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Les Enfants des Partisans juifs de Belgique, Partisans armés Juifs,
38 témoignages, Bruxelles, 1991, Préface de Marek Halter

Edité par «Les Enfants des Partisans juifs de Belgique», 
Bruxelles, 1991
Imprimé en Belgique
© Tous droits de reproduction et d'adaptation réserves pour tous les pays.

Extraits: Témoignages de

Lola Bryftreger-Rabinowicz 
Rachel Coperbac
Giza Weissblum

 

Table de matières

Préface  
Avertissement    
Note préliminaire

    1) Les organisations citées fréquemment 
    2) Structure de l'Armée Belge des Partisans 
    3) Quelques Dates

Le sort des Juifs pendant la guerre 40-45 
   1) Le Yshouv (communauté juive) se réorganise
   2) L'escalade de la répression
   3) Le combat armé

Hommage au martyre des Partisans Armés juifs

Témoignages     

Lettre de Maurice Rozenewajg à sa famille   
Lettre de Sam Potasznik (extraits)   
Témoignage de Zizi Silbersztejn      
Témoignage de Jeanne De Jonghe-Silbersztejn           
Témoignage de Maurice (Moshe) Edelsztein               
Témoignage de David Lachman      
Témoignage de Dolf Jurysia            
Témoignage de Lajser Finkelstein (Sim,Leon)              
Témoignage de Mayer Finkelstein (Tom)     
Témoignage de Michel Goldman    
Témoignage d'Adèle Korn-Szerman               
Témoignage de Tola Promnicka (Renée)       
Témoignage de Rachel Coperbac
"Jacob" Gutfrajnd; éléments d'une autobiographie
    Espoirs et inquiétudes
    Je quitte la Pologne
    Les débuts de la Résistance armée juive à Bruxelles
    La chasse aux mouchards juifs
    A la poursuite de Jacques le mouchard
    La première compagnie de partisans juifs
    La lutte contre l'AJ.B. ("Judenrat")
    Incendie d'usines
    Des pertes terribles...
    Verviers, le dernier poste dans ma "carrière" de partisan

Témoignage de Sarah Goldberg      
Témoignage de Lola Bryftreger-Rabinowicz
Témoignage d'Ida Szulzinger-Ganz 
Lettre de Rachel Luftig (Jacqueline)               
Témoignage d'Albert et Fanny Rozenewajg 
Souvenirs de Gula Rozenewajg
    Scènes de la Résistance 
    Histoire
avec Sabina Abraham Goldgewicht
   Témoignage de Chiel Pasternak (Charles) 

Extraits de la biographie inachevée de Chiel Pasternak (Charles)
   Scènes de la vie Familiale 
       Mon enfance en Pologne
       Histoire d'une jeune fille allemande de Dortmund à Bruxelles 
       Les grandes rafles contre la population juive à Bruxelles
       Mes parents fuient leur domicile légal et se cachent 
       Les enfants cachés 
   Quelques actions
        L'incendie de l'usine de confection en fourrure Lustra
        Mon premier coup de feu sur un assassin pendant l'occupation nazie
        La mort de Leibke, Jacob est blessé
        Apres l'attaque du vingtième convoi, la libération
                  des blessés à Tirlemont 
        Un sauvetage mémorable (20-7-43)
        L'action contre le président de l'A.J.B. Marcel Blum, le 24-9-43 
        Fin de mois pénible L'exécution du colonel Action contre Herwigh
        Commcnt j'ai retrouve le Partisan juif Caizaf (dit Gorki) 
        Place Simonis 
        Le dernier attentat contre le dénonciateur juif Jacques
   A la libération
        La libération du camp de Malines
        L'organisation économique de notre existence
        Un dernier voyage

Témoignage de Ghert Jospa (Joseph) (The Wiener Library)
    Les secteurs d'activité du CDJ (Comité de Défense des Juifs)
    Le sauvetage de Yakub
    L'attaque du 20ème convoi
    Arrestation

Témoignage de Sara Felzenstein-Gutfrajnd   
   
Entrée dans la Résistance
    Sauvetage des enfants
    Arrestation
    La déportation

Témoignage d'Hélène Waksman     
Témoignage d'Adi Rosenberg
Mémoires d'Abraham Nejszaten (Naychi, Arthur, Marcel)
    Chapitre 1: L'émigration et la misère
        Arrivée à Anvers
        Activités progressistes
        La marche vers la guerre
    Chapitre 2: La guerre et la résistance
         1. L'évacuation vers la France
         2. Activités antifascistes à Anvers et au Limbourg
         3. Mes débuts dans la Résistance armée
                Les premiers pas 
                La désorganisation
         4. Ecolage dans la Résistance armée
                 Entrée dans la Résistance à Bruxelles
                Actions contre les fascistes belges
                Les actions contre des officiers et sous-officiers allemands
         5. Chef de détachement
                Les progrès
                Arrestations, évasions et complicité de la population
                Actions contre les dénonciateurs
         6. Commandant de compagnie
                La XIIIème Compagnie
                Mes débuts malaisés de commandant
                Des actions efficaces
                Difficultés d'organisation
                Dernières actions a Bruxelles
                Commandant de bataillon au Brabant Wallon
    Chapitre 3: Arrestation et déportation
           Mon arrestation
           La liquidation interne
           Un séjour à Breendonk
           La déportation en Allemagne  
                    Le camp de Buchenwald 
                    Le camp de Halberstadt

Témoignage d'André Schotsman
Témoignage d'Ignace Lapiower
Témoignage de Christian De Backer (Pierrot) Avril 1944
      Mai 1944
      Juin 1944
      Août 1944
      Enfin libres
      Jules (Szmul Nejszaten)

Témoignage de Paul Engels (Armand) 
Témoignage de Paul Halter sur l'indicible à Auschwitz
       1. De l'oubli volontaire à l'occultation totale
       2. Les raisons de se taire
       3. Les difficultés de parler
       4. L'impossibilité de parler: la déshumanisation
       5. Esprit de résistance cl milieu de mémoire

Témoignage de Bernard Fenerberg
Témoignage d'Hélène (Yilona) Nejszalen
Témoignage de Fanny Safarova-Normon
Témoignage de Paula Schumiliver-Vermeulen 
Témoignage de Hamek W.
Témoignage de Marthe W.              
Témoignage de Giza Weissblum
Témoignage d'Ida Rubinstein-Weynans 

Liste des PA juifs cités et de leurs compagnons proches PA

Extraits de presse               

  

Ministre-Président de la Communauté française de Belgique.

Témoigner, c'est donner la mémoire à l'avenir. Les témoins ici sont des anciens Partisans Armés juifs, que leurs enfants interrogent ou qui racontent directement leur participation à la résistance contre «l'énorme machine nazie».

La plupart d'entre eux sont fils ou filles de Juifs polonais, arrivés en Belgique entre 1925 et 1930. Bien qu'élevés religieusement, très vite ils militent, dans des organisations de jeunes communistes, communisants ou socialistes, contre le fascisme. Ils sont parmi les premiers à entrer, des 1941, dans la Résistance et a mener des actions armées contre l'occupant, à Anvers, à Bruxelles, dans le Brabant wallon, dans le Hainaut et dans la Province de Liège.

