’autres agissaient dans ce beau travail de
vendre leurs compatriots pour le prix d’un petit bout du tabac à chequer
ou un mégot que les boches leur accordait après l’avoir mendié ou acheté
par des dénonciations de tous genre et bien souvent, poussaient leur
cupidité, dans le même but, jusqu’à nettoyer les bottes et les manteaux de
nos tortionnaires, mieux que ne ferait l’ordonnance d’un colonel.
Cet état de choses fut poussé très loin, moi-même j’ai ai été plusieurs
fois victime: un de nos concitoyens, vérificateur de production, me fit
des observations sur la qualité de mon travail; quioque justifiées, je
n’acceptais pas ces observations faites par un détenu comme nous, qui
n’avait pas de raisons à élever la voix et je lui reprochais sa conduite;
une heure après, je fus conduis au dunkel-zelle (cachot) pour deux jours
et nuits, les menottes fixes aux poignets. Quatre fois, j’ues ma part dans
ce genre punitive pour refus ou boycottage du travail.
Un autre concitoyen-calfactor, un soir, jeta dans ma cellule une cigarette
roulée à la main à l’aide d’herbes et d’un mégot, le lendemain matin la
distribution de pain passé outré ma porte, mais je reçus double ration
d’eau chaude noircie et quand, à midi, j’interpallais notre
concitoyen-calfactor, il me répondit de tout son nature: “mais tu as payé
la cigarette que je t’ai donné hier!...” Quelques jours après, le même
charmant garcon me proposa ma ration de pain contre une cigarette, mais
cette fois, disait-il lui-même, une vrai cigarette!...
Ce genre de commerce honteux se pratiquait là sur une très grande échelle
et dans tous les domains, au grand ri des Boches, mais au dam des
malheureux faibles de carractère qui ne pouvaient dominer leur passion
contre la faim, les tiraillant cependant autant qu’a nous mêmes mais qui
avaient conservé l’esprit d’idéal pour lequel était motivé leur presence
dans ce bagne, surtout de ceux qui ne pliaient pas devant la discipline
nazie et qui ne voulaient pas lêcher les bottes des boches.
Mystifier ceux qui se croyaient déjà les maîtres de l’Europe et les
vinquers du monde, n’était pas chose dificile; entre mille exemples: un
jour de la mi-décembre, grand branle-bas de nettoyage et d’astiquage
general, gueleries, coups de clefs, de matraques et de bottes à discrétion;
le camarade Philipe,
Ingénieur-Electricien, prépose à l’entretien du service d’électricité de
l’établissement, s’était approprié un appareil de T.S.F. qui lui
permettait de capter, en cellule, les nouvells anglaises qu’il nous
communiqua à toutes aoccasions. Il avait été chargé de la revision d’un
appareil émetteru sur ondes très courtes et vait lance l’avis, capté par
les dirigeants du bagne, qu’Himler viendrait dimanche prochain visiter la
region industrielle de la Basse-Mespalie, notamment Bochum et son
pénitencier. Le dimanche prévu, au cours de la promenade, tout le personel
est sur pied, pimpant, blinquant et clinquant, nos édiles dorés sur
tranche, attendant….sabre ou épee sur le côté, que leur illustrisime
visiteur daigne montrer sa bedaine. Toute la journée fut un qui-vive
sensationnel, le chef du Gross Deutsche Polizei ne vint pas, mais nous
reçumes ce jour-là un repas de festin: soupe aux pois et féculents dans
laquelle pommes de terre et viande ne manquaient pas. Le malheur des uns
fit le Bonheur des autres. Bravo! Pierre, bien tourné!
La veille de Noël 1942, tout activité productive fut arrêtée à trois
heures de reveléé, pour permettre à nos cochons de se restaurer et de
fêter dignement l’avènement du Sauveur. Les commandes des usines Verein –
construction de moteurs d’avions – toute proche de la prison et deux
ateliers ont réintégré leur cellule. Certains privilégiés sidaient au
montage et à l’ornement d’un grand arbre de Noël, symbole de bonté humaine,
pendant que les autres chantaient ou bavardaient dans leur cellule vivant
en commun et d’autres encore, isolés, méditaient:
Les pieds sur les chenêts, je lis, au coin de l’âtre.
S’éveillant sous la cendrée, une flame rougeâtre
Luit,
crépité, s’allume et fuit ronfler soudain
La buche de mélèze et des pommes de pins
Une rustique odeur de résine m’enivre….
D’un doigt léger, le rêve à refermé mon livre,
Mon Coeur se laisse aller à son subtil attrait…
Et voilà que mon cher Bruxelles m’apparait…
Le silence inaccoutummé de l’extérieur: ronflement de moteurs, claquements
des semelles de bois et sabots des promeneurs, cris gutturaux, talons
ferrés battant les dalles des couloirs, crissement des scies mécaniques,
pesait lourdement pendant cette veille et la journée de 25 décembre:
deuxième Noël à l’ombre…
Hommes
pensifs, je ne vous donne à lire
Ces miennes idées, si vous ne contraignez
Le fier maintien de vos fronts, rechignez:
Ici n’y a seulement que pour rire.
Laissez à part votre chagrin, votre vie,
Et vos
pensées de trop loin desseignées:
Une autre fois vous serez enseignés
Je me suis
bien contraint pour les écrire
J’ai oublié mes tristes raisons;
J’ai intermis mes occupations,
Et un jour
plain de mélancholie,
Donnons quelque lieu à la folie,
Qui malgré nous nous vient saisir.
Mêlons-y au moins une heure de plaisir.
Le 26 décembre, dès le lever du soleil, la ruche bourdonnante des ateliers
et des usines environnantes ( voir 3e partie, pages 322 et suivantes) a
repris ses activités et le bruit des pas dans les cours et les couloirs
résonnent à nouveau, le grincement des clefs dans les errures fait aussi
frémir de rage impuissante contre ces loups en quête constante de victimes.
Le 9 janvier 1943, je fus transféré à la Section I, cellule 9, toujours
isolé et mon materiel et outillage pour la confection des panniers
métalliques m’y suivait très rapidement:
Julien (Jules Gottelaere) vint encore y travailler. Dès cette
date, recommencèrent les interrogatoires pour une troisième affaire dans
laquelle étaient implqués: Cammaerts C., E.
Jamin, J Verheyden, M. De Taye, Hubert de Hemptine, N. De Keyser, .J.
della Faille, J.F. de Meeus, L. Van Ausloos, Eug. Maes, H. Blindenberg, R.
Genet, M. Van Hemelrijck, l’Abbé De Sloover, L’Abbé Van Hoof, L’Abbé
Agnello Van den Bosch, L’Abbé Leroux, Lilly Verhoeven, Lisa Hoebanckx,
Marie Yoseph, Fernande Pallert, Christine
Lengelet, Emilie Van Vaerenbergh
et Jacqueline Denon.
Tous ces braves, je ne les avais plus vues depuis la veille de mon
arrestation. Le père Agnello Van den Bosch,
tous les dimanches matin, nous chata de sa belle vois claire, une messe
dans ca celluele et juché sur sa table, par la fenêtre, il nous parla en
forme de sermon qui nous fit tant de bien, joint à celà les nouvelles de
la situation de guerre que nous communiqua le camarade
Le Grand… De la fenêtre de cette
cellule 9, au rez-de-chaussée, peu de panorama, une cour spacieuse avec
grand hangar de bois de toutes essences; vis-à-vis, le bloc de l’économat
avec ses cellule de carence, et là-bas au fond, le bloc cellulaire de la
difision allemande (soldats déserteurs). Comparativement à l’aile XII,
outré la drève agrémentée de temps à autre par le pouce-pouce d’une
locomotive trainant un train de wagons allant ou sortant de l’usine Verein,
là à gauche, ou des gosses nous montrant au poing, ou encore, le dimanche
après midi, le spectacle des promeneurs, nous jouissions de la vue du
cimetière de la prison… et là, à droite, le bâtiment de l’infirmerie. A la
section X, la vue panoramique n’était pas non plus beaucoup plus agréable,
mais nous pouvions communiquer avec nos voisins de gauche; vis-à-vis,
étaient les menuiseries et les ateliers divers s’étendaient jusqu’à notre
extreme droite. Ici, plus rien de tout cela.
Au cours du mois de janvier 1943 les interrogatoires, espaceés à ce
moment, étaient plutôt cordieux et cette attitude de mes instructeurs
n’échappa pas à mon attention, je pris la même résolution qu’à
Bruxelles: mentir et nier, même devant les preuves formelles entre les
mains de mes interrogateurs. Mais, dès le début de février,
interrogatoires plus frequents et plus serrés, le Hernn Becker se fâcha
souvent et menace même de la mise aus fers si je m’obstinais à mentir et à
nier l’évidence même, ce qui me détermina à prender l’attitude de mutisme
absolu… je n’avais rien à gagner et encore moins à perdre – sauf ma tête –
de les tenir en haleine…. Et surtout de les mistifier. Autant de jours
d’interrogatoires, autant de jours d’inactivité productive, un grand dam
de notre cochon d’arbeits-meister. Dès les premiers jours de mars, les
interrogatoires étaient devenus quotidiens; en attendant d’être appelé à
la confrontation je fus relégué dans une petite cellule au troisième
(cellule des jugements), d’où l’oeuil dominait sur la ville hérissée de
cheminées d’usines et de hauts fourneaux; à gauche, de grandes fôrets et à
droite, la plaine de la Lippe. Sauf trois des interrogés, les autres n’ont
pas parlé.
Le 16 avril 1943 fut la date à laquelle nous comparaissions pour la
troisième fois devant un Tribunal de guerre allemand (voit annexe: dossier
judiciaire / NN 455 – 1041 et ses annexes 317 VI – 106/42 -547 /V 9542)
qui requéra à nouveau une peine de mort à mon actif, mais qui fut commuée
en 18 ans de travaux forcés, 4 ans de détention extraordinaire et 8 ans de
réclusion; pendant que les autres subissaient des peines analogues, allant
de 8 à 25 ans de détentions diverses: quatre peines de mort furent
maintenues: Norbert de Keyser, Laurent Van
Ausloos, Lilly Verhoeven en
Jacqueline Dehon; pendant que Elisée
Jamin et Marcel De Taye
furent acquitteés. Tels furent les résultats des enquêtes, interrogatoires
suivis de figures tuméfiées par les coups de pings et le prononcé du
verdict de Tribunal spécial de Bochum (Sondergericht).
Un autre fait m’a aussi été duré, le dimanche suivant, au cours de la
promenade à laquelle je vis pour la dernière fois
André Declerq, qui travaillait dans
une cellule collective “aus semelles”, deux élèves de l’Institut des Arts
et Métiers me firent comprendre par gestes et force mouvement des lèvres,
qu’Emile était dans le même
établissemen et qu’il me fixait rendez-vous à la visite médicale de
l’infirmerie. Ce système était beaucoup en usage etre les condamnés aux
petites peines jouissant de ce droit, ce qui leur permettait, selon
l’humeur des gardiens, de revoir leurs camarades et d’échanger quelques
mots entre eux. Malgré l’aide aimable et occasionnelle de
Jean Verheyden, ne jouissant pas des
faveurs de la visite médicale, vu mon état déficient absolu, le Gorille
m’autorisa, à l’ encontre des ordres “ohne zörge” d’être du nombre des
malades et je fus désigné à la visite médicale qui s’opérait par groupes
de sections: mon fils faisait partie de la première section et moi je fus
du nombre de la dixième; je devais user d’astuces pour parvenir jusqu’à
lui, puisque la Providence le mettait sur mon chemin. J’avais déjà gagné
quatre sections, lorsque le gardien s’aperçut de mon “resquillage”,
distrait sans doute en tenté de m’approcher de mon fils qui me souriait,
je ne me rendais pas compte que le Crevé m’observait et au moment ou
j’atteignait la cinquième section, ce gardien me cogna durement la tête
contre le mur et je m’évanouis. Je ne saurais dire ce qui c’est passé, ni
le temps courru entre ce moment et celui où je revins à moi dans une
petite cellule de l’infirmerie. Le 22 avril, je devais apprendre qu’
Emile était parti pour Essen
aux fins de jugement. Tout en ayant le coeur ulcéré de cette vision,
j’étais fier de mon fils!...
Et voilà
le beau mois de mai 1943!...... la nuit du 22 au 23 nous apporta le
spectacle féerique d’un magnifique feu d’artifice allumé par quelques
bombes incendiaires, venant de Londres, par les libellules
anglo-américaines qui eurent pour effet de mettre à plat une grande partie
de la ville de Bochum, vrai noyau industriel de la Westphalie et
grande partie du bagne qui nous hébergeait: le grand hangar-dépôt de bois,
vis-à-vis de la cellule que j’occupais, brûlu jusqu’au lendemain soir et
fut entièrement réduit en cendres.
La journée du 26 mai, ce fut le carnage et du bagne il ne restait plus
grand chose intact: l’infirmerie, la menuiserie, les ateliers de
camoufflages et les nattes, l’usine Verein furent mis à ras de terre. Beau
travail. Heureusement qu’un grand nombre de détenus avait été évacué après
la nuit terrible du 23, des masses furent encore évacuées après le 26, ce
qui fit que pour l’omelette du 29, le nombre “d’oeufs” étant sensiblement
réduit, il n’y eut qu’une centaine de victimes, morts, estropiés ou
blessés, dont deux rendus aveugles.
Le lendemain, 30 mai, pendant que les bombardements du bassin industriel
de Bochum achevaient l’énéantissement de “l’espace vital hitlérien”,
les rescapés furent tous réunis dans la section I et groupés en deux
colonnes; outre les frères de Renesse
d’Oostmalle, Jean de Radiguès, Jean Nijs, Marcel Houard, Marcel De Taye,
Vladimir Van Dam et Jules de Ridder, dans la colonne parallèle
à la nôtre avec Vinkiers, Cammaerts, Balemans
et Dehon, je n’aperçus plus d’autres figures amies.
Tous déjà évacués. Comme la cuisine avait trinquée des pillules aéreinnes,
en guise de soupe, nous recevions tous 6 biscuits de campagne et puis,
vers midi, notre colonne –environ 80 hommes – se mit en marche vers la
sortie de la prison à travers bricaillons et débris de tuiles dans la
grande cour. Devant la grande porte, nous attendaient deux camions
militaires dans laquels aussitôt nous fûmes encaqués, puis débarqués dans
une gare de chemin de fer voisine de la ville dont nous apercevonions
encore les colonnes de fumée montant vers le ciel, les bombardements ayant
cessés.
L’embarquement dans un wagon à bétail se fit assez
rapidement, le temps est beau et chaud; lorsque toutes ces bêtes humaines
furent encaqués en ce wagon, celui fut manéouvré et puis attelé à un
train. Au beau milieu de la nuit noire, le train s’arrête, et par appel
nominal, une grande partie des participants de ce convoi fut extraite de
cette fournaise, pour n’y plus rester qu’une vingtaine; malgré ce
dégagement sensible, aussitôt la portière fermée, l’air saturé et
surchauffé de l’intérieur de ce wagon rendait ce viyage aussi malaisé
qu’incommode et s’effectua dans des conditions hygiéniques aussi
déplorables que celles rapportées plus avant au cours de notre transport
d’ Aix la capelle à Lubeck, il y a neuf mois!
Le premier juin 1943, nous arrivâmes à Berlin vers 2 heures de
relevée, dans la gare centrale, où chaque homme fut cueilli par un shupo;
menottes aux pings, à la file indienne, nous passons par les escaliers de
service des bagages jusque dans la rue Lattérale où nous devions attendre
le panier à salade, exposés en plein soleil, pendant plus d’une heure.
Très peu de passante dans cette rue qui nous croisaient indifférentes;
notre attention fut très attirée aussi de voir toutes les maisons de
commerce aux volets baissés et portes closes, un de nos shupos nous disait
que la vente dans les magains n’était autorisée qu’un seul jour par
semaine. Notre embarquement dans le panier à salade se fit en enlevant nos
menottes et les shupos restèrent sur place pendant que nous fûmes conduits
Alexanderplatz, le fameux Polizei Presidium.
Ici, après le passage d’identification, dans un bureau à front de rue, aux
fenêtres largement ouvertes, en attendant le moment de notre remise en
boîte, nous avons l’honneur d’assister aux scènes de la rue dont toute
l’animation se borne à une file interminable devant une boulangerie dont
la vitrine expose quelques pains et voisine avec d’autres vitrines aux
volets clos.
Lorsque notre indentification est terminée, c’est une salle (n° 117) de
forme oblong, contigue d’une autre de même forme (12m x5.50 m) et dans
laquelle nous fûmes encaqués, 352 personnes, sans air ni quasiment de
lumière, où toutes les classes et toutes les races, hommes, femmes et
enfants vivaient en commun, s’adonnant à un commerce honteux et ignoble:
des femmes se donnaient à des hommes, sans retenue quelconque, ou pour le
prix d’un bol de soupe; des gamins battaient des instincts du vice; les
calfactors revendaient le reliquat de la nourriture volée sur l’ordinaire
de ceux qui n’avaient pas le moyen de participer à ces ignominies à raison
de 20, voire même 50 marks de bol de soupe; des types, pour le même objet,
vendaient leurs vêtements et souvent même l’unique chemise qu’ils
portaient encore sur le dos; une cigarette se payait marks et ce sont
encore les femmes qui en sont les plus friandes. Cette narration
d’exemples pourrait continuer longement encore si nous pouvions étayer les
spectacles offerts à nos yeux dans ce temple de la Justice et de la
sauvegarde des bonnes moeurs de ce peuple aux kultures élévées.
Les moyens de couchage se composaient de trams, à trois étages colés les
uns contre les autres et qui englobaient toute la surface en longueur de
chaque place, servant à la fois de couchette, de table et de chaise et
même de promenoir, accroupi sur place, pour ne pas heurter le plancher du
voisin supérieur ou le plafond, de la salle qui nous hébergerait, s’il
sagit du locateure du troisième, et sur lesquels ce méli-mélo humain
devait dormir une fois le couvre-feu sonné à 5 heures, tête à pieds, les
peids du voisin servant d’oreillers à celui ou à elle qui couchait juste à
côté. Pour arriver à celui ou à celle qui couchait juste à côté. Pour
arriver à se procurer une petite place sur ces planches rugueuses, à la
suite d’une sorte de chasse à l’homme par les calfactors nantis d’un gros
bâton et qui cognaient dur sur celui qui ne trouvait pas aussitôt à se
caser à force de coupe de coudes et de …becs, souvent même à coups de
poings don’t les blues et les bosses marquaient le plaisir qu’il y a eu à
se procurer une place pour dormir…
De dormir, il n’en pouvait être question par la multitude de la vermine
qui grouillait sur les bois et les planches de ces “couchettes” le long
des murs et au plafond qui touchait quasi ceux couchés sur la partie
supérieure des “trams”. La moindre faute commise était réprimandée de 25
coups de bâton sur les fesse nues, mais les agissements honteux et le
manque de respect même le plus élémentaire s’en fallait de peut d’être
récompensées…par un bol de soupe…
Quatre jours plus tard, le 5 juin 1943, après un rassemblement général
dans une cour entourée de haute murs percés de 6 rangées de petites
fenêtres superposées à barreaux, il fut procésé à un triage numérique et
chaque “numéro” devait se ranger par quatre là où une super-brute le
poussait avec la délicatesse proverbiale aux huns hitlériens.
Ainsi,
Dehon et moi furent séparés de nos
compagnons de misère, et toute la “bande de Bruxelles” fut dispersée et
déciminée.
Parmi nous, groupe d’une quinzaine de personnes, fut encore
compris un gosse de 8 ans, condamné à l’an de prison pour ne pas avoir
dénoncé ses parents qui avaient écouté la radio “étrangère”!
Quittant cet enfer de promiscuité, vers une nouvelle demeure, menottes aux
poings, silence de rigueur et distants de 3 mètres d’un de l’autre,
passant devant une sentinelle en arrivant dans un couloir sombre, cette
brute m’allongea gracieusement la crosse de sa carabine sur ma tête, y
provoquant une large blessure d’où le sang jaillissait à flots et me
coulait le long du visage, pour le motif que j’avais bavardé et il n’en
était rien. Je n’avais aucun recours parce que seuls sont croyables ceux
qui avaient pour mission de nous garder… Comme au contributions, d’abord
payer, ensuite réclamer si’l y a lieu…
C’est à partir de ce moment que notre calvaire prit franchement une
tournure d’études de la belle kulture humaine nazie: sans soins,
grelottant de fièvres et de douleur, je fus poussé dans un wagon
cellulaire et un peu plus tard, incarcéré dans une petite cellule sombre
de la prison de Charlottenburg. Las et sans conscience, je
m’assoupis sur les planches-couchettes, lorsque loin dans la nuit (vers 3
heures du matin, je pense), la porte de la cellule s’ouvre pour livrer
passage à un aumônier allemand qui m’enleva les menottes, puis me lava la
tête et la figure, ensuite il me conte un tas de choses que je ne
connaisais pas mais devisonné et que très bientôt je paraîtrai devant
l’Eternel! Après la question rituelle des dernières volontés du condamné à
mort, l’aumônier me promit de m’aider spirituellement jusqu’à mon dernier
moment en m’exhortant à dire encore ce que j’avais à dire pour éclairer la
Justice des hommes et de Dieu afin de jouir la clémence de notre Seigneur
Tout Puissant; l’ aumônier murmura, au nom de ce Dieu profané par la horde
hitlérienne, une prière après laquelle il réitéra la question de ma
dernière volonté. Je demandai pouvoir écrire quelques mots aux miens,
toujours sans nouvelles de moi depuis décembre 1941, mais cette faveur me
fut catégoriquement refusée parce que NN et exclu de toute communication
avec l’extérieur. Après cela, le chef des gardiens aidant, ils me
présentèrent l’ultime cigarette et le verre d’alcool; je refusais la
première et en sentant que le second contenait de l’alcol méthylique, je
m’abatins de celui-ci aussi.
Quelques minutes plus tard, et combien longues, je fus déshabillé jusqu’à
la ceinture, l’on me lia les mains sur le dos à l’aide de cordes et une
espèce de grand sac de jute fut jeté sur mes épaules puis, pieds nus,
poussé hors de la cellule; malgré mes douleurs, tant physiques que morales;
j’essayais de ne pas montrer ma faiblesse à nos gris-souris, dans le
couloir sombre, je remarquais plusieurs ombres dans le même accoutrement
que le mien… Las gardiens faisaient tinter les clefs don’t ils étaient
porteurs…O! son lugubre et combien douloureux les coups reçus de ces
engins qui ont cependant un tout autre but que de frapper des êtres
humains!...
Enfin, des ordres gutturaux tranchent le silence de cette nuit noire et
lugubre: “Links-um, marsch!”; distance à respecter, trois mètres, et
chacun escorté de deux hommes armés. Titubant malgré moi, je suivais
automatiquement mes protecteurs; nous nous arrêtons dans une grande cour
clôturée de murs très élévés et là, au déclin de la nuit, encore plusieus
des nôtres qui allaient passer de vie à trépas par les balles nazies
attendaient le moment…Le jour levant! 6 juin 1943.
Malgré la douceur du temps, un frisson nous traverse tout le corps: l’écho
nous amène le son de chants patriotiques, chantés par nos camarades de
cellule, invisibles pour nous, mais peut-être nous voyaient; puis, c’est
le son de leurs cris qui nous parvient: ”Courage, camarades, on vous
vengera; ils paieront les criminels!”… Là, proche d’un mur peint en noir,
nous apercevons trois potaeux alignés; dans le sens opposé, une quinzaine
de soldats, l’arme aux pieds, prêts à exécuter les ordres de la tragique
besogne qui allait s’accomplir! Nous étions en tout 20 hommes à expier
leurs crimes et le jour étant levé, choisis dans le tas, trois par trois
tombèrent à un rythme accéléré, d’abord attachés à l’un des trois poteaux,
puis, après l’exécution, à terre et deliés, reçurent le coup de grâce dans
la nuque par le sinistre individu qui commanda ce carnage, pendant que les
soldats exécuteurs étaient remplacés par quinze autres criminels: ensuite,
lorsque la mort fut constatée par deux galonnés et par l’aumônier, les
trois corps furent ensevelis dans une caisse qu’ils appelent cercueil et
celui-ci, fermé d’un couvercle et étiqueté, hissé sur un camion qui
stationnait non loin de là.
Après le cinqième ordre d’exécution, arriva dans la cour une voiture
automobile de laquelle sortaient quatre officiers supérieurs et après
quelques palabres entre eux et les dorés sur tranche de la prison,
l’aumônier vint nous annoncer que les exécutions étaient interrompues et
cyniquement nous dit que “ce” sera pour une autre fois!!! Aussitôt, les
cinq rescapés de cette tragédie, don’t je fus, furent conduits dans des
caves, à nouveau menottes aux poings: en quarantaine! Il est 4h30 du matin!
Quelques heures plus tard, nous sommes rehabillés de coutil bleu largement
rayé de jaune sur les manches de la veste et sur la pantalon, une chemise
de bure pour tout sous-vêtement, un calot de même nature et les pieds nus
dans des brodequins lourdset tortionnaires.
Sous bonne escorte, en camion automobile, centure d’acier enchaînant nos
poings aux hanches, nous sommes conduits à la gare centrale de Berlin
où nous arrivons vers midi et immédiatement dirigés, le long d’un train en
stationnement, jusqu’à un wagon cellulaire attelé en tête.
Dès que chacun de nous cinq se trouve logé dans un box, un gardien – qui
sera notre convoyeur – nous libère la main droite pour nous permetre
l’usage de ce bras dans le but de prendre une légère collation qui est
notre premier repas depuis la veille et qui sera apte à nous tenier deux
jours et une nuit, puisque le 8 juin, à 7 heures du soir, nous arrivâmes à
Neustadt-Harz : le bagne le plus ignoble que l’esprit humain serait en
mesure d’imaginer; c’est le laboratoire scientifique de Dachau.