Ce livre, qui se lit comme le plus poignant des romans, nous donne un aperçu assez complet sur les conditions de vie et de survie des Juifs de Belgique avant et pendant la guerre, sur l'organisation des Partisans Armés, mais il nous montre surtout que la communauté juive n'a pas subi passivement le génocide et que beaucoup de Juifs, dans notre pays occupé, ont combattu héroïquement.

Nous revivons l'histoire quotidienne des hommes et des femmes menacés, arrêtés, déportés et parfois sauvés. Nous revivons la peur, l'oppression, la barbarie, mais aussi l'espoir, la solidarité, le combat pour la liberté, pour la dignité de tous les hommes.

Nous ne pouvons qu'être reconnaissants au groupe d'enfants de Partisans juifs de Belgique qui a réalisé et publié cet ouvrage indispensable pour connaître, presque intimement, les pages d'une histoire qui nous concerne tous, aujourd'hui plus que jamais, car elles nous donnent une leçon de courage et de foi en l'Homme.

Valmy Féaux

Ministre-Président de la Communauté française de Belgique.

 

Préface
par Marek HALTER

Que sait-on de la résistance juive à l'occupation nazie? Avec Hannah Arendt on a souvent reproché aux Juifs des pays occupés leur passivité devant les nazis. Après la guerre, comme par souci de justification, des historiens juifs mirent presque exclusivement l'accent sur la révolte du ghetto de Varsovie, donnant ainsi le sentiment que les soixante mille révoltés d'avril-mai 1943 avaient sauvé l'honneur perdu des six millions de Juifs qui se seraient laissé mener à l'abattoir.

Dans un monde où depuis toujours la violence répond à la violence, où l'on chante les louanges de Bar-Kochba, Spartacus, Jeanne d'Arc, Garibaldi ou Koscuizko, seule la révolte armée pouvait être comprise et appréciée.

Aussi a-t-on à peu près passé sous silence une forme de résistance que les Juifs ont développée à travers leur histoire et qui, pour être plus complexe et moins spectaculaire, commandée par leur éthique et imposée par leur situation de peuple dispersé, n'en fut pas moins efficace puisqu'elle leur aura permis de survivre à toutes les persécutions et à tous les exils. C'est une forme de résis­tance dont Bernanos, à la fois antisémite et admiratif, disait qu'elle consiste à tenir et à durer.

Lorsque le 2 octobre 1940 le gouverneur nazi Ludwig Fischer décréta la création du ghetto à Varsovie, les Juifs entreprirent immédiatement d'organiser un prodigieux réseau d'entraide médicale, sociale et culturelle dans l'espoir de rendre moins pénible la vie de ces cinq cent mille hommes, femmes et enfants entassés dans un quartier de la ville, initialement prévu pour quatre-vingt mille habitants.

Ghetto: périmètre d'une ville coupée du monde, sorte de léproserie dont les malades sont isolés en raison de leur appartenance au peuple juif. Cette idée est née un jour de l'an 1516, dans la cervelle d'un doge de Venise. A Varsovie, en 1940, le ghetto devint l'un des plus grands «cimetières de vivants», réserve pour un peuple condamné à disparaître. D'où la brusque «curiosité anthropologique» qui incita de nombreux Allemands à visiter le ghetto, dans un vaste mouvement touristique. Des soldats et des officiers munis d'appareils photographiques venaient, souvent en compagnie de leurs familles, voir vivre «les sous-hommes».

Devant tant de cynisme et de bêtise, les Juifs ne se découragèrent pas. Ils entrèrent dans ce que j'appellerai la première phase de la résistance. Celle de la parole. On put voir des groupuscules de Juifs de langue allemande aller au devant de leurs bourreaux et leur parler. Peut-on imaginer la dose de courage et de dévouement nécessaire à pareil exercice? Opposer le verbe à la violence. C'était là leur calcul, leur espoir. Six mois plus tard, Himmler, par décret spécial, interdisait aux soldats allemands de pénétrer dans le ghetto et d'adresser la parole aux Juifs.

Faute d'interlocuteurs, les Juifs passèrent à la seconde phase de la résistance: le témoignage. L'historien Emmanuel Ringelblum raconte dans son journal que malgré la faim qui les taraudait et bien qu'ils se sussent condamnés, ses compagnons de malheur trouvèrent assez de force pour s'employer à rassembler tous les documents qui circulaient dans le ghetto: ils les lui remettaient afin que l'histoire continue de s'écrire. Pour que le mal de l'histoire ne soit pas effacé par l'histoire.

Celte détermination à rompre en silence le silence qui leur était imposé témoigne d'une rare audace et d'une non moins rare intelligence, d'une conscience aigue qu'avaient ces hommes et ces femmes de leur responsabilité face aux générations futures. Enfin, lorsque Emmanuel Ringelblum et ses collaborateurs, à qui l'on doit les fameuses archives — documentation irremplaçable sur la vie quotidienne du ghetto — furent déportés à leur tour, les Juifs encore vivants finirent par prendre les armes. Sans joie. Par manque de choix. B'eïn Breïra, comme on dit en hébreu. Montrant ainsi au monde, s'il en doutait, que, eux, les Juifs, étaient comme tous les hommes, également capables de tuer.

La révolte du ghetto de Varsovie signait alors la troisième et dernière phase de la résistance juive contre les nazis.

Cette résistance en trois paliers, le troisième n'intervenant que lorsque les deux autres eurent été épuisés, reste pour moi la plus prodigieuse, la plus bouleversante et la plus morale des leçons.

Le ghetto de Varsovie demeure sans doute le plus éclatant symbole de la révolte juive armée contre le nazisme, mais il est avant tout le symbole de la résistance juive à l'oppression, à la persécution et à la mort, telle que des générations l'ont conçue et pratiquée tout au long des siècles.

Et les Juifs en Belgique pendant ce temps-là? Que sait-on d'eux? Communauté d'environ soixante-dix mille membres, elle est composée pour la plupart d'émigrés venus d'Europe Centrale. Ouvriers, petits commerçants, artisans, tous politiquement engagés: sionistes ou communistes, ils vivent à Anvers ou à Bruxelles ou encore dispersés à travers le pays.

C'est donc une toute petite communauté comparée à celle de Pologne qui compte alors trois millions cinq cent mille âmes. Pendant l'Occupation, sa situation est aussi quelque peu différente de celle des communautés juives de l'Est.

Ce n'est qu'en mai 1942, date à laquelle la moitié de la population du ghetto de Varsovie a déjà disparu dans les camps de la mort, que les nazis imposent aux Juifs belges le port de l'étoile jaune. Le 3 septembre 1942, c'est la grande rafle: des trains et des camions bourrés de marchandise humaine quittent Malines, centre de rassemblement des Juifs qu'on envoie à la mort. En deux ans, plus de vingt-six mille personnes, plus d'un tiers de la communauté, sont ainsi déportées qui ne reviendront jamais.