Expériences et recherces scientifiques sur des êtres humains par des
injections diverses; la fécondité artificielle des femmes et jeunes filles
de toutes races par des injections spermatoïdes pris sur le vif à l’aide
de masturbation des hommes jeunes surtout: le sadisme et la vie en commun
des deux sexes avec rapprochements sexuels obligatoires; la vivisection
humaine sur grande échelle; l’homosexualité librement consentie par des
individus immondes pour une gamelle de soupe supplémentaire; des femmes,
pour le même motif, s’adonant à une orgie indescriptable et essayant, le
nerf-de-boeuf à la main pour les réclacitrants, d’entraîner ceux qui
résistaient à cette moralité basse et abjecte, font que je vous demande
grâce de m’étayer sur ce sujet (voir annexe: Dachau): des exemples
frappants vivent encore ici dans nos cliniques ou hopitaux à l’état de
monstres ou d’épaves humaines, victimes des vissicitudes énumérées
ci-avant.
Un exemple entre mille: une jeune fille de 24 ans,
Gisèle Duchamps de Diest,
vivant dans la cellule voisine de celle que j’occupais avec trois compagnes
et deux compagnons de misère (Ginette de Loos,
Uccle; Cathe Verad, Lommel,
Rose Pelliane, Charleroi;
René Fraiaçe, Dinant,
Armand Gillon (19 ans) Gand;
Gisèle donc était arrivée au terme de
sa portée pré-nuptiale et enfanta au cours de la nuit du 19 juin 1943 un
garçonnet, aide en cela par ses compagnes et compagnons de cellule; au
matin, les autorités averties firent venire l’infirmier-boucher qui fit
savoir à la malheureuse qu’on viendra enlever l’enfant et puis elle même
pour être transporté à l’infirmerie. Mais ne voulant pas que mon enfant
devint un Boche, elle l’étouffa. Quand les SS étaient là pour enlever
l’enfant et la mère, à la vue de la mort du premier, un de ces criminels
tira son poignard hors de sa gaine et l’enforça dans la gorge de la mère
en insultant celle-ci de femme denature indigne de vivre, puis, d’autres
enlevèrent cette brave agonissante et son bébé mort jeté sur son corps,
ils la transportèrent vers l’infirmere!
C’est à la Providence que je dois d’avoir échappé à la vivisection dans
cet centre appelé pompeusement “Maison d’arrêt pour le Redressement moral
et physique de l’humanité déchue”. Vers la mi-août, par une chaleur
accablante, après les scenes d’orgie sexuelles quotidiennes dans la cirque
où nous devions nous rendre sans distinction d’âge ni de sexe, vêtus à sa
plus simple expression, c’es à dire la peau sur les os, je fus conduit
dans une salle meublé à la façon d’un cabinet médical, immédiatement l’on
me coucha sur un marbre, j’eus le temps de se rendre compte de ce qui
m’attendait là en voyant le genre d’opération executée en ce moment sur le
corps d’une jeune femme étendu toute nue sur la marbre paralelle à celui
sur lequel ils m’avaient couché et lié avec les délicatesses propres à la
race teutonne: un groupe composé de trois femmes et un homme, tous vêtus
de blanc à la façon chirurgien, étaient près de moi, je remarquais entre
les mains d’une de ces femmes barbares un attirail bizarre d’entre lequel
je distinguais parfaitement le bistouri et c’est cette même vache qui me
délia mes bras du marbre. Vous dire ce qui m’a prit ou ce qui c’est passé,
je ne le pourrais, mais ce que je sais, c’est que j’ai été rossé
convenablement et ramène meurtri, ensanglanteé et évanoui en cellule où
mes compagnes et mes compagnons me soignèrent par leurs moyens à l’aide de
leur linge personnel et d’un broc d’eau. Elles et eux aussi ne se
prêtaient pas aux saloperis en vigueur dans cet antre de haute culture
hitlérienne et qui payèrent de leur vie leur belle conduite de résistance:
mes deux compagnons ont été fusillés, Cathe
et Rose ont été assasinées au camp
de Ravensbruck pendant que Ginette,
rescapée de ces horreurs est devenue un monstre pour le “grand bien des
recherches scientifiques”!...
Ce fut le 16 août 1943 que je dus savoir à quelle faveur j’échappai aux
experiences de vivisection: amené, menottes fixes et serrants aux poings,
devant le commandant du bagne; je pus conclure de mes veciférations que
j’étais un être object et, comme moi-même père d’une jeune fille de 18 ans!...
Comprendre qui voudra.
Le même jour, revêtu des hardes pour venire dans ces lieux inoubliables,
menottes jumellées aux poignets, dans le courant de l’après-dîner, je fis
partie d’un convoy de 18 hommes et de 12 femmes, toutes et tous varies
épaves humaines, vers la gare de Neustadt-Harz où l’on nous casa, 5
hommes par box, dans un wagon cellulaire qui nous amena à Moabit
(30 kilomètres au N.B. de Berlin), le 18 août vers la soirée.
Au cours de ce voyage de deux longues nuits et d’un jour sans soleil, mais
toride, nous fumes ravitaillés deux fois.
Moabit…Nom
sinistre pour tous ceux qui y ont vécu…Pour la 5e fois, je fus rasé et
tondu de la tête aux pieds, comme une brebis mise à nu de ses laines.
Notre beinvenue dans ce bagne fut honorée par une haie de gardes armés de
mitraillete don’t le canon nous souriait de face et d’autres, des SS
ceux-là, revolver au poing et flanqués de chiens-bergers qui n’avaient pas
l’air de vouloir se familiariser notre presence. Après la speech de
“bienvenue” ritual dans ce genre de pension de famille, une visite
corporelle en règle, jusque dans les moindres plis de notre paeau, chasse
aux bijoux, surtout les alliances, bouts de crayon, de tabac! Malgré toute
cette sévérité, bien des choses étaient ramenées en cellule au nez et à la
barbe de nos scrutateurs teutons; toutes les astucités étaient mises en
pratique pour garder et sauver ce qui nous était le plus cher, notre
alliance…Désinfection au bain de creoline, tondus, remis à neuf avec les
hardes largement rayées du bagne et les pieds nus dans des claquettes aux
semelles de bois à courtes empeignes, qui souvent meurtrissaient les pieds,
nous revoilà en cage, les menottes fixes aux mains, sur le dos pour le
jour et pour la nuit, vêtements dehors, en liquette de bure, les mains
liées sur le ventre par des menottes jumellées à chaînes:
Prisonnier! N’être plus qu’une ombre vacillante,
Qu’un humain retranché du nombre des vivants,
Qu’un fantôme ignore qui erre et se defend,
Comme il
peut, au milieu d’une meute hurlante.
N’être plus
qu’un pauvre honteux qui cherche quelqu’aumône,
Dont les regards inquiets inspectent le chemin
A la recherche vaine d’un morceau de pain,
Ou d’infâmes debris qu’aux chiens on abandonne.
N’avoir pour vêtements que des hardes sordides,
Aux pieds des claquettes, être seul; être las
Et devoir, de ses tristes yeux d’enfant qu’on bat,
Contempler des gardiens, repus, joyeux, solides…
Voilà les hôtes de ce bagne: homes hâves, affamés, squelettiques, abrutis
de coups, de mauvais traitements. Aux promenades, pendant une heure, nous
devions obéir aux orders d’exercices physiques par des pas de course,
marche ou pas de course sur place, pas ralentis et insensiblement
accélérés, les mains menottées et de lourds sabots aux pieds nus. Les
instructions d’exercices étaient données au moyen de coups de sifflets et
surveillés pour leurs exécutions par les chiens qui nous avaient si
gentiment souhaitée le bienvenue. Malheur à celui des nôtres qui
n’exécutait pas sur le champ des instructions sifflées selon les
fantaisies de la brute doré sur tranche, les crocs des moloses entraient
dans les mollets ou dans les cuisses – pou ce qui y restait encore! – des
malheureux qui n’en pouvaient plus ou qui n’avaient pas bien compris
l’ordre sifflé. Les moindres peines de repression, ou cours de ces
promenades sentimentales, accusé à tort ou à raison, consistaient à rester,
fixe, la pointe des pieds et le nez collée au mur avec les mains liées au
dessus de la tête pendant tout le restant de la durée de la promenade et
si, pendant le temps de cette punition, le nez décollait du mur ou le
moindre geste dans le but de reposer un tantinet les members ankylosés,
parfois même le fait de tourner la tête de l’un ou de l’autre côté,
suffisaient pour que le redoubtable gardien à quatre pattes, flanqué au
patient, lui fit sentir ses craques pour rappeler à la bête humaine
qu’elle se trouve dans une position hors d’ordonnance; ou bien encore,
pour celui qui ne suivait pas le pas de course ordonné, devait courir dans
le sens opposé à celui que suivait la colonne, poursuivit par les
aboiements et souvent stimulé par les crocs des chiens lui entrant dans le
peu de chair qui lui restait encore sur les os de ses members inférieurs
jusquà ce qu’il tombait evanoui ou mort…
Pour avoir tenu contre les crocs de cette goule,
L’invasion Durant des jours et des jours,
Sans autre chose que du meurtre tout autour,
Et n’être plus qu’une âme et un corps qui s’écroule.
Avoir été Héros jusqu’au Confins de Monde
Et l’orgueil sans pareil d’un people indompté,
Et n’être devenu que “ça”, un prisonnier,
Tel un fauve parqué dans un enclose immonde!
J’ai, dans ce lugubre bagne, connu deux autres sortes de mesures
répressives. La première, don’t je n’ai jamais connaissance du motif,
consistait à jouer au petit chien, comme ces messieurs appelaient cette
miserable comédie: aussitôt après la distribution du repas matinal, le
puni est lié, les poignets aux chevalles, les bras croisés derrière les
jambes, et dans cette position, il devait, du quatrième étage, sortir de
sa cellule, longer la galerie sur toute sa longueur et de là descendre des
escaliers en fer don’t les marches, aux grands ris de Boches nous devions
longer le grand couloir au bou duquel 7 marches en beton conduisent dans
un espace triangulaire (environ 30 mètres pour chaque côté) mi-pavé et mi-cendré,
où, toujours dans la même position nous devions nous promener
alternativement une heure et une heure de repos dans une sorte de niche
maçonné contre les fenêtres du bâtiment et formant abris contre les
bombardements.
Après quatre longues heures de ce sinistre jeu – nous étions ce jour là
neuf frères de misère astreints au même supplice pendant lesquelles plus
d’un fit des chutes parfois le blessant grièvement, ce fut à coupe de
bottes dans les reins qu’il fut remis sur pieds…et mains, ajouterai-je
même, pour continuer sa promenade; ou bien, si l’un de nous tombait
évanoui, épuisé, il était laissé là et les gardiens attendaient
indifférents l’heure de coups de midi. Pendant les temps de repos dans les
niches, chaque fois qu’un gardien passait – et les salauds le faisaient
avec plaisir – le puni devait sortir de sa niche et prendre la position
que prennent les chiens quand ils hurment à la mort puis imiter les
aboiements des chiens, sans quoi la matraque tombait dru là ou elle
trouvait place sur l’individu. A midi tapant donc, nous pouvions
réintégrer notre cellule, l’un un peu plus blessé que l’autre par cette
gymnastique force et quasi impossible, rendant plus difficile encore la
montée des escaliers au cours de laquelle plus d’un fit une chute pour ne
plus se reveller ou pour tenter d’arriver au sommet, aux grands éclats de
rire de nos cochons de gardiens qui s’amusaient follement de notre
supplice!
Figurez-vous bien: neuf homes en forme de boule, les mains liées aux
chevilles, monter la valeur de quatre étages sur les escaliers de fer!
Enfin, arrives sur la galerie supérieure, ce fut à coups de bottes que
nous fômes notre enrtée en cellule, roulant jusqu’au fond de celle-ci.
Quelques instants plus tard, la porte de la cellule s’ouvrait et là sur le
seuil, deux plat allignés l’un derrière l’autre et desquels il fallait,
comme tout quadrupède, liquer le contenu, mais il fallait commencer par le
premier et celui-ci vide à fond de sa substance immonde, le puni était
délié de ces entraves et alors ils pouvait manger le contenu du second
plat qui contenait une nourriture convenable –même un luxe pour nous,
simples numéros. Hélas! À la vue du contenu du premier plat, une
repugnance toute naturelle faisait que l’on n’y touchait pas de tout et,
comme une bête dégouté, c’est à reculons que nous écartions des plats
malgré le faim et les douleurs des members causées par les entraves et les
efforts dépénsées à cette sorte de gymnastique inquisitionelle! Alors, le
gardien cyniquement nous disait que demain ce sera meilleur, un peu rassi,
et nous enlevé les entraves et les plats, puis jusqua’au lendemain, après
la pittance matinale, la même scène se répétait et les résultats furent
aussi les mêmes, faim, douleurs et chaque fois sans manger pendant 24
heures.
Mias, après la 3e experience, malgré nos voeux de plutôt mourir que de
manger des excrétements, croyez-moi, surtout pour metre fin à un supplice
aussi inhumain et la la faim aidant, l’on mangea en léchant ces ordures,
comme le font des animaux, mais du plat de bonne nourriture, pas la
moindre goutte ne pouvait passer par dessus les lèvres. De neuf que nous
fûmes à la premiere experience, six furent de la “fête” pour la deuxième,
mais pour la troisième expérance , nous ne fumes plus que deux? Qu’est-il
advenu de ces frères?...
Ces scenes se sont passées par une chaleur toride les 20, 21, 22 août 1943
à Moabit. Je vous laisse juge de cet exposé trop succinct pour
faire reféter en vous l’image d’une telle ignominie ainsi que de celle
esquissée ci-dessous.
La journée du 24 aôut 1943 fut marquée par la seconde sorte de répression
qui consistait à prendre le puni par les pieds, la tête et les épaules à
même le pavement de la cellule jusqu’à évanouissement avec, au préalable,
sans doute pour éprouver la force de résistance de la corde ou celle du
cerveau du patient, les mains liées sur le dos, tout le corps soulevé puis
brusquement laché, la tête cognant les pavements. Parfois la corde double
est torsée et alors supplicié, tournant d’abord dans un sens, puis dans un
autre, atteignant souvent une vitesse vertigineuse, est battu à l’aide
d’un nerf de boeuf… A l’évanouissement, le patient non delié de ses liens
est couché à terre et à l’aide d’un contenu d’un seau d’eau est soigné
pour revenir à lui; puis, tout ruisselent, la scène recommence quatre ou
cing fois par jour selon que la punition comporte une durée de un ou de
plusieurs jours…
Motif: avoir ramassé en mangé une épluchure de rutabagga
pourri trouvée dans le préau!
Deux jours plus tard, le 26 août 1943, vers deux heures du matin, je reçus
la visite de l’aumônier qui m’annonçait que je serais fusillé au jour
levant, puis il procéda à la scène rituelle des derniers moments du
condamné à mort, pour la seuxième fois, soit 81 jours après celle de 6
juin à Charlottenburg, après avoir refusé la cigarette ultime,
sachant que le contenu du verre était de l’alcool méthylique, je lançai ce
contenu dans ce qui servait de figure au chef des gardiens qui, vociférant,
m’arracha les vêtements puis me lia brutalement les mains sur le dos à
l’aide d’une corde et je restai là, attendant…une éternité…le moment de
sortir de cellule….Quel cinéma passe dans la tête d’un homme à un tel
moment de sa vie? Le gardien me poussa brutalement jusqu’à la sortie de
l’aile où, sur mes épaules nues, fut jeté un sac en guise de couverture.
Nous traversons une grande cour, longeons un mur tres élévé
pour sortir par une porte en fer renforcée encore par une grille à gros
bareaux, un dédale de couloirs de grilles et de cours, pour enfin aboutir
dans une sorte de grand jardin duquel nous longeons pendant quelques
instants le mur de clôture, haut d’environ 1m50. Devant ce mur, de grands
trous oblongs sont creusés dans la terre et de l’autre côté de ces trous,
de petits monticules s’élèvent, rangés, surmontés de petits plaques de
bois: le cimetière des fusillés!
Pendant que notre maîtres palabraient entre eux, nous étions groupés 19
hommes prèsque sans surveillance, non loin du mur, à l’aube naissante,
j’aperçus des mouvements, peu en rapport avec ses moyens, par mon voisin
de cellule Marcel de Bouvignes,
coupant les liens, lui-même les mains encore liées sur le dos, d’un autre
voisin Deridder d’Anvers; lorsque
ce dernier fut libéré de ses liens, non sans une forte entaille dans la
paume sous le pouce de la main droite, en un clin d’oeil
Deridder coupa les liens de
Marcel
et celui-ci, aussi rapide que l’éclaire, coupa mes liens. A ce moment,
nous rendant compte de la situation, il fallait aller vite et nous ne
pouvions plus nous occuper des autres.
Deridder poussa la lame Gilette entre les mains d’un quatrième
et profitant de ce que les dorés sur tranche ne prêtaient pas grande
attention à nous, préoccupés à ranger les hommes armées, nous brulâmes la
politesse à nos bourreaux en escaladant le mur en prenant la fuite à
travers champs et bois, n’importe quelle direction, sans nous retourner
une seule fois, jusqu’au moment où, épuisées par notre course, les nerfs
nous abandonnent, rencontrant une meule de foin nous laquelle nous nous
réfugiâmes au soleil levant. Avons-nous dormi au long de cette journée qui
nous parut beaucoup plus courte que celles passées en cellules? A la
tombée de la nuit, cherchant à nous procurer des vivres et des vêtements
surtout, puisque ceux-ci étaient reduit à leur plus simple: un pantalon et
un sac, Marcel était donc sorti de
notre cachette et, un peu plus tard, revenu de son expédition, il nous
confia avoir une âme charitable qui viendra à notre secours et nous
procurera habillement, gîte et ravitaillement. Bonne affaire et au cours
de la nuit, nous essayerons de nous orienter et nous prendrons la
direction de l’ouest!... Pendant que nous projettions et proposions, le
sort décida: des bruits de voix et de pas proches suscita la curiosité de
Deridder qui poussa la tête hors du
trou de la meule qui nous abrita si bien, mais aussitôt il fut rudement
empoigné; profitant de la bagarre, Marcel
s’enfuit et les Boches firent feu en sa direction, le tuant net…Héros et
martyre…Pendant ce temps, Deridder
fut traité si bestialement qu’il tomba à terre; je dus sortir de la meule,
les mains levées perdant mon sac et ainsi je fus ligoté, non sans
brutalités, puis j’apperçus un civil paysan qui devaît être l’âme
charitable rencontrée par Marcel et
une douzaine de soldats armées de mitraillettes; 4 d’entre eux me
conduisirent dans une maison proche de ce lieu dramatique. Qu’ont ils fait
des corps de mes deux compagnons?
Dans le courant de la nuit (du 27 au 28 août) en camionette, sous bonne
escorte armée, toujours torse et pieds nus, ligoté réglementairement, l’on
me conduisit à Berlin pour y “régler mon compte”. Cette fois, je
fis la connaissance d’une cellule d’arrêt du fameux Polizei Preasidium de
l’ Alexanderplatz, dans laquelle après un passage à tabac-maison,
je reçus la bénédiction de la tonduese du coiffeur qui me dessina sur la
tête un beau chemin des poux, c’est-à-dire le centre du crâne et jusque
dans la nuque, la tête rasée en forme de croix (le signe diffament pour
les Boches) puis remis à neuf par un vêtement de coutil noir largement
rayé de jaune, des claquettes aux semelles de bois et sans couvre-chef. Je
reçus la visite de trois galonnés avec brassard à croix gamée et
l’interrogatoire commença par quelques insultes pour se terminer par de
menaces de tous genres, mais je ne sais pas du tout de quoi il a été
question et ce que ces “protecteurs” me voulaient. Me revoilà en boîte:
Au lieu de
toits rouges et de plaines de Flandre,
En place de côteaux rieurs, des bois mosans
St des honnêtes bourgs, simples et accueillants,
Où les seuils des maisins s’ornent de propres tendres;
N’avoir plus devant soi que des grilles pour bêtes,
Que des taudis pouilleux, ces noirs baraquements
Sur lesquels, chaque nuits, comme un ricanement,
Traîne le rauque cri de la mort qui halète;
Ne plus connaître rien du charme de la vie,
Ni le baiser, ni la caresse d’un enfant,
Ni la faveur de se savoir aimé, aimant!
Ne plus pouvoir choyer une sienne bénie;
Ne plus goûter les douceurs des longues veillées,
Courir par le grand bois que l’automne a rouillé,
Ou bavarder, le soir, dans la douceur d’été
Tout au long des sentiers qu’assombrit la feuillée.
N’être qu’un numéro de bagnard qu’on gourme,
N’être plus que cela tout court, “un numéro”,
Que graverait, si on l’osait, sur votre dos,
Quelque tortionnaire assoiffé de chiourme!
Mais surtout, n’être plus qu’un pauvre humain sans leure
Qui rêve chaque nuit, et revoit chaque jour,
Ce songe hallucinant d’impossible retour,
Vers le
toit familier de son humble demeure,
Et n’ose réfléchir par peur de lépouvante,
Que peut-être jamais, il ne retrouvera
La saveur des propos, ni le charme des bras,
Ni du feu rallumé à la chaleur émouvante.
Après la distribution de la soupe, l’on me mit les menottes fixes et
j’allais rejoindre un groupe de 26 hommes déjà parqués dans un camion et
aussitôt après, escorté militairement: soldats à l’intérieur et quatre
motocyclistes, ce cortège nous amena dans une gare de la banlieue de
Berlin où notre transbordement s’effectua sous l’oeil vigilant d’une
haie de gardes armés pour prendre place dans un wagon cellulaire à box
simples et nous fûmes isolés. C’était un convoi de 27 S.K. (Steib Kopfe ou
têtes dures), de toutes nationalités mais se composant surtout d’Allemands!
Après deux longues nuits et deux longs jours de voyages enchaînés dans le
box de ce wagon cellulaire -au cours duquel les longs et multiples arrêts
du convoi n’étaient pas exclus- nour arrivons, le 30 août 1943, vers la
soirée, à Stettin et nous avons été ravitaillés deux fois au cours
de ce transport, pas de boisson. Aussitôt débarques du train dans une gare
de marchandises, c’est quasi au pas de course que nous nous dirigeons, à
pied, vers la citadelle où nous fûmes incarcérés dans des cellules de
quarantaine après réception d’un crouton de pain sec et dur. Le lendemain
matin, après la distribution de la pitance, un à un, nous passions à la
“Kamer” où, déshabillés jusque sur la peau, puis, dans une autre salle,
rehabillés du “pyjama” après “inspection du verrou” et visite corporelle à
fond: ensuite éparpillées, l’un conduit par si, l’autre par là, je fus
conduit dans une salle spacieuse meublée de sortes de cages à bêtes , aux
cints à gros barreaux, forment de sortes de tunnels grillés ouverte de
chaque côté et dans le centre desquels se trouve un mur d’environ 40 cm
d’épaisser et 2m20 de longueur ainsi que 1m50 de haut. Dans le centre dans
ce pan de mur, à environ 40 cm de niveau du sol, est maçonnée une pierre
bleue large de 25 com sur 15 cm de profondeur environ qui sort de siège au
supplicié chaussé de gros sabots à fers; assis sur ce siège peu commode,
les chevilles cerclées d’un anneau d’acier tenu à la base de ce pan de mur
en au-dessous de la banquette en pierre blue par un grosse chaîne acellée
à la pierre; les bras tendus horizontallement sont tenus en cette position
par des anneaux d’acier charniés aus poignets en fixés dans le mur à
distance de la longueur de bras et au niveau de la tête de l’occupant de
ce “fauteuil”.
C’était le régime de la crucification de 6 heures du matin à 7 heures du
soir; de 7 heures du soir à 6 heures du matin, en liquette mais les sabots
à fera aux pieds nus et les mains enchaîneés sur le ventre. Distribution
de la pitance, matin et soir, chaque fois il nous est accordé un quart
d’heure pour vaquer à nos besoins naturels, ablutions, les mains libres,
qui souvent devaient se faire dans les mêmes récipients que ceux servant à
recevoir nos aliments et avaler ceux-ci en quatrième vitesse. Comme moyen
de couchette, au gré du locataire, contre les barraux, par terre sur les
dalles ou contre le mur de la crucification: pas de sac à paille ni
couverture; du reste, celui d’entre nous qui se payait le luxe de se
coucher ne se revelait plus et le lendemain était conduit au champ de
repos éternel et cet honneur là nous ne voulions pas le laisser à nos “protecteurs”!
Depuis notre arrivée dans cet enfer là, comme en général dans tous les
bagnes, de 12 à 15 heures, il y eut peu ou pas de surveillance – ces
messieurs avaient soin de leur sieste –et, profitant de ces moments de
liberté relative nous nous communiquions nos espérances sans nous voir
l’un l’autre, cachés par le sommet du mur conte lequel nous étions
crucifiés enchaînes, sauf que notre vu n’était pas cachée aux camarades de
gauche ou de droite don’t la cage formait solution de continuité des trois
tunnels par rang. Mon voisin de gauche, ressortiment Italien du nom de
Giormo, doué d’une vois splendide,
nous chanta chaque midi un air d’opétra que , tous, nous écoutions avec
respect dans un silence religieux –aspirant chaque jour cette heure sacrée
communiée aves nos paines! –Je ne pourrais préciser la date, mais je la
situe vers la mi-octobre, notre ténoir occasionnel chantant le grand air
de “La Tosca” lorsque tout à coup de gardien le plus farouche de la
citadelle, au surnom de Bonnot, se porta entre
Giormo et moi, vociférant et beuglant,
il administra quatre ou cinq coups de botte dans la figure de
Giormo… Lorsque le sinistre criminel
eut vidé les lieux de sa présence, nous vîmes notre malheureux
Giormo, méconnaissable, la figure
tuméfiée, le sang de sa bouche et de son nez lui coulant sur ses maigres
jambes, puis, un peu plus tard, la tête penchée sur la poitrine, sortant
de ses oreilles, le sang lui couvra bientôt aussi les épaules… Un peu plus
tard il agonisa et le soir, après notre décrucification,
Giormo tomba comme une masse…il avait
payé de sa vie les courts instants de joie quotidienne qu’il nous prodigua!...