La lutte des Juifs au sein du Front de l'Indépendance, principal mouvement de résistance belge, qui réunissait aussi bien les Juifs que les Chrétiens, prend alors une forme particulière. Le Comité de Défense juive est créé. La majorité de ses militants sont des Juifs de langue yiddish. Ils publient deux journaux clandestins : Unzer Wort (Notre Parole) et Unzer Kamf (Notre Combat). Le premier est sioniste-travailliste, le second communiste.

Ce comité prend aussitôt en charge la fabrication de faux papiers, l'entraide sociale, l'éducation et le sauvetage des enfants... C'est aussi grâce à ce comité, qui a su mobiliser une partie de la population belge, que de nombreux Juifs ont pu se cacher et attendre la fin de la guerre. Jusqu'en 1944, les combattants juifs formaient la majorité des effectifs de la résistance de la ville de Bruxelles.

Quarante-huit ans plus tard, à l'occasion de la parution de mon livre Les Fils d'Abraham, je rencontre une délégation des enfants de ces résistants juifs. Ce sont des hommes et des femmes d'âge mûr, parents à leur tour. Et c'est à la demande de leurs propres enfants qu'ils ont décidé d'enregistrer aujourd'hui les témoignages des survivants: de vieux Juifs qui jusque là avaient refusé de parler par modestie et par égard pour les morts.

A la lecture de leurs textes, je découvre peu à peu le milieu juif d'Anvers et de Bruxelles avant la guerre, la vie quotidienne sous l'Occupation et les liens qui unissaient Juifs et non Juifs. Et ce courage simple qui consiste à dire non en un temps où ce mot de trois lettres signifiait: mort.

Quand Joseph Hacohen, un médecin juif d'Avignon, achève en 1575 la rédaction de La Vallée des Pleurs, une chronique des souffrances d'Israël depuis la dispersion jusqu'au XVIe siècle, un autre témoin, anonyme celui-là, prend la plume pour poursuivre son œuvre. En guise d'introduction, il écrit quelques phrases aussi étranges que bouleversantes : «Dans le premier chapitre du traité Sabbat, il est dit: «Les rabbins enseignaient «Qui a écrit le Livre du jeûne? Hanania et ses collègues, qui trouvaient du charme à la peinture des malheurs d'Israël?» «Pour nous aussi, fit observer rabbi Simeon ben Gamaliel, la relation de tant d'épreuves a de l'attrait, mais que faire? Nous l'entreprendrions que nous n'y suffirions pas.» Voilà pourquoi j'ai résolu, écrit encore ce scribe anonyme de consigner dans ce livre tout ce qui est arrivé aux Juifs depuis que cet autre Joseph a terminé sa chronique jusqu'à ce jour, afin d'accomplir le précepte- afin que tu racontes aux oreilles de ton fils et de ton petit-fils.»

«Afin que tu racontes aux oreilles de ton fils et de ton petit-fils»: voilà pourquoi je crois à ce livre. A son utilité, à sa valeur historique. Voilà pourquoi je suis honoré d'associer mon nom à ce bouleversant ouvrage.

  

Avertissement

La guerre 40-45 représente un moment historique exceptionnel qui impressionne aussi les générations les plus jeunes. Si le génocide des Juifs a été largement popularisé, il reste encore à en finir avec le préjugé selon lequel les Juifs auraient été passifs. Peu de gens savent que de nombreux Juifs des milieux populaires ont été parmi les tout premiers à entrer dans la Résistance , à l'organiser, et à prendre les armes pour affronter l'occupant qui paraissait encore tout-puissant.

Qui étaient-ils? Comment en sont-ils venus à se comporter en héros et à gripper l'énorme machine nazie? Comment apprécient-ils leur action? Plusieurs enfants de P.A. (Partisans Armés) se sont posé ces questions afin de comprendre les événements historiques qui les ont marqués. Mais ils n'ont trouvé de réponse ni dans les documents d'époque — cela va de soi vu la période troublée et les conditions de l'illégalité — ni dans les documents actuels. Et comme les P.A. eux-mêmes ressentaient ces manques, ils étaient disposés à parler de leur expérience, à rétablir une vérité trop souvent déformée.

Petit à petit, au fil des témoignages s'est dessiné tout un milieu juif d'Anvers et de Bruxelles dont les éléments les plus décidés choisirent le chemin éminemment périlleux de la lutte armée.

Cette approche de l'Histoire — cela ne peut être qu'une approche — est vivante, réelle parce que ces témoins-là n'ont que leur modestie à surmonter pour raconter ce qu'ils ont vécu. D'autres témoins de l'époque qui ont laissé plus de traces écrites (de la Gestapo aux dirigeants belges corrompus) ont trop à se reprocher pour être fiables.

L'ensemble des témoignages apporte tellement de facettes passionnantes et instructives sur les jeunes, sur les femmes, sur les liens entre Juifs et non Juifs sur le courage et l'ingéniosité des partisans, etc. , qu'un public plus étendu pourra certainement en tirer profit. La résurgence du fascisme les rend encore plus actuels.    

Pour que les lecteurs puissent mieux se familiariser avec la mentalité, les motivations, les attitudes des partisans, les témoignages spontanés ont été transcrits scrupuleusement, ils n'ont été que légèrement aménagés pour rendre leur lecture plus aisée. Et si quelques détails manquent, si l'oubli fait parfois son oeuvre, il n'en reste pas moins vrai que la personnalité de chaque P.A. a traversé les années et apparaît avec une netteté frappante.

En dehors de témoignages recueillis précédemment et de ceux écrits par les intéressés eux-mêmes, tous les autres ont été pris par des enfants de P.A.

Les témoins assument la responsabilité de leurs propos.

L'ouvrage est publié à l'initiative des «Enfants des P.A. Juifs de Belgique».

Note préliminaire

1) Les organisations citées fréquemment

a) Les organisations de jeunes:

- proches des communistes : JASK (club sportif ouvrier juif) à Anvers, DYSK (cercle sportif juif démocratique) à Charleroi ; Ainheil (Unité) à Bruxelles; après-guerre; USJJ (Union sportive des jeunes Juifs); JC (Jeunesse
Communiste); 
Avant-guerre, les JC et JS ont fusionné pour former la JGSU (Jeune garde socialiste unifiée); au début de la guerre se forme le RNJ (Rassemblement national de la jeunesse);

- proches des socialistes: JS (Jeunesse socialiste), Faucons rouges; sioniste: Dror, Hashomer Hatzaïr;

- Maccabi : club sportif.

b) Partis et organisations:

- Poale Sion (sioniste de gauche);
- Bund (socialiste juif);
- PC (Parti Communiste);
- RI. (Front de l'Indépendance) et sa branche militaire l'Armée Belge des Partisans: regroupe toutes les tendances de la Résistance, sous influence communiste; tous les P.A. (Partisans Armés) interrogés en font partie. CDJ: Comité
de Défense des Juifs, branche du F.I.;

 

2) Structure de l'armée Belge des partisans

- trois hommes forment un détachement dirigé par le chef du détachement ;
- trois détachements forment une compagnie dirigée par un commandant;
- trois compagnies forment un corps (lorsque le nombre de P.A. le permettait, trois compagnies formaient un bataillon et trois bataillons formaient alors le corps); des commandants (commandant de bataillon, commandant de corps) en sont responsables ; (1)
- les secteurs comprennent plusieurs corps (et correspondent grosso modo aux régions du pays);
- le corps mobile dépend directement du «centre» (Etat-Major National), comme les secteurs;
- des courriers maintiennent la liaison entre les différentes structures;
- un service d'intendance et de renseignements est attaché au bataillon et au corps (jusqu'aux structures supérieures).