Après deux mois de ce genre de vie, vraie loque humaine, le soir du 28
octobre, après le repas du soir, l’on me fit sortir de la salle des cages
pour me conduire dans une aile de la maison d’arrêt de Ravensbrück
don’t la population du pénitencier se composait d’autant d’éléments
féminins que masculains –auxiliaire des camps de Neubrandenburg et
Ravensbrück. Ici, c’est la régime des zuchthaus (miasons
disciplinaires) isolés en cellule, promenades les mains lies sur le ventre
et … tous les jours se ressemblent, mais les Boches nous ennuient pas.
Volonté diabolique, les cellules sont occupées alternativement par numéro:
les numéros impaires pour femmes et les numéros pairs pur hommes; ainsi,
occupant la cellule 144, j’avais comme voisines aux 143 un française de
Pau (surnommée Mamoune) au
moral très élevé, tandis que Paule,
le 145, était plutôt à bout ce n’était plus une femme, mais un tigre don’t
le mugissement nous brisait le coeur surtout la nuit et personne ne venait
s’enquérir du bruit et des cris provenaient des étages supérieur ou
inférieurs… lugubre, hallucinant, de quoi rendre folle ou fou les
pensionnaires du lieu de la plus belle ville d’Allemagne (voir annexe:
Ravensbrück-Stettin).
Comme le froid intense de cette fin d’automne 1943 avait entraîné avec lui
la neige, couverts de notre chemise de bure et notre pyjama, pieds nus
dans de viellles claquettes, dès le cinquième jour de notre promenade dans
cette prison, nous sommes gratifiés de gros flocons blancs que nous
chassait l’air de la Baltique toute proche. Le jour de la
Toussaint, que fut un jour comme un autre si ce n’eut été qu’après notre
promenade, toute la section est appelée en rassemblement dans la cour: il
s’agissait de retrouver le trousseau de clefs de notre gardien et si
l’auteur de vol ne se fait connaître sur le champ, des mesures répressives
sévères seraient prises à l’égard de toute la Section. Il nous était
accordé une demi heure pour faire connaître l’auteur du larcin et de la
remise en mains propres du chef gardien des clefs volées. Déjà transis de
froid et la tête et les épaules couvertes de neige durant la promenade qui
avait duré au-delà d’une demi-heure, nous devions rester encore une
demi-heure immobiles dans cette intempérie pour ne pas plus trouver
l’auteur du larcin incriminé ni les clefs. Ce fut une vraie chasse à
l’homme avec distribution généreuse de coups de matraques et de bâtons pur
notre retour en cellule et entrainant la privation de nourriturr pour ce
jour étendue à toute la Section.
Pendant que Mamoune et moi
bavardions au “téléphone” (tuyaux du chauffage comme à St-Gilles),
Paule, inabordable y allait de ses
rugissements de bête traquée qui ne prirent fin que vers le milieu de la
nuit, pendant que d’autres cris d’ailleurs continuaient à nous tenir en
éveil. Le jour des morts, nous ne jouissions pas de l’avantage de la
promenade, sans doute parce que le soleil jaillissait ses rayons sur la
neige fondante. Au cours de la nuit, semblable au précédantes, la lune
claire et le froid plus intense dans la cellule marquaient un temps de gel
fort.
Le lendemain, le 3 novembre 1943, au réveil, la porte de toutes les
cellules s’ouvre et nous nous demandons ce qui se passe. Trois gardiens
circulent le long des cellules en tonitruant: “aus-zehen, gans aus-zehen”
(déshabillement complet), pendant qu’il est procédé à la distribution du
pain, pas de boisson. Au retour, vers les premières cellules, ils guelent
à nouveau: “Schnel! Schnel! Fressen und austreden” (manger et rapidement
sortir de la cellule!), quelques instants plus tard, 37 personnes dont 19
femmes se trouvaient alignées tout nu devant la porte de sa cellule, puis
quatre par quatre disparut par la porte des escaliers et pendant ce temps
les “restants” étaient surveillés par un garde-chiourme que nous n’avions
pas encore vu, après la quatrième “depart” soit six hommes et six femmes,
Paule (ma voisine du 145) entra en transes et lâcha ses cris
lugubres en se débattant comme une folle hystérique sur le parquet du
couloir; quelques bonnes volontés des nôtres voulant secourir la
malheureuse, furent vite redressés à coups de matraque par des acolytes
accourrus au secours de leur semblable meurtrier qui emportèrent
Paule et un Polonais tombé mort de
froid, puis les “departs” par quatre continuèrent jusqu’à
Mamoune, après il en restaient trois
encore.
Toujours en tenue d’Adam et d’Eve (sans feuille de vigne!) nous sommes
conduite dans la cour-promenade où nous allons rejoindere nos voisins déjà
tous attachés à un poteau, face à face et alignés dans l’ordre du numéro
de notre cellule soit donc un homme face à une femme!...
Un froid de loup règne sur la region et dès la première heure plusieurs
d’entre nous laissent choir la tête sur la poitrine…pris par le froid
mordant à fond notre chair nue…
Mamoune
et moi bavardions pour soutenir notre moral et cette brave a le courage de
me réciter les vers suivants que je n’oublierai de ma vie:
Ils auraient bien voulu, tous ces Teutons hideux,
Voir se courber nos fronts en gémissant tout bas,
Lorqu’ils nous détenaient dans ce chateau très vieux,
Sur la froide Oder, pour nous terre de parias.
Ils
connaissent bien mal de l’ âme des vraiens Françaises,
La farouche vertu de nos seours de Belgique,
Car au stupide orgueil de leurs faces mauvaises,
Nous opposerons toujours un sourire ironique.
C’est que les memes rêves hantent nos coeurs meurtris,
C’est que nous savons toutes pouquoi nous sommes là,
Et si le dur calvaire creuse nos traits flétris,
L’espérance jamais ne nous abandonna…
Mais si parfois, lassées de trop d’ingnominies
Des pleurs mal essuyés obscurcissaient nos yeux,
Si la mort implaçable fauchait de frêles vies
Et fait parmi nous des vides trop nombruex,
Nous cherchons l’apaisement en des rêves de gloire,
Due nos chères Patries, bientôt réaliseront,
Nous savons malgré tout que viendra la Victoire,
Et, vers la Liberté, nos regards se tendront.
Stettin, 3-XI-1943
Ainsi en cette tenue et en cette position toute cette journée froide fut
une mesure répressive d’extermination qui eut pour résultat de faire
crever 29 des 35 punis parce que le gardien avait perdu ses clefs,
retrouvées on ne sait où avant les cinq rescapés de cette sinistre comédie
de carnage d’un autre genre. En effet, au cours de notre retour en
cellule, encore une victime tomba morte dans les escaliers que nous
montions à grand peine raidis et gelés, je n’eus même plus la force de
manger ma soupe ni de m’habiller convenablement.
Ai-je
dormi ou me suis-je évanoui? Longtemps, jours et nuits, je fus inapte de
penser ou de réfléchir encore et de Mamoune
non plus je ne sus plus rien.
Petit à petit, revenu à moi, les gardiens ne perdant plus leur trousseau
de clefs nous laisaient bien en en paix et la population cellulaire étant
revenu au nombre de 38, ils savaient de quoi s’amuser à nouveau.
Le
soir du 27 novembre 1943, le gardien me fit sortir de la cellule et, en
compagnie d’un autre détenu (le 122) nous allons rejoindre d’autres
“pyjamas” dans une grande salle surveillée par six SS armés et, silence de
rigueur, position fixe, nous attendons… cinq par cinq, les “pyjamas”
passent dans une autre salle où nous devons nous déshabiller à nu et dans
une autre salle encore rhabillés de coutil blue largement rayé de jaune et
la poitine ornée de notre NN surmontant notre numéro de matricule; ensuite,
nous passons dans une troisième salle où se trouve un individu en blanc
vêtu, à la mode d’un chirurgien, qui, après invitation de s’asseoir fit ni
plus ni moins de nous arracher les ongles des doigts de nos pieds après
quoi nous sommes chaussés de claquettes nouvelles aux bouts très étroits
et soutenus par une bandelette de fer blanc… puis nous passons une grande
partie de la nuit et par groupes sans surveillance…
Vers le decline de la nuit, tohu-bohu dans la sale tintement de chaînes et
cliquettis de fermeture de menottes? Quelques instants plus tard,
rassemblés dans une grande cour formant une colonne de 13 rangs et 5
hommes et deux en queue, lies les uns aux autres par une lourde chaîne de
ventre à ventre et les menottes jumellées de la main droite de l’un à la
main gauche de son voisin. Ainsi que des animaux sauvages, en colonne
serrée, à l’aube, sous une chute de neige assez abondante, nous sortons de
la forteresse escorté de deux SS armés de mitraillette à chaque range
d’hommes-bêtes pour prendre la route qui sera longue, pénible et
dramatique: c’était une marche de la mort!
Le vent froid matinal de la Baltique, la neige assez haute, les
pieds enflames par les blessures saignantes des doigts des pieds aux
ongles arrachés dans des claquettes aux semelles trop longues et aux
empeignes tros larges qui, à chaque pas nous échappaient des pieds et
blessant au surplus le cou-du-pied par le frottement de la bandelette en
fer blanc soutenant la toile de l’empeigne, la faim et la faiblesse sidant,
rendaient cette marche forces on ne peut plus douloureuse et tragique par
la chute des nôtres aussitôt abattus par nos convoyeurs. Déjà, en sortant
de la ville, par la porte de Berlin, deux des nôtres faiblirent et
un peu plus loin, à hauteur et devant une petite chapelle, sur la route de
Kustrin, les deux premières victimes de cette horrible méthode de torture
devaient tomber, achevés à la mitraillette et puis refoulés du pied dans
la neige jusque dans le ravin bordant la route. Révoltant? Certes ! Nos
cochons de convoyeurs n’auraient pas demandé plus: insurrection, mutinerie
ou révolte, les autorisaient à nous abattre tous et leur “corvée” était
terminée…
Au cours de la première journée de cette marche de la mort 12 des nôtres
périrent achevées et abandonnés dans les neiges sur une route de l’Est de
l’Allemagne; la nuit suivante et le second jour encore 13 trouvèrent la
neige pour linceul et quand, le 29 novembre, dans la soirée, nous
arrivâmes à Sonnenburg, soit un peu plus de 100 km parcours à pied,
et dans quelles conditions, des 67 hommes partis de Stettin la
veille du matin, 25 avaient bestialement redu l’âme. Des 42 arrivants en
ce bagne hideux (voir annexe: Sonnenburg), 7 des nôtres furent
hospitalisés, quelques jours plus tard, eux aussi avaient le bonheur de
prendre le chemin de l’Eternité…
Après quatre jours en quarantaine, avec les seuls figures familières de
Jef Boulemans, Hubert de
Hemptine et Jules Lebas (ex-ministre
français de Toucoing), sans doute pour nous remettre de nos émotions des
évènements passés, nous sommes soumis à la désinfection totale par des
bains à la créoline; après, pour la huitième fois, être rasés et tondus à
fond et nos hardes, coutil blue et pyjamas, furent échangées contre une
chemise infectée de poux et un uniforme dépareillé de l’ancienne armée
polonnaise don’t les manches des vestes étaient rayées d’un large brassard
jaune à hauteur du bicep, le calot de toile bleue, des bouts de toile en
guise de bas et des claquettes aux pieds…vrais déguisés pour une cortège
carnavalesque…Puis, nous sommes désséminés dans les divers quartiers et
cellules en commun, trois hommes en une cellule où je fis connaissance de
Jules Smeets, garagiste à
Bruxelles, et d’un officier de gendarmerie de Bruges très peu
socialble et qui me considérait comme surnombre en “leur” cellule.
Trois jours plus tard, le jour de la saint-Nicolas, j’eus l’honneur de
faire la connaissance du directeur de bagne, qui tenait à connaître tous
les pensionnaires, disait-il, vraie trogne de porc surnommé “Le Lion” – au
cours de notre inscription aux registres de la “population”, cette
formalité emplie, je fus conduit dans les caves en cellule isolée avec les
astreints aux travaux forcés et là, ma veste de soldat polonais fut
échangée contre une autre de toile noire aux manches rayées de jaune et
sur la poitrine un triangle rouge en-dessous des deux lettres N blanches!
Encore trois jours de vie en paix, isolé c’est vrai, mais en paix quand
même, gagnés, je fus conduits dans les combles d’un autre batiment pour y
travailler. Ici, beuacoup de figures connues et amies sont rassemblées et
y sont occupés au triage de chiffons boueux et ensanglantés, récupérations
des champs de bataille, en attendant le transport à dos d’hommes de
charges souvent très lourdes. C’est ici que j’apris par mon
ex-chef de groupe L.B. (voir p 8)
comment nous fûmes lâchement dénoncés, puis trahis en vendus par certains
des nôtre au crous de notre clandestinité et qui, ici maintenant,
jouissent du régime de faveur, grâce à leur félonie…
En attendant mieux, outre la complaisance de certains gardiens, pas nazis
du tout, nous donnant de nouvelles de la situation de la guerre et qui ne
cachaient pas leur répugnance du régime hitlérien: Nietsche disait
toujours: “die Scheitskrieg”!, la majeure partie des gardiens étaient des
fous à lier, résidus gelés du front de l’Est, ses procs savaient rire et
être fous furieux en même temps, pendant q’ils nou parlaient humainement,
la giffle sonore, le poing ou la matraque nous tombait drus dessus.