 

3) Quelques dates

- 10 mai 1940: agression allemande, exode de la population belge;
- 21 juin 1941: agression allemande contre l'URSS;
- fin 41 - début 42: préparation et premiers pas de la Résistance armée;
- été 42: beaucoup de jeunes Juifs vont travailler à Charleroi et dans d'autres centres industriels, croyant échapper à la déportation;
- août 42: rafles des Juifs pour les envoyer à Malines et de là, en déportation;
- juillet 43: arrestation des principaux dirigeants du RI. et des P.A.
- avril 44: la razzia à Bruxelles (arrestation de plusieurs dizaines de P.A., également en province);
- mai-juin 44: la plupart des P.A. rescapés à Bruxelles sont accusés de «dissidence» (qui se termine en septembre 44);
- septembre 44: Libération de Bruxelles.

Le sort des juifs pendant la guerre 40-45

Lors de la brutale invasion allemande, le 10 mai 1940, la communauté juive de Belgique comptait environ septante mille âmes: quarante cinq mille à Anvers, vingt mille à Bruxelles, deux mille à Liège et à Charleroi, et le reste dans des villes de moindre importance.

La majorité de cette communauté était composée d'immigrés, venus des pays d'Europe orientale. Grâce à leur dynamisme et à leur esprit d'initiative, ils avaient trouvé leur place dans le pays. Ouvriers, petits commerçants, artisans, ils formaient la classe laborieuse juive de Belgique.

Dès les premiers jours de l'offensive allemande, toutes les routes menant en France étaient envahies par des colonnes de réfugiés, alors que déjà la panique s'emparait de la population juive. En quelques jours seulement, la Belgique fut vidée de ses Juifs...

Les Juifs qui avaient réussi à gagner le sud de la France furent installés par les autorités locales dans divers bourgades et villages des Pyrénées.

Au début d'août 40, l 'Administration française entreprit l'évacuation de tous les réfugiés juifs pour les rassembler dans les camps de Clairfond, Agde et d'autres endroits.

Entre-temps, les nouvelles parvenues de Belgique rapportaient que la vie tendait à reprendre son cours normal.

Malgré les retours, la communauté juive de Belgique se réduisit à soixante mille âmes; une partie des réfugiés s'installèrent, tant bien que mal, dans le sud de la France. Plus tard, bon nombre d'entre eux furent déportés avec les Juifs de France. Une minorité s'était réfugiée en Suisse. Durant les premiers jours de la guerre, un petit nombre réussit à gagner la Grande Bretagne avec le rembarquement des troupes britanniques.

l) Le yshouv (Communauté juive) se réorganise

Sous l'impulsion de H. Rodkel (déporté plus tard par les Allemands pour «rébellion» contre le Judenrat), les rouages du Conseil de la communauté juive recommencèrent à tourner; il était alors le seul organisme légal représentatif de la communauté et son service social Ezraë reprit son activité légale.

Mais les autorités allemandes ne lui faisaient pas confiance et il dut très vite céder la place au «Judenrat» A J.B. (Association des Juifs en Belgique) nommé par la Gestapo. Cet organisme était dirigé par le rabbin Ullmann, secondé par des gens étrangers à la vie sociale juive, en particulier à celle des couches populaires d'immigrés juifs qui constituaient près de 90 % de la communauté. L'A.J.B. fut créée le 25 novembre 1941 et mise en place en mars 1942.

Deux organisations populaires seulement s'imposèrent par leurs activités: «Solidarité», progressiste de gauche, et le «Secours Mutuel», sioniste de gauche (Poale S ion).

2) L'escalade de la répression

La première ordonnance est édictée en octobre 40. Elle donne la définition «scientifique» de la question si actuelle pour les Juifs: qui est juif? Réponse: est juif toute personne issue d'au moins trois grands-parents de race juive. Il est ordonné aux personnes répondant à cette définition de se présenter à la Maison Communale pour se faire inscrire sur un registre.

Une deuxième ordonnance portant la même date interdit aux Juifs les services publics, la presse, la radio, l'enseignement et le barreau des avocats.

Le 31 mai 1941, nouvelle ordonnance antijuive, économique cette fois: les firmes et magasins juifs doivent inscrire sur leur façade la mention «Entreprise juive». Leurs propriétaires sont également tenus de déposer leur capital et d'ouvrir un compte dans une banque spéciale. Désormais, les entreprises juives pourront être gérées par des «commissaires aryens».

Le 29 août 1941, une ordonnance interdit aux Juifs de quitter leur domicile entre 20 H et 7 H du matin. De plus, ils devront habiter exclusivement dans l'une des quatre villes principales du pays: Bruxelles, Anvers, Liège ou Charleroi.

En décembre 1941, les enfants juifs sont interdits d'accès aux écoles publiques, à tous les niveaux.

Durant la fête de Pâques 41, les deux plus grandes synagogues d'Anvers sont incendiées par des nazis flamands commandés par des officiers SS. Ce n'est que deux heures plus tard que les pompiers de la ville sont autorisés à éteindre le feu. Ces actes de vandalisme bouleversèrent les habitants d'Anvers et suscitèrent leur indignation.

Une première étape des persécutions allemandes contre les Juifs sera bouclée avec l'ordre de mai 1942 de porter l'étoile jaune sur la poitrine, avec la lettre «J» en noir sur fond jaune.

En juin 1942, une ordonnance interdit aux médecins et dentistes juifs ainsi qu'aux autres professions assimilées, de pratiquer leur art.

Au début, il était possible de se débrouiller avec les commissaires aryens chargés de la gestion des entreprises. Les enfants juifs fréquentaient maintenant des écoles juives, ouvertes par le «Judenrat». On avait créé aussi des institutions d'entraide médicale, des cabinets dentaires, des laboratoires, etc. On s'était même habitué a l'interdiction de sortir dans la rue après une certaine heure — interdit que les résistants juifs bravaient pour aller coller des affiches et papillons, distribuer des tracts dans les boîtes aux lettres et réaliser d'autres actions clandestines. Il y avait ceux qui espéraient échapper à la déportation en travaillant dans l'agriculture, les charbonnages, la sidérurgie, etc. Il y avait aussi la poignée de Juifs qui brassaient des affaires prospères de gilets de fourrure, pelisses et autres pour l'armée allemande et contre lesquels la Résistance mènera un combat sans merci.

Les deux organes de presse, «Unzer Wort» du Poale Sion et «Unzer Kampf» du Parti Communiste, exposent, chacun à leur façon, les objectifs et la signification des ordonnances antijuives et appellent la population juive à ne contribuer d'aucune manière à l'effort de guerre allemand. Plus tard, ils inciteront leurs lecteurs a lutter contre le «Judenrat».

Le principal Mouvement de Résistance, le «Front de l'Indépendance», formait un éventail de toutes les tendances, depuis les communistes jusqu'aux catholiques. Parmi les membres de la direction du F.I., siégeait également un intellectuel juif communiste, Joseph Jospa, qui fut chargé de créer un «Comité de Défense des Juifs» dans le cadre du F.I.

Au sein du C.D.J. siégeaient Abusz Werber du Poale Sion de gauche, Israël Mandelbaum et Icek (Richard) Wolman de «Solidarité juive». De nombreuses personnalités influentes le rejoignirent, telles que le professeur Perelman, le professeur Flam, Benjamin Nykerk (un des chefs de file du sionisme en Belgique avant la guerre), Heiber, Fordman, Van Praag, Bolle et d'autres encore. Rodkel, secrétaire de la «Communauté Israélite de Bruxelles», connu de lotis pour son profond humanisme, se joignit également au C.D J.

D'autres Comités de Résistance juifs furent créés dans les autres grandes villes du pays. A Liège: Albert Wolf (un imprimeur qui mettra son matériel à la disposition du Comité), l'ingénieur Fehlol, Steinberg et d'autres encore. A Anvers: Flam, Manaster. A Charleroi: Boyarski, Katz, Broder, Istinne et quelques autres.

Dans un premier temps, il a fallu obtenir l'appui de la population belge. Sans ce lien, l'action commune eut été difficile voire impossible à organiser. Plus tard, il fallut mettre sur pied une série de sections telles que: la fabrication de faux papiers; les finances; la propagande et la presse; l'entraide sociale; et surtout celle chargée du sauvetage des enfante.

C'est grâce à l'aide, effective de la Résistance que de nombreux Juifs, souvent parmi les plus démunis, purent se cacher et attendre la fin de la guerre lorsque le couperet de la déportation tomba en 1942.

Dès août 1942, les premiers transports quittent Malines, lieu de rassemblement des Juifs voués à la déportation. En deux ans, plus de vingt six mille Juifs seront envoyés dans les camps de la mort dont ne reviendront, faméliques, que mille quatre cents environ.

Le 3 septembre 1942 s'est produite une rafle de grande envergure dans les deux quartiers juifs de Bruxelles: Saint-Gilles et Anderlecht.

Comme la plupart des Juifs ne répondaient plus aux convocations, la Gestapo avait décidé d'encercler de nuit ces deux quartiers, par surprise, pour y arrêter les Juifs qui y habitaient encore. Cette opération se poursuivit toute la nuit, avec son cortège de scènes déchirantes : portes défoncées, enfants en bas âge et nourrissons arrachés à leur sommeil, malades tirés de leur lit, vieillards impotents et femmes enceintes brutalisés - tous jetés sauvagement dans des camions.

A partir de ce jour, les Allemands se livrèrent systématiquement à la chasse aux Juifs, aidés par des mouchards qui indiquaient les endroits où ils se cachaient ou montraient, dans la rue, tout passant à l'aspect juif. La chasse aux mouchards, parmi lesquels des Juifs eux-mêmes, devint un des objectifs des partisans.

3) Le combat armé

Le premier groupe de partisans issu des organisations juives progressistes naquit fin 1941. Sa première mission consiste en des actes de sabotage dans les manufactures juives travaillant pour l'armée allemande. Mais bien vite, il élargit son champ d'action tout en augmentant ses effectifs. Parmi eux, on trouve Weichmann, Maurice Rozencwajg, Leib Rabinowicz, Rakower, Potasznik et quelques autres qui seront fusillés.

Parallèlement, d'autres partisans juifs s'intègrent directement dans des groupes avec des non Juifs. Parmi eux, Mozes Lando, Helfgott, Schive, Livschitz, Dobrzynski et quelques autres qui furent également exécutés par les nazis.

Tous ces groupes appartenaient à l'Armée Belge des Partisans, branche «militaire» du F.I.

Jusqu'en 1944, les combattants juifs formaient la majorité des effectifs des P.A. de Bruxelles et se distinguaient également dans d'autres régions du pays. On peut estimer à cent cinquante le nombre de Juifs qui ont pris une part active à la Résistance armée de Belgique.

(cette partie a été composée à partir de «Quelques bonnes feuilles de la Résistance juive en Belgique», de Jacob Gutfrajnd)

(1) pour toute la structure, le chiffre trois n'est pas strict.
   
Hommage au Martyre des partisans armées juives

Les partisans juifs, qu'ils aient eu l'occasion de témoigner ou qu'ils apparaissent dans les récits de leurs compagnons, resteront désormais vivants. Mais une place plus particulière est réservée à ceux qui ont disparu en martyrs, qui ont donné leur vie pour que nous existions encore. Dans l'hommage trop bref que nous leur adressons, il manquera peut-être des noms. Par delà ceux qui sont cités, nous pensons à tous les héros qui sont morts pour avoir combattu, quels qu'ils soient. 

(Ordre des photographies : de gauche à droite et de haut en bas.)

ABEL Chaim

Né le 7 septembre 1907, décédé fin 43 dans un camp de concentration en Allemagne, De nationalité polonaise, il était ingénieur et communiste. Il a participé a de nombreuses actions armées dès le début 42 et fut l'adjoint de Jacob Gutfrajnd au bataillon du corps de Bruxelles. 

BRESLER, Mordko

Né le 20 janvier 1918, abattu par l'ennemi le 19 novembre 1942. De nationalité polonaise, ouvrier, syndicaliste, membre de la JGSU à Liège, il combattit en Espagne où il fut blessé. Parmi les premiers P.A. juifs, il a notamment participé à l'action contre les fichiers de l'AJ.B. 

CYMBERKNOPF, Abraham (*) Né le 27 septembre 1922, abattu par l'ennemi fin 43. De nationalité polonaise, il fit partie du groupe commandé par Paul Halter et il participa a de nombreuses actions comme l'attaque d'un garage fasciste, chaussée de Waterloo.
(*) Nous n'avons pu recueillir les documents photographiques

DEUTSCHER, Samson

Né le 21 mai 1913, décédé en avril 45 dans un camp de concentration. De nationalité polonaise, chimiste, il était responsable de l'armement et a mis sa science au service de la résistance (fabrication d'explosifs....)

DOBRZYNSKI, Henri

Né le 16 avril 1924 et fusillé le 14 Juillet 43 au Tir National. De nationalité polonaise, il était un membre actif de la JGSU. Il a participé à de nombreuses actions comme le sabotage de pylônes électriques, l'exécution de collaborateurs.