Satisfaire notre appétit devenait pour nous une hantise. Nous rêvions la
nuit de repas succulents don’t nous aspirons le fumet sans pouvoir y
toucher et le jour, nous nous amusions à échaffauder les menus les plus
copieux don’t nous nous délections par la pensée. Qui n’a pas connu les
affres de la faim ne peut s’immaginer avec quelle joie animale nous
attendions la maigre pitance qui nous était si parcimonieusement
distribuée. La soupe aus pelures de pommes de terre devint bientôt pour
nous un régal de roi et nous contemplions d’un oeil d’envie la gamelle de
notre voisin, si par hasard elle contenait quelques épluchures de plus que
la nôtre. Des aliment solides, on ne nous donnait jamais, aussi, quelle
aubaine quand, trompant la surveillance des gardiens, nous arrivons à
arracher en promenade un plant de pissenlit que nous mâchions
religieusement pour faire durer le plaisir…
Ici aussi, se pratiquait le trafic de “commerce noir” entre détenus de
tous régimes: les privilégiés abusant de la faiblesse des compagnons
d’infortune moins favorisés par la vente ou l’échange de bouts de tabac à
chiquer (qui n’était autre que de la fhubarbe saucée à la nicotine); 2
cigarettes à longs bouts de carton pour 450 grammes de pain pesé à l’aide
d’une balancé romaine confectionnée par ces profiteurs de caractères
faibles; 3 cigarettes ou un bout de “tabac” pour un bol de soupe, ect…
En vue des fêtes de Noël, les détenus, librement, en cellule ou à
l’atelier par des heures supplémentaires, se donnaient à la confection de
jouets pour se faire bien voir de Boches au prix de 2 à 10 cigarettes par
semaine selon leur mérite ou leur zèle, ce qui leur permit d’amplifier
leur commerce au détriment des malheureux qui ne pouvaient dominer leur
passion…
Vint le 23 décembre 1943, date à laquelle je fus conduit, infesté de
furoncles, dans le bureau du Lion, pour m’attendre vociférer que les
exécutions sont suspendues, il espérait bien, disait-il, que cette mesure
ne serait que provisoire et si je refusais encore de travailler ou de
porter des ballots, il prendrait de mesurés sévères vis-à-vis de moi; puis,
il conclut que je n’y perdais rien puisque, étant un NN, j’aurais dû
passer au raccourcissement de ma personne à la date du 28 décembre 1943!
Et le mot de la fin de ce doré sur tranche nazi pur sang fut que je
“crèverai” quand même!
Le gardien- un auxiliare aussi rebus du front de l’Est- qui me
reconduisait en cellule fut assez loçace et m’exhorta au courage, la
guerre étant presque terminée et tournant en notre faveur – il n’osiat pas
dire en faveur des Alliés – et allait très mal pour eux. Puis, sur ma
demande, il me dit que NN (les deux lettres ornant ma poitrine) signifiait
“Nacht und Nebel” ou voué à disparaître dans la nuit en dans le brouillard,
c’est-à-dire exclu de toute communication avec l’extérieur ou avec des
êtres humains et à mourir par les travaux forcés dans les mines de sel les
tourbières ou les fôrets! Belle perspective d’avenir… (cf. Chant à nous!)
La veille de la Noël, malgré les visites corporelles à nu, un grand nombre
des nôtres, après la promenade pataugée dans la neige boueuse, trouva
encore moyen d’intégrer en leur cellule un brin de sapin afin de fêter à
notre façon, dans l’obscurité, l’avènement du Sauveur. Mais, ô ironie du
Sort, à la place même où, il ya trois jours encore était figgée la potence,
à laquelle bien des nôtres connurent une triste fin, la même, les Boches
avaient érigé un immense arbre de Noël, orné et illuminé à Giormo, symbole
de bonté et de charité humaine:
Vous qui désirez sans fin
Quïr chanter
Que notre Dieu est enclin
A écouter
Notre prière est complainte tous les jours,
Quand nous invoquons sans feinte son secours.
Le lendemain, jour de Noël, par un froid rigoureux et sans chauffage, nous
pouvions, deus heures durant, tourner en rond autour de ce symbole et le
contempler come les vaches regardent passer un train, avec cette
différence que des quadrupèdes ne grelottent pas de froid et de faim comme
nous à ce moment, pendant que nos tortionnaires sont chaudement habillés
et repus de ripailles volées chez nous, aux nôtres qui, eux aussi,
souffrent!
C’est au
cours de cette promenade sentimental je fis la connaissance de
René Devondel, de Stockel, qui
me promit de la viande pour “cet après-midi”!
Comme on
nous avait appris à mieux connaître les hommes, je ne pris pas garde à
cette promesse d’autant plus que ce garçon appartenait au Kommando de la
ferme. A ma grande surprise, au cours de la distribution de la soupe – un
peut meilleure qu’ à l’ordinaire – le calfactor occasionnel,
Georges Mouton, également de Eecloo,
me jeta un petit, mais tout petit lapin dépecé dans ma cellule et je me
mis à le dévorer –je dirais bien à pleines dents – tou cru. C’était
parfait! Et ainsi, de temps à autres, je joissais des faveurs de la viande
crue que me procura René et don’t je me faisais un régal de souper, les
petits os faisaient partie du contenu du kubel. Longtemps après, j’appris
par des camarades du “Mica” voir ci-après: Yvon, par Bob) que ces petits
lapins étaients des rats dont les hommes des kommandos, caves et ferme
approvisionnaient aussi des frères de la menuiserie, ce qui me fut
confirmé par Victor Gailly et
Robert Salut d’une part, par
René Volders et
Jacques Fléran du Mica, d’autre part.
Plus tard encore, à Wolfenbüttel, j’en fus convaincu. En tous cas, c’était
bon!
Dans l’infirmerie de ce bagne, la mortalité se comptait à une douzaine
d’hommes par jour. Si les exécutions capitales étaient suspendus
temporairemenet, directeur et docteur s’entendaient très bien pour faire
passer de vie à frépas ceux qu’ils jugeaient ‘inutiles”. Des choses
ignobles et inhumaines se passaient dans ce lieu dit “sanitaire”; un
exemple entre mille: un homme y entrant pour se faire soigner, toujours à
la dernière extrémité, y sortait neuf fois sur dix à l’état de cadavre,
parce que l’individu préposé aux fonctions d’infirmier, également un
détenu mais lêcheur de bottes, fit en sorte que le deuxième ou le
troisième soir de présence du malade à l’infirmerie mourut, l’infirmier
entrait dans la salle commune où séjournaient rachitiques, tuberculeux,
syphilitiques, cancéreux, galeux, anémies à l’extrême en blessés,
l’individu criminel présentait à un ou à plusieurs malades désignés
d’office par le docteur encore plus criminel - qui ne voulait même pas
voir des malades – l’ersatz-infirmier donna trois pillules et cyniquement
répétait à chaque malheureux: “une pour ce soir” et de gré ou de force fit
absorber la pillule au patient, puis il continua: ”une pour demain matin,
si vous vivez encore, la troisième ne sera plus nécessaire puisque vous
serez crevé!” Et de fait, le lendemain matin, au réveil, plusieurs corps
raidis gisaient sur les paillasses à même le carrelage: traités sans
égards, ces corps nus, jetés sur un brancard furent transportés vers la
fosse commune où la chaux, le chlore et autres produits chimiques leur
servaient de linceul…(voir ci-après P. Legrand).
Un jour nous avons
entendu le docteur-criminel beugler: “Quoi? Pas de cochon crevé
aujourd’hui. Vite, une boîte de pillules et à l’oevre!”…
Quand par hasard, coïncidence ou volonté diabolique au cours de la
promenade des condamnés à mort, ce fut sur ce parcours que les corps
décharnés des nôtres furent transportés, aucun boche ne saluait cette
dépouille, et nous, parfois suivi de deux coups de poing dans la figure,
furtivement, malgré les mains menottées, nous enlevions notre calot, le
coeur gros et envieux nous soupirons en saluant ces camarades: “Adieu,
camarade, tu es heureux!...”
Mourir
ainsi, c’est plus que mourir…(voir IIIe partie : Le cri).
La conduite de ceux désignés pour la distribution de notre pitance était,
ici aussi, souvent déplorable: celui d’entre nous qui ne pouvait leur
graisser la patte par des dons en nature était la bête noir des calfactors
et pouvait s’attendre à tout de leur part, vols sur nos rations de soupe,
et parfois pas de ration du tout, échange de force d’une ration
quotidienne (200 gr) de pain noir contre une cigarette ou un bout de tabac
à chiquer; c’étaient encore les calfactors, kapos ou formans qui
indiquaient aux gardiens ceux d’entre nous à punir soit à la promenade
durant deux heures quasi nu dans la neige et le gel ou encore une journée
de poteau tout nu dans la grande cour entre les quatre ailes sans
distinction d’âge exposés à la rigueur du froid intense du Nord-Est de
l’Allemagne, de 6 heures du matin à 6 heures du soir ou bien encore, comme
à Moabit, un ou plusieurs jours de pendaison par les pieds jusqu’à
épuisement complet pour alors être envoyé à coups de bottes dans
l’infirmerie pour y subir le traitement des trois pillules don’t je viens
de vous esquisser le procédé. La punition la plus royalement distribuée
était le bunkel, ou cellule noire et mis aux fers, c’est à dire le cerceau
d’acier au ventre, les chevilles et les poignets enchaînnés à ce cerceau
de sorte que les pieds serrés dans les anneaux de chaines étaient
constament tirés vers le haut pendant que les bras étaient tirés vers le
bas oblogeant le patient à une courbature constante.
Un fait pénible encore, entre beaucoup d’autres, fut le cas de celui avec
lequel je fus confronté à Bruxelles, le 28 décembre 1941 (voir page
8): assis à la table de travail avec un sujet italien, tous les deux
menottes jumellées aux mains, C…(désignons-le par cette initiale)
étant devenu distributeur de travail, s’était déjà fait remarquer par nos
frères de misère pour son langage et sa conduite peu louables. Ses propos
à mon égard avaient aussi suscité la colère de mes camarades de table:
René Opsomers, le Commandant Hilaire, Lebas, Jean
Feron, Blieck, Hotton et Emile Housseau. Ce jour là, C…me
reprocha de ne pas travailler et de subir inutilement des punitions,
etc…et quand il en vint à me rappeler les tortures subies à Bruxelles,
dont il fut la témoin occulaire, l’Italien, en rage, se leva et cogna dur
sur C…jusqu’à l’intervention du gardien, la figure des deux antagonistes
ruisselait de sang, pendant que l’Italien
Yosef fut poussé hors du lieu
de travail, non sans brutalités, C… ne se relevant plus, fut transporté à
l’infirmerie…
Le 15 mars 1944, rassemblement de 250 hommes en transport. Pendant que
nous attendions là, rangés, que le Lion nous fit ses adieu avec toutes les
recommandations d’usage en cours de route et à de si belles occasions de
voyager aux frais du Grand reich d’Adolphe, l’on sortait trois corps à
l’état de cadavres de l’infirmerie don’t l’un était celui de C… ce qui me
fut confirmé par le “bon” gardien Nietsche au cours de notre marche vers
la gare de Sonnenburg. Que le Bon Dieu ait son âme.
Deux jours plus tard, à l’aube, notre convoi, en wagon-voyageur à
banquettes de bois (4e classe en Allemagne) nous dépose à Kleinwitz,
en Poméranie polonaise. C’était un camp de passage avant la mise au
travail dans les mines de sel. Ici, si ce n’étaient les methods de
tortures toutes spéciales, nous pouvions considérer ce séjour comme une
cure de repos: vivre en commun dans de petites baraques, ni promenade ni
travail, sans entraves aux mains ni aux pieds. L’alimentation était bonne:
matin, un crouton de pain avec toréaline, midi soupe fumante aux féculants,
soir pain avec thé! La distribution de la soupe s’effectuait dans une
grande cour don’t le centre était craué d’un long mais très étroit bassin
de natation. Le malheureux, choisit dans le tas et sans raison apparente,
aussitôt la soupe bouillante verse dans sa gamelle, devait ramasser
celle-ci des deux mains – puisqu’elle ne possédait pas de moyens portatifs
– et au pas de course traverser l’eau gelée et polluée du bassin dans
toute la longueur de celui-ci, la tête immerge et la gamelle tenue au-dessus
du niveau de l’eau les bras tendus verticalement, ou selon la fantaisie de
l’ordonnateur, et aussi le niveau de l’eau, les bras tendus
horizontallement et la gamelle tenue dans le creux des deux mains. Si le
patient parvennait à sortir de l’eau de l’autre côté du bassin, tout
ruisselent et les vêtements mouillés collant aux os, il devait vider le
contenu de sa gamelle, sans enlever celle-ci de ses lèvres et puis
rejoindre le rang et reprendre sa place. Lorsque la tête du patient
émergeait de l’eau, un coup de baton sur la tête, appliqué par des
individus qui, eux aussi, n’étaient que des prisonniers…mais de quel
accabit!
Ce système “d’épreuves d’endurance” se pratiquait journellement sur une
douzaine de “sujets” que le lendemain en general, nous ne revîmes plus!
Un autre petit jeu, inoffenssiff, quoique humiliant, qu’aimaient à
pratiquer ces mêmes calfactors co-détenus, consistait à faire tomber des
mains la gamelle dans laquelle ils versaient une louche de thé chaud et le
malheureux à qui survenait cet “accident” devait liquer la matière
épanchée sur la plancher ruguex et poussiéreux jusqu’à la dernière goutte
s’il voulait éviter, après avoir été invertive de tous les noms d’oiseaux
et d’animaux, dix coups de matraques sur les fesses nues…
Enfin, après onze jours de ce régime, le 28 mars 1944, après le “thé”,
huit hommes furent tirés hors du tas- de la barque que j’occupais avec
d’autres frères, presque tous Tchèques ou Slaves, je fus le seul – pour un
convoi à destination Görden-Brandenburg (voir IIIe partie: Marke,
pages 27 et suivantes) où nous arrivons, wagons dans la forteresse, à
l’aube du 30 mars. Immédiatement après ce voyage de deux nuits et d’un
jour dans un wagon cellulaire à box confortables et nourris convenablement,
nous sommes incarcérés dans une cellule isolée, menottes aux poings le
jour et en liquette, les mains libres la nuit. Tous les jours une
promenade, sabots aux pieds nus, d’environ 20 minutes, pendant lesquelles
nous avons le Bonheur d’échanger des “oeillades” puisque la distance à
tenir règlementairement était de cinq metres et le silence de rigueur,
nous ne savions nous parler que par les yeux: il y avait là
Norbert Dekeyser, Vladimir Van Dam, Hubert de
Hamptine, Marcel Dehenin, Joseph Yoseph, Van Ausloos, Lechien, Jules
Gobert, Raoul Rothé, Emile Denon, Marcel Van Hemelrijck, Paul Legrand,
Louis Vissers et d’autres figures amies encore. J’avais
l’impression que nos protecteurs avaient rassemblé une partie de la “bande”!
Au cours de la cinqième nuit de mon arrivée dans ce bagne ultra-moderne,
le 3 avril 1944, vers 3 heures du matin, j’eus la visite de l’aumônier et
pour la troisième fois, je subis le sinistre comédie des derniers moments
du condamné à mort! Puis, après avoir enlevé ma chemise de bure, je devais
enfiler mon pantalon et ma veste sur mapeau et un galonné étoilé me lia
les mains sur le dos; pieds nus, accompagné de deux gardiens l’arme en
joue, j’allais rejoindre d’autres camarades et d’autres me succèdèrent
encore sur le seuil d’une grande salle, l’on nous suspendit au cou un
carton rectangulaire sur lequel il était imprimé de grande chiffres allant
de 1 à 23, le carton qui m’était destiné portrait le numéro 13! Mon
voisin de gauche, n°12, était Norbert Dekeyser;
là, plus loin Vladimir Van Dam
portait le n°8 et Marcel Dehenin
portait le n°2. Introduits dans cette salle, une distance de 1 mètre
devait être observée entre nous, le long d’un mur, et un SS braquant sa
mitrailette se plaça entre deux des nôtres.
Dans cette sale assez-spacieuse, ranges contre deux murs, 12 d’un côté et
11 de l’autre, pas une fenêtre parcée dans ces quatre murs ornés aux
oripaux hitlériens, et contenant comme tout mobilier une sorte de
prie-Dieu contre lequel reposait une grande hache en forme de croissant:
c’était le bilot!...Comme devant une haute Cour faisant son entrée, à
l’annonce par un galonné, les onze lugubres individus qui nous servaient
de garde d’honneur, tout en restant face à nous, se mirent au garde à vous
et très cérémonieusement firent leur entrée une dizaine de dorés sur
tranche d’entre lesquels nous distingâmes l’aumônier, accompagné du
bourreau, et ses cinq aides vêtus de sortes de cache poussière blanc.
Le commandant donne lecture des sentences avec l’ordre exécutoire et
ajoute, après chaqune d’elle, que toute tentative de fuite sera
immédiatement réprimée par les armes. Franchement, est-ce que ce doré sur
tranche nous prenait pour des …. , cette reflexion nous arracha un éclat
de rire qui fut aussitôt réprimée par une giffle sonore et magisstralement
appliqué sur la joue de Norbert et
sur la mienne… Après cela, les vingt-trois dossiers réunis furent remis à
un officier supérieur qui, aussitôt les documents en mains quitta la sale
emportant avec lui nos “declarations de décès”.
Par appel numeral et rappel de notre numéro matricule, à tour de rôle,
chacun de nous, assisté chaque fois de l’aumônier, pris par les bras et
conduit par deux aides dans le centre devant le bilot, devait s’y
agenouiller et la tête fut mise de force dans le centre du bilot où une
sorte de masque, emprissonnant les oreilles, la bouche et les narines,
fixa la tête pendant que les jambes et le tronc étaient retenus par des
courroies de cuir, puis, sur un signe de la main du commandant, le
bourreau leva haut en hache et des deux mains fit retomber celle-ci dans
la nuque du martyre: la tête fut tranché d’un seul coup de hache tombant
dans un bac en forme de corbeille d’où aussitôt dégoulinante de sang, elle
fut enlevée par un aide, le corps par deux autres, pendant que les deux
derniers allaient quérir le suivant et obligeait celui-ci à subir le même
sort…
Ainsi fut fait de onze frères de misère, morts pour notre idéal et notre
Liberté. Lorsque le numéro 12 eut la tête emprisonnée dans le bilot et,
après le douzième commandement d’exécution capitale par le doré sur
tranche à l’exécuteur des hautes oeuvres, celui-ci rata son coup et la
tête de Norbert ne fut pas tranche
du premier coup et le criminel-boureau dut répéter son oeuvre tragique.
Sidérés, et déjà influencés au fur et à mesure qu’approchait le moment
fatidique de s’entendre appeler par son numéro d’ordre, nous entendions à
ce moment des cris gutturaux, mais nous ne nous rendions pas compte de ce
qui se passait… Reconduis en cellule de quarantaine, longtemps après,
retrouvant la faculté du langage, nous nous questionnions mutuellement
sans plus solutionner la suite de cette scène atroce don’t nous venions
d’être les spectateurs et –peu s’en fallut- les acteurs. Nous ne nous
rendons pas compte de la raison de notre presence en cellule de
quarantaine.
Six longs jours et autant de nuits blanches dans cette expectative de la
mort, vécus dans une cellule sans jour avec lumière jour et nuit et les
menottes aux poings;
Homme, frère captive, laisse-moi sans contrainte
Baiser tes mains, baiser ton front, pieusement,
Car tu as fait preuve d’un courage si grand,
Caché ton chagrin si long, ta souffrance si sainte,
Que je
veux à ta mémoire courber, bien bas la tête.
Mais, je voudrais surtout que, rentrés chez nous,
O toi, que ton enfant doit chérir à genoux,
Tu saches que sans toi, pour nous, ne seras point de fête,
Parce que tu fus grand, quant aux plus sombres jours,
Tu demeures de roc devant la brute qui sauté,
Et que durant trois ans, tu résistas, tête haute,
Face à face au bourreau pour mourir…à ton tour
Pour que nos enfants vivent…
Le 10 avril 1944, l’on nous fit sortir de la cellule de quarantaine pour
être conduits à la Kamer pour y échanger nos défroques polonaises contre
les hardes coutil bleu rayé de jaune, puis nous sommes joints, dans grande
cour, à un convoi de 600 hommes et femmes déjà en wagons. Les onzes
rescapés de la tragédie brosseé ci-dessus, sont conduits jusqu’au premier
wagon près de la locomotive –seul wagon cellulaire attelé à ce train – et
menottes aux poings, toujours enfermés dans un box.
En cours de route, plusieurs fois le convoi fut arête pour des alertes
suivis de vrombissements de moteurs, de tirs de DCA et parfois de
bombardements souvent prolongés; de-ci de-là aussi fut détaché un wagon de
détenus de sorte que le notre, à Braunsweich (voir IIIe partie,
page 304), fut attelé en queue d’un train ordinaire pour nous débarquer à
Wolfenbüttel.
Partis à la nuit
naissante du 10, nous arrivames à destination vers 8 heures du matin, le
12 avril. Le ravitaillement en cours de route s’opérait chaque matin et
comptait pour une durée de 24 heures. Il va de soi que nous ne nous
donnions pas la peine d’épargner un bout de pain pour l’entre-temps…trop
heureux de “bouffer” une bonne fois…
Après le rituel discours de bienvenue des dorés sur tranche de ces milieux
peu enviables, notre logment désigné au rez-de-chaussée, je fus incarcéré
seul pendant quelques jours; mais, par suite de l’affluence de
“villégiateurs” l’on me déménagea et je pris logis au premier etage, en
compagnie de Henri Georges de
Liège (ancien de Sonnenburg) et de
Lebas (fils de l’ex-ministre français tué à Sonnenburg,
comme beaucoup d’autres).
Dès mon
arrivée dans cette cellule, atteint d’une royale furonculose dans le cou,
sur le dos et entre les jambes, Georges
m’aida beaucoup. Comme voisins de cellule, je retrouvais, à gauche,
Victor Gailly, Jean Nys et
Frans Vandevelde, à droite logèrent
Pierre Raemaeckers, Freddy Gérimont (dont
le frère aussi fut assasiné à Sonnenburg) et
Henri Houbotee… Que le monde est
petit!...
Vers la mi-mai, je fus mêlé aux travailleurs intérieurs du bagne et je fus
affecté à l’assemblage des jumelles de campagne dont l’atelier était monté
dans la chapelle désafectée, et où je revis toutes les figures amies et
familières Pol Cambré, -qui devait
bien misérablement mourir en cellule-, père et fils
Verhulsel, André Hanssen, les frères
Mouton (donnateurs des petits “lapins”
de Sonnenburg), de Radiguès, Jefke Austraets, ceux cites ci-avant comme voisins
de cellule et d’autres encore.
Cette vie en commun dans les cellules et dans les ateliers nous apprit à
nouveau à mieux connaître la valeur des hommes don’t la camaraderie ne fut
pas toujours sincere et souvent double d’hypocrisie: commerce de bouts de
tabac à chiquer, mégots et autres, prix ou fruit de leur zèle, à pousser à
la surproduction qui leur procurait également les faveurs de nos cochons
de surveillants: la Vache, le Mikado, le Grelé, l’Aviateur, Totor, Meyer
et autres putois purs-sangs nazis dont les coups de clefs, de poings et de
matraque se distribuaient à profusion pour ceux qui ne “travaillaient” pas
bien ou qui essayaient de boycotter le travail. Un médecin compatriote (de
Lokeren) préférait d’abord soigner sa bedaine et puis les malades
et les blessés; les calfactors: Jean Coenen
et Zim le Tueur (voir IIIe partie, page 4), également compatriots, non
contents d’avoir double ration, devaient encore voler sur l’ordinaire de
leurs camarades ne pliant pas sous le joug, les coups et les humiliations
nazies.
La moindre faute commise au cours du travail était réprimée de trois jours
d’arrêt dans une cellule obscure avec une seule repartition de pain sec et
dur et un brogé d’eau nauséabonde et parfois, ici aussi, par la pendaison
tête en bas! Jean Hoffman, Jefke Austraets,
Pierre Cloes, Clovis Piérard, Jules Colsons et d’autres encore
sourient maintenant à l’évocation de cette phase de notre vie de bagnard.
Comme dans toutes les prisons, bagnes, forteresses ou camps, l’astucité
des pensionnaires était passé maître dans cet art; nous retrouvons aussi
ici notre camarade Philippe Legrand
qui, tant de fois à Bochum, nous prodigua un peu de bien être et
d’espérances pour ses bonnes nouvelles qu’il capta à l’aide de son T.S.F.;
ici aussi, il possédait son appareil transmetteur en cellule et par
surcroît, ingénieur dans ce domaine, il était le réparateur attiré de la “maison”;
grace à ces hautes fonctions, il fit en sorte d’avoir toujours un appareil
à sa disposition et quotidiennement nous étions au courant des événements
de l’Est, de l’Ouest et de chez nous: l’avance des Russes en Pologne; juin,
le débarquement des Alliés sur la côte francaise; septembre la Libération
de Bruxelles, décembre-janvier 1945, l’offensive von Runstedt;
février-mars l’avance des Alliés vers le centre de la bochie hitlérienne;
avril, toutes les espérances…
Les résistants usèrent leur astucité jusqu’à mystifier les Boches dans le
boycottage des jumelles et de hygnomètres, même après verification des
appareils par l’usine, Pierre Raemaeckers
alla jusqu’à convaincre les ingénieurs-optiques de Voigtlander en
comparent les bons produits de l’usine rendus mauvais avec les mauvais
appareils du bagne boycottés par quelques uns des nôtres…
Voilà le genre de vie vécue à Wolfenbüttel avec les intermèdes du
regime punitive, comme ailleurs du reste; lorsque le temps était beau,
promenade supprimée, par temps pluvieux, neige et gel souvent la promenade
était prolongée, parfois au-delà d’une heure avec recompense des punitions
à profusion, le nez et les doigts de pieds collés au mur dans une position
immobile absolue et, angourdis de froid et de faim, il fallait aussitôt
après la promenade reprendre le travail.