ENGIELSZER. Simon

Né le 25 mars 1907 et fusillé le 6 janvier 43. De nationalité polonaise, il était ouvrier tailleur, musicien et syndicaliste. Entré très tôt dans les PA, il a participé à de nombreuses actions contre l'ennemi et les voies de communication.

FINKELSTEIN, Lejbus (*) 

Né le 4 novembre 1901 et décédé en 43. De nationalité polonaise, il était agent du service de renseignements et a disparu après son arrestation.

GLAZ, Jacob

Né le 20 juillet 1920 et abattu certainement sur ordre de la direction des P.A. alors qu'il était faussement accusé de "dissidence» en juin 44. Il était de nationalité polonaise, il a participé à de nombreuses actions telles que celles contre le garage NSKK, rue de l'Aqueduc, et d'Electrogaz, chaussée d'Ixelles

GOLDENBERG, Joseph (*)

Né le 15 juin 1913. torturé à mort à Breendonk début 43. De nationalité roumaine, ingénieur, il s'occupa de la fabrication des explosifs et prit part a diverses actions

GOLDGEWICHT, Abraham 

Né en 1914 et décédé a son retour des camps suite aux mauvais traitements qu'il avait endurés. De nationalité polonaise, membre dirigeant de la JGSU il combattit en Espagne et retourna au front après avoir été blessé. Il fut un des principaux commandants de Bruxelles et participa lui même à de nombreuses actions

(•) Nous n'avons pu recueillir les documents photographiques

GRUMAN, Nuhim 

Né le 21 février 1906, fusillé en juillet 44. De nationalité roumaine, ingénieur chimiste, il fabriqua des explosifs.

 

GUTMAN, Suzama(*)

Né le 28 mars 1905 et décédé en captivité. Membre de l'Armée Secrète, il flut arrêté sous l'accusation d'"attaque a main armée"

HELFGOTT, Simon

Né le 10 mai 1920 et tué au cours d'une action en avril 43. Ouvrier de nationalité belge, entré très tôt dans les partisans d'Anvers, il participa à de nombreuses actions telle que l'exécution d'officiers allemands et de collaborateurs; il devint commandant de compagnie.

(*) Nous n'avons pu recueillir les documents photographiques

HERSZAFT, David

Né le 8 novembre 1921 et fusillé Ie 12 décembre 42. Ouvrier de nationalité polonaise, il fut actif dans Ie groupe commandé par Angheloff. 

KLEIN, Georges

Né Ie 17 décembre 1919, décédé en captivité en janvier 45. De nationalité hongroise, il a participé a de nombreuses actions armées jusqu'a son arrestation en mars 44.

KUTNOWSKI, Léon

Né le 18 octobre 1918 et pendu a Buchenwald le 8 juin 44. II était de nationalité polonaise. Ancien des Brigades Internationales en Espagne, il participa à de nombreuses actions; arrêté une première fois, il s'échappa du XXème convoi et reprit aussitôt la lutte armee. Il tomba dans la «razzia» du printemps 44.

LANDO, Mozes

Né le 24 décembre 1912 et fusillé a Breendonk le 30 novembre 43. Ouvrier, syndicaliste de nationalité polonaise, il fut pourchassé en Pologne et devint réfugié clandestin en Belgique où il poursuivit son activité. Il participa à de nombreuses actions, notamment l'attaque du meeting Degrelle au Palais des Sports et lexécution de deux gradés allemands, place Flagey.

LIVSCHITZ, Choura

Né le 20 avril 1911 et fusillé au Tir National en février 44. Ingénieur de nationalité roumaine, entré tres tôt dans  la Résistance , il devint commandant de compagnie et participa a de nombreuses actions, telle l'exécution d'officiers allemands.

 

LIVSCHITZ, Georges

Né le 30 septembre 1917 et fusillé au Tir National en février 44. De nationalité roumaine, c'était un médecin progressiste qui renseigna les P.A., leur prodigua de nombreux soins et se distingua en attaquant le XXème convoi.

LIVSCHITZ, Sroel

Né le 20 septembre 1910, il est mort en captivité en mai 45. Electricien de nationalité polonaise, il combattit en Espagne; il commanda une compagnie et participa a de nombreuses actions comme le sabotage de voies ferrées a Bruxelles. 

LOVENVIRTH, Michel

Né le 9 avril 1922, il fut exécuté le 15 mars 43. II est né en Tchêcoslovaquie. II fut actif dans une organisation sioniste de gauche, puis à la JGSU C'était un ouvrier. II devint responsable de l'armement au corps mobile.

MANDELBAUM, Moïs 

Né le 26 octobre 1924, il fut fusillé le 13 octobre 43. De nationalité polonaise, il fut membre de la JGSU. Actif tres tôt dans la lutte contre l'occupant, il intégra les PA fin 42 et participa à de nombreuses actions. 

POTASZNIK, Szmul

Né le 5 avril 1909, il fut fusillé au Tir National le 9 septembre 43. Il était de nationalité polonaise. Intellectuel progressiste, il fut parmi les premiers PA. juifs et participa à de nombreuses actions de sabotage et d'exécution de collaborateurs. Sa tête fut mise à prix pour 500 000 fr. 

PRYZANT Rosa

Née le 21 juin 1919 et décédée en juillet 43. De nationalité polonaise, elle fut active dans la JGSU , dans la presse illégale avant de devenir courrier dans les PA, où elle s'occupait aussi des renseignements et du service social.

RABINOWICZ, Leib 

Né le 20 janvier 1918 et abattu au cours d'une action en avril 13. Il était de nationalité polonaise. Actif dans la jeunesse du Poale Sion de gauche et ensuite à l"Unité", il participa à de nombreuses actions armées après son admission aux P.A. telles que le sabotage d'usines et l'exécution de collaborateurs.

RAKOWER, MOSJEK

Né le 12 mars 1907 et fusillé au Tir National le 6 janvier 43. De nationalité polonaise, c'était un syndicaliste qui avait des responsabilités dans le mouvement progressiste juif. Parmi les premiers P.A., il participa à de nombreuses actions, telle l'exécution d'Holzinger qui était le chef de la mise au travail obligatoire et qui était aussi signataire de la convocation pour Malines.

 

ROCHMAN, Charles

Né le 27 décembre 1913 et décédé en captivité en novembre 43. Ouvrier tailleur de nationalité polonaise, il combattit en Espagne. Premier commandant de la compagnie juive, il fut un des meilleurs artisans de la préparation et des premiers pas de la lutte armée à Bruxelles

ROZENCWAJG, Maurice 

Né le 2 octobre 1920, de nationalité polonaise, il fut fusillé au Tir National le 9 septembre 43. Actif dans la JGSU , il entra rapidement dans les P.A., où il participa à de nombreuses actions tels les sabotages de moteurs pour avions et d'une usine de fabrication de parachutes. Sa tête fut mise à prix pour 500 000 fr.

SCHIVE, Isaias

Né le 25 mai 1919, il fut fusillé le 8 juin 43 à Brasschaat. Ouvrier, communiste, de nationalité belge, il joua un grand rôle dans la résistance armée à Anvers. Il participa à de nombreuses actions comme le dynamitage de la Régie des téléphones et télégraphes de la région d'Anvers, et à des attentais contre l'ennemi.

SIMON, Zoltan (*)

Né le 10 octobre 1921, il a disparu fin 43. Il était de nationalité hongroise. Il s'évada d'abord de la prison de Louvain pour s'engager dans la lutte armée. Ensuite, il parvint encore à s'évader d'Auschwitz mais on ne le revit plus.

STRAUSZ, Alexandre (*) 

Né le 26 mai 1913 et décédé en captivité en août 44. Chimiste de nationalité hongroise, il s'occupa notamment de la fabrication d'explosifs et fut responsable de l'armement du corps mobile. Il testa lui-même son matériel incendiaire contre des voies de communication. 

SZRIFTGISER, Hirsch (*) 

Né le 7 novembre 1897 et tué le 22 juin 44. De nationalité polonaise, il était responsable de l'intendance a Charleroi. Il fut erronément accusé par des responsables. 

WAJNBERG, Henri

Né le 27 décembie 1921 et décédé à Auschwitz le 25 janvier 1944. Il était de nationalité polonaise et participa à de nombreuses actions au sein des P A.

(*) Nous n'avons pu recueillir les documents photographiques

WAKSMAN, Lejzor

Né le 2 mars 1900 et décédé à Birkenau en juillet 43. Il était de nationalité polonaise. Tailleur à domicile, il fut actif dans le syndicat juif du prêt à porter. Il entra très tôt chez les P.A. et sa maison servit souvent de reluge pour les partisans blessés.

WElCHMANN, Wolf

Né le 5 mai 1899 et fusillé au Tir National le 9 septembre 1943. De nationalité polonaise, ouvrier mineur, puis tailleur, il était actif syndicalement. Parmi les premiers partisans de Bruxelles, il participa notamment à l'action contre les fichiers de l'AJB et à des actions contre les ateliers juifs au service des Allemands. Sa tête fut mise à prix pour 500 000 fr.

WEISS, Sandor

Né le 18 mars 1911, il fut tué au combat le 4 juillet 43. De nationalité hongroise, ancien commandant des Brigades Internationales, il devint commandant de la compagnie hongroise du corps mobile; il s'échappa du XXème convoi pour poursuivre la lutte armée.

WEINGAST, Bruno (*)

Né le 28 mars 1912, il fut fusillé a Breendonk début 44. De nationalité polonaise, ancien des Brigades Internationales, il devint responsable du service armement; en tant que chimiste, il fabriqua des explosifs.

(*) Nous n'avons pu recueillir les documents photographiques

 

Témoignages

  

Rachel Coperbac

GvdB 322   Noms mentionnés  Camps  Print (7p)

R. -Je suis née dans la capitale de la Bessarabie, à Kichinev (Roumanie) en 1908. Mon père est décédé quand j'avais trois ans et ma mère a dû élever seule ses quatre enfants. Nous avons vécu des moments très difficiles. Mais ma mère était très courageuse, elle a fait tout son possible pour nous procurer le nécessaire.

Q. - Dans quel travail s'est-elle engagée?

R. - Elle a commencé par de la couture à domicile. Ce n'était pas suffisant. Alors, elle a tenu une échoppe au marché pour vendre des vêtements.

Ça a duré jusqu'à ce que mon deuxième frère puisse travailler. Avec son petit salaire, il a aidé la famille à subsister. Mon frère aîné, lui, a été remarqué pour ses capacités intellectuelles et on lui a donné les moyens d'étudier, grâce à l'intervention de professeurs. Pour ses études supérieures, il est parti à Paris où il devait travailler pour se tirer d'affaire; il avait très dur. Il s'est intégré dans un groupe d'étudiants qui est allé en Union Soviétique pour accomplir le service militaire et avoir ainsi le droit de terminer les études gratuitement; étant bessarabien, il en avait la possibilité. Il est devenu ingénieur des Ponts et Chaussées; il s'est spécialisé dans les métaux et la conception des machines. Il est mort à soixante-quatre ans.

Ma mère était croyante. Sans doute que mon père l'était aussi. Mais ma mère avait un esprit très ouvert, elle était fort courageuse et pleine de bon sens.

Q. - Et toi, comment as-tu évolué?

R. - Au départ, j'étais influencée par ma mère et ensuite, par mon frère aîné. 

Par des discussions avec lui, petit à petit, je me suis libérée de la religion; D'ailleurs, ma mère n'était pas fanatique, elle ne courait pas à la synagogue, elle respectait seulement les grandes fêtes de Nouvel An ou de Yom Kippour.

Q.- Ton frère âiné était-il communiste?

R.- Il à été emprisonné en tant que communiste. Toute la famille s'est rapprochée de la gauche.

Q.-  As tu fréquenté longtemps l'école?

R.-  Comme nous étions démunis d'argent, je devais beaucoup aider ma mère. Je  n'ai donc pas fréquenté l'école régulièrement et je n'ai pas termine le premier cycle. A quatorze ans, j'ai travaillé dans la maison de couture la plus connue de ma ville natale. La patronne se rendait à Paris deux ou trois fois l'an pour prendre des nouvelles de la mode. J'y étais fort exploitée parce qu'on m'appelait sans arrêt pour d'autres tâches qui retardaient mon apprentissage. J y ressentais énormément d'injustices. A un moment donné, nous avons décidé entre nous de faire grève - la grève n'était pas encore autorisée. Je me faisais déjà remarquer.

Q. - Et qu'a donné la grève?

R. - D'après ce que je me rappelle - j'étais très jeune - elle n'a pas duré longtemps et je n'ai pas l'impression qu'on a gagné quelque chose.

Q. - Tu travaillais dans la communauté juive?

R. - Oui, mais nous parlions le russe entre nous.

Q. - La communauté juive était-elle importante dans ta ville?

R. - Oui, il y avait beaucoup de Juifs. Notre famille n'était pas particulièrement liée avec les Juifs, nous avions aussi des camarades non juifs.

Q. - As-tu souffert de l'antisémitisme ?

R. - J'étais trop jeune mais ma mère me racontait les pogroms où on massacrait, torturait des Juifs et ces récits sont restés gravés dans ma mémoire.

Q. - Qu'es-tu devenue après la grève?

R. - Je suis encore restée dans cette maison de coulure pendant quelques années.

Peu de temps après, des communistes qui avaient été emprisonnés plusieurs années ont été libérés. Comme nous étions actifs dans le Secours Rouge, nous avons organisé dans notre maison une rencontre avec eux pour connaître les conditions de vie dans les prisons. Nous avons passé une soirée ensemble jusque tres lard dans la nuit.

Mais un voisin a dénoncé cette rencontre.

Suite à cela, j'ai été convoquée à la «Sûreté». Ils m'ont accusée d'avoir reçu des communistes. J'ai nié. Dès que j'avais reçu la convocation, j'avais demandé à la maison qu'on fasse disparaîtrc toute trace de nos rapports avec les communistes. Ils m'ont retenue, arrêtée et mise dans la cave; j'ai été interrogée jour et  nuit. L'un prétendait détenir des preuves et me menaçait de prison ferme si je ne parlais pas. J' ai nié pendant près d'un mois.