Le rythme des executions capitals se poursuivait ici à une moyenne de 15
hommes par semaine. La date du 6 juin, malgré nous:
Pierre Raemaeckers, Henri Houbotte et
moi, nous avons été témoins, blottis sous l’escalier de service, à la
decapitation de 27 personnes dont 17 de Lichtervelde, 7 autres
compatriotes et 3 sujets français qui passèrent 3 par trois sous le
massiquot de la guillotine. La mortalité ici ce chiffrait à une moyenne de
4 par jour, mais au moins ceux-ci étaient mis en bière et entrerrés dans
un cimtière. Les contingents d’arrivés, souvent accélérés et nombruex
dépassaient de loin le nombre de departs.
Le 7 avril 1945 à tour de role, 9 hommes furent appelés au bureau
de Commandant qui nous communiqué, sans emphases, que lundi prochain 9,
nous serions décapités, l’ordre étant donné, sans secours aucun de prêtre
ou d’aumônier…Savoir que les Alliés sont à moins de 60 kilomètres de nous!!!...Hanovre
étant tombé et ils marchent sur Cassel! Nous ne réintégrons pas la
cellule que nous occupions et Jean Nys, Henri
Houbotte, Eugène Maes (ce dernier très influencé par la
déclaration du doré sur tranche), nous occupons maintenant à nous quatre
une cellule au troisième étage. Mes deux autres compagnons, comme moi,
depuis le dimanche 1er avril, jour de Pâques, nous avions la conviction
que notre vie de retranchés à l’humanité ne durera plus lontemps et nous
nous préparons à metre au pilori tous ceux don’t la conduite en cours de
détention ne fut pas digne tells des Clemens,
Jean Coenen et surtout le fameux
Zim.
Depuis le matin, les bombardements (voir
IIIe partie, pages 1 et suivantes) avaient cessés et dans le ciel clair,
les cheminées du bagne crachaient outre mesure des combustions de paiers
en cartons. Les commandos et les ateliers étant rentrés en cellule, à
chacun d’émettre ses opinions et les bavardages battent son pleins.
Le dimanche, 8 avril 1945, au lever du jour, sans alerte, un
formidable raid allié aérien avec bombardement intense nous tient en
haleine jusque midi, puis nous apprenons que la ville proche de
Brunswick est encerclée et que, probablement ce soir ou, au plus tard
demain matin, les Alliés seront ici.
Tout à coup, grand branle-bas!?! De toutes les cellules l’on fait sortir
des hommes, numerotés et assemblés dans le grand couloir où, à tour de
rôle, au pas de course, déshabillés à nu, passer dans un autre local,
visite corporelle à fond et dans les moindres plis de la peau, puis, dans
un troisième local rhabillés d’autres hardes à défaut de retrouver nos
vêtements personnels, sauf une gabardine. Après une légère collation, l’on
nous rajusta les menottes, et ainsi accoutrés, en rangs par six, nous nous
acheminons vers une gare voisine où nous attendant une locomotive sous
pression attelée à trois wagons à bestiaux, notre rang se composait
l’Eugène Maes, Jean Nys, Pol Courtois,
Frans Vande Velde,
Albert Watelet et moi. L’embarquement active à force de coups
de gueules de nos convoyeurs: le Mikado, la Vache, Trompe-la-Mort, Zigomar
et Cartouche; aussitôt emparqués 80 hommes dans un wagon, aussitôt le
convoi prend la route vers l’Est! Il est 16h45’…Le bagne fut occupé par
les Alliés à 17h05!!!...Soit 20 minutes environ après notre evacuation.
Le lendemain 9 avril, vers 6 heures du soir, nous arrivons à Magdebourg,
non ravitaillés en route, échappant parfois, au cours de la nuit, à un
bombardement, traversant des cites entièrement à ras de sol par les
bombardements; plus d’un de nos “voyageurs”, non porteurs de menottes, au
cours de la nuit, avaient brûlé la politesse à nos “protecteurs”.
C’est juste devant la prison que nous conduit notre train et entre les
grilles et les ruines de cette prison que nous avons à attendre les
decisions du directeur qui ne veut pas nous recevoir parce que d’abord pas
avisé de notre arrivée, puis toutes relations avec Berlin rompues,
prévoyant l’arrivée imminente des américains, il ne voulait pas assumer la
responsabilité d’héberger des prisonniers politiques sauf ceux dépourvus
de menottes aux mains. Enfin, vers dix heures, soit quatre heures après
notre arrivée, stationnement dans l’angoisse et l’espérance aux echo’s des
coups de canons non loin d’ici apparemment, quelques détenus allemands
nous coupaient les entraves de mains à l’aide de scies métalliques et puis,
nous aussi, trouvions le gîte, cinq et six hommes dans une cellule
délabrée, n’ayant plus qu’un trou noir pour fenêtre. Aussitôt entrés en
cellule, après avoir été encaqués 87 hommes dans un wagon à bétail, le
stationnement forcé devant cette prison, nous ne demandions que dormir,
oubliant la faim qui nous tiraillait; c’est à qui mieux de s’étendre à
même le parquet de la cellule, sur une petite table, sur une chaise
boiteuse et les deux autres dans le lit cage, pour aussitôt ronfler à
poings fermées jusqu’au moment, le lendemain matin, où le gardien vint
nous distribuer notre pittance matinale, qui elle-même fut relativement
retardée par le fait que le surplus de notre alimentation non prevue
exigea un supplement de manipulation de la part de l’économat de la
prison.
Aussitôt mangé, aussitôt dormir jusqu’à la soupe, sans soucis de nos
gardiens. Après le repas de midi, par un temps splendide, allonger la
table sous ce qui servait encore de fenêtre et d’y grimper, étaient choses
vite faites pour nous trois parce que Eugène
et Pol, très mal en point,
restaient au lit. O, quelle féerie, nos yeux n’en pouvaient croire la
réalité! Là, devant nous, la nature dans toute sa splendeur!...Depuis près
de quatre ans, nous n’avions plus vue cette merveille et sans mot dire,
pendant des heures, nous contemplions ce beau spectacle qu’est la nature
printanière et là-bas, la ville partiellement en ruines (voit IIIe partie,
pages 7 et suivantes), et ici, près de nous, deux des nôtres qui se
mouraient!
Le jeudi 12 avril 1945, dans le courant de l’après-midi, le canon tonne
non loin de nous, lorsque les sirènes hurlent l’alerte aux tanks et nous
assistons aux mouvements hétéroclytes de fuite sur la route; des soldats
allemands jetant leurs armes et fuyant aux aussi vers les abris. Quelques
instants plus tard, les femmes de commandos, réintégrant leur cellule,
nous crient de leur fenêtre d’avoir confiance et courage, les américains
sont là!
Les cris et les chants s’élèvent de partout et se confondent avec le bruit
du canon et des explosions tout autour de la ville. Vers 5 heures, de
notre poste de vigie, nous voyons passer sur la route quelques voitures
camouflées portant l’étoile blanche, suivies aussitôt de lourds tanks
étoilés. Notre exhubérance est indescriptible et demande aussi quelques
pages supplémentaires sur ce sujet (voir IIIe partie, pages 11 et
suivantes). En effet, nos gardiens dépourvus d’armes, d’épaulettes et de
signes nazis ou distinctifs, viennent nous prêcher le calme et la
discipline librement consentie et confirmèrent l’entrée des américains à
Magdebourg dans l’Ouest et le Nord de la ville qui ne se rendra pas parce
que encore défendue par des nids de résistance.
Vers 6h30’, tous les condamnés à mort sont rassemblés dans une grande cour,
après l’appel nominal par Gérard della Faille –près de quatre ans que je
n’avais plus entendu mon nom!- environ 350 hommes furent à nouveau
enchaînés, cinq par cinq et en colonne serrée sous bonne escorte et la
mitraillette dans le dos, quitèrent ces lieux pleins d’espérance de
liberté, travèrsèrent une grande partie du Sud de la Ville dont quelques
ruines fumaient encore. Dès que nous eumes passés le 2e pont de l’Elbe,
seuls existants encore et mines, tous deux à la fois sautèrent; le canon
tonne dur de tous côtés; puis, sur la route, nous pûmes nous render compte
que le potential de guerre nazi était reduit à la misère, c’était l’agonie
du IIIe Reich, mais pour nous, hélàs: c’était une nouvelle marche de la
mort!!!
Nous avions à accomplir 90 kilomètres à pied pour rejoindre Brandenburg
en puis Görden où nous arrivâmes le surlendemain vers 9 heures du
soir, non sans peines ni tragedies, perdant 47 morts en cours de route et
une trentaine de fuyards, évadés qui ont payé de leur vie cet exploit
téméraire . Ce ne fut que le lendemain, à 5 heures du matin, que nous
fûmes autorisés –encore une ironie du sort- à réintégrer une cellule
quelconque pour nous reposer et manger, puisque nos bourreaux ne voulaient
pas nous tuer tous!...
Logés au deuxième étage, face à ce que nous nommions la “boucherie” nous
nous rendîmes compte que les executions capitals par la hache, la
guillotine et la potence, continuaient à un rythme peu rassurant pour nous
malgré les événements se precipitant en défaveur des Boches, malgré que le
canon tonne aux abords de la forteresse et ce jusqu’au jour de notre
Libération par l’armée Rouge, le 27 avril 1945, jour où les prisoniers du
droit commun s’étaient rendus maîtres de la direction de la forteresse la
plus moderne et la plus puissante du règne d’Hitler et avaient massacrés
la plupart des dirrigeants. Ce fut le délire:
Ce cri terrifiant de sa joie les cerveaux,
L’épanouissement de ce premier drapeau,
Tandis que l’on entend les rafales des armes,
En leur spasmes encore, ce cri, ces chants, ces larmes,
Cette joie plus aigüe encore qu’une douleur!
Sous les explosions, ce cri, ces chants, ces fleurs,
Cet espoir si puissant qu’on n’osait plus y croire,
Ce rêve devenu d’un seul coup la Victoire,
Ce grand cri répété par une seul voix,
Issant de
ces milliers de gorges à la fois;
Cet appel d’emmuré qu’un souffle pur délivre,
Ainsi nous, les vivants, nous pourrons encor vivre,
Nous goüterons encore tes foments et tes fruits,
O Vie, et le réel, comme un rêve s’enfuit.
Vous decrier ce qui s’est passé depuis notre depart de Magdebourg,
au cours de notre séjour dans la sinistre forteresse de Görden, le
moment de notre Libération par les Russes et la suite, soit quinze jours
de vie tendue et de mort en perspective, puis notre exode de Liberté
durant quarantedeux jours de vagabondage demande également un volume
pouvant constitueur en vrai roman de la troisième phase de notre vie de
bagnard prisonnier politique don’t j’ai eu le bonheur de vous dépeindre
succinctement la deuxième phase.
Je ne puis terminer cet exposé sans en tirer la conclusion par trois mots:
vouloir cest pouvoir…Puisque nous avons comme devise “Servir”, que notre
emblème vive sous l’égide de la trilogie “Courage, Volonté, Servitude”.
Mon mot de la fin sera celui de vous remercier de l’indulgence que vous
avez bien voulu me témoigner… A chaque assemblée, il est de coutume
d’observer une minute de silence à la mémoire de ceux des nôtres qui ne
reviendront plus; à ce juste homage, je vous demande d’accorder une large
pensée à tous ceux qui ont droit, avant tous les autres, à notre pitié, à
tous ceux qui ont la douleur de ne plus avoir la joie de la presence au
foyer de leur cher disparu: les femmes, les enfants…, les mamans…, eux qui
ont tout sacrifié!.. Seuls les morts ne peuvent plus rein faire!...
Plaignons-les, Amis! Mourir ainsi c’est plus que mourir
Lorsque demain viendra et que tu sera homme,
Quelque soit aussi les noms don’t l’avenir les nomme,
Souviens-toi de ces grands, ô toi, mon tout Petit!
Souviens-toi de ceux là qui sont les anonymes,
Les pauvres, les obscures des suprêmes combats
Et qui portent au front tant de beauté sublime
Qu’ils sont “hommes”, deux fois, et ne le savant pas!
Souviens-toi de ceux-là qui forgent la Victoire
A coups de
bronze rouge et de vouloir ardent,
Et qui dormant, bercés dans les bras de la Gloire,
Comme toi tu t’endore aux bras de ta Maman.
Souviens-toi de ceux-là que chaque jour, chaque heure,
Aux villages d’espoir on espère sans fin
Mais qui ne verront plus l’accueillante demeure
Ni celles dont l’espoir obstinément est vain;
Et quand tu sera grand et qu’on fera l’Histoire,
Aimes-les fièrement, tes frères et ceux des combats,
Et dusses-tu le seul conserver leur mémoire,
Et bien, mon petit, sois celui-là!
Bruxelles,
décembre 1945
Louis Vandenbemden
Arrêté le 9.10.1941
Rentré au foyer le 7.6.1945 |