Q.-   Les prisonniers que vous aviez reçus étaient-ils des évadés ?

R.-  Non, i1s avaient été libérés après huit à dix ans de prison 

Q.- Et vous ne pouviez pas les rencontrer?

R.- Ils avaient été arrêtés comme communistes et dès lors, c'était une infraction grave de les recevoir: j'étais passible d'être accusée de communiste.

C'est pourquoi, j'ai toujours prétendu que je dormais, que personne n'était venu à la maison. Nous habitions au sous-sol, et un officier qui habitait à l'étage a sans doute aperçu de la lumière chez nous en rentrant; personne d'autre que lui ne pouvait nous dénoncer.

Un jour, vers neuf heures du matin, j'ai été appelée et l'interrogatoire a repris dans une grande salle comprenant plusieurs bureaux. J'ai élevé très fort la voix pour me disculper. J'ai aussi dénoncé à voix haute le fait qu'on ne permettait pas à ma mère de m'apporter des colis, j'étais révoltée par le traitement qu'ils m'infligeaient alors qu'ils n'avaient aucune preuve de ma culpabilité. Tous les employés présents ont assisté à mon éclat Ils étaient nombreux à m'écouter clamer mon innocence. J'ai même crié: «Si jamais j'apprenais que ma mère a payé pour me libérer, je dénoncerais le coupable!». Et c'était vrai, ma mère avait emprunte de l'argent pour me sortir de prison. Le soir même, j'étais libérée.

Après ma libération, la vie est devenue impossible. J'avais sans cesse des suiveurs à mes trousses, aussi bien pour me rendre à mon travail que pour revenir à la maison. Ça pesait sur nous de plus en plus. Ma mère vivait dans l'inquiétude, moi aussi. L'idée de partir s'imposait progressivement. Je recevais des lettres de Belgique envoyées par des amis qui étudiaient dans ce pays. Un de ceux-ci m'écrivait très souvent en me priant de le rejoindre. Personnellement, je n'avais pas les moyens d'entreprendre le voyage, ma mère non plus ne disposait pas de l'argent nécessaire. Je ne me décidais pas, je me demandais comment la famille subsisterait sans mon aide. En fin de compte, c'est encore ma mère qui a pris la décision. Elle voyait que mon avenir était bouché: aucune formation, pas d'études, pas de perfectionnement dans mon métier, tout le temps surveillée; elle a alors tranché: «Il vaut peut-être mieux que tu partes». Il m'a fallu beaucoup de temps pour me décider à venir en Belgique.

Je suis arrivée à Anvers en 1929 à un moment où le travail se faisait rare. Une amie a réussi finalement à m'en trouver et à peine installée, j'ai été engagée dans une usine qui fabriquait des sous-vêtements. J'y suis restée quelque temps. A la suite de mon absence le Premier Mai à mon travail, j'ai été licenciée.

J'ai travaillé ensuite dans une entreprise de tricot (« La Viennoise »). Entre­temps, je m'étais mariée avec le copain qui avait insisté pour que je le rejoigne et quand l'entreprise a fermé, j'étais enceinte. J'ai mis au monde une petite fille.

Plus lard, nous avons habité Bruxelles et nous nous sommes séparés.

Puis, j'ai rencontré Chaïm Abel et j'ai vécu avec lui jusqu'à son arrestation en 43.

Q. — Où étais-tu à la fin des années 30?

R. — Nous habitions ensemble et j'avais mon enfant à la maison. Chaïm avait une bonne situation, il était ingénieur mécanicien dans les Etablissements Wanson (construction de matériel thermique). Nous avions convenu que je recevrais une formation dans une maison de couture, afin d'être parée au pire. Mais au début de la guerre, j'ai dû arrêter et Chaïm, de son côté, ne pouvait plus se rendre dans les bureaux de son entreprise, il exécutait pour elle des travaux à l'extérieur, dans d'autres usines (à partir de février 43).

Nous étions domiciliés à Schaerbeek et tous les jours sans exception, nous étions sur la brèche avec des copains pour distribuer des tracts, vendre des journaux, etc.

Q.- Tu étais organisée dans le Parti Communiste?

R. - Dans la cellule de Schaerbeek avec des Belges.

Q.- Comment l'es-tu engagée dans la Résistance ?

R.- Quand la guerre a éclaté, il a fallu assurer la sauvegarde des enfants.

Des que nous avons appris que les Allemands poursuivaient aussi les enfants, nous avons confié ma fille Véra à une famille belge qui s'est proposée pour la prendre en charge et la protéger. Nous étions déjà dans l'illégalité. Chaïm faisait partie des P.A.

La situation de mon enfant m'avait fait prendre conscience de celle de tous les autres enfants juifs. Je me suis occupée d'eux au sein de la Commission Enfance du C.D.J., en rapport avec Yvonne Jospa. Ma fonction consistait à amener des enfants dans différents endroits pour les sauver et à apporter ensuite de leurs nouvelles aux parents. Mais je sentais que je ne conserverais pas longtemps cette fonction parce que j'étais attirée par les Partisans.

Au bout d'un an, un membre de l'Etat-Major me rencontra pour me demander d'entrer aux P.A. J'ai accepté.

Q. - Pourquoi avais-tu eu envie d'entrer aux P.A.?

R. - J'avais l'impression que j'agirais plus directement contre l'ennemi. C'était très important pour moi.

Q. - L'action armée te paraissait plus offensive?

R. - Oui, absolument. On m'a proposé d'adhérer aux P.A. presqu'au moment où je pensais formuler ma demande. J'ai été interrogée par un membre de la direction qui voulait savoir si j'étais apte, si je résisterais à la torture, etc.

Avant d'entrer effectivement chez les Partisans, j'ai encore un peu continué à m'occuper des enfants à cause des contacts que j'avais établis. J'ai été admise aux P.A. tout de suite après l'arrestation de Chaïm qui eut lieu le 12 juillet 1943.

Q. - Chaïm te parlail-il de son activité de Partisan? (1)

R. - Il régnait une confiance entre nous. Il m'a raconté certaines choses. Chaïm a été arrêté avec des documents sur lui rue Royale, à proximité de l'entreprise pour laquelle il travaillait; un collègue roumain qui sortait du bâtiment par hasard a également été arrêté. Ils ont été conduits à la Feldgendarmerie et comme on a d'abord appelé son collègue pour l'interroger, Chaïm en a profité pour avaler les documents, ce qui l'a rendu malade. Quand son tour est venu, on n' a rien trouvé sur lui et il a seulement reconnu être juif. Il a été envoyé à Malines. Son collègue, qui a été libéré, m'a fourni ensuite tous les détails. Ce collègue, lui, a bénéficié de la protection dont jouissaient encore les Roumains.

Quand Chaïm fut à Malines, j'ai essayé de lui transmettre des instruments pour qu'il s'évade du train qui devait le convoyer dans un camp de concentration. Une charrette qu'on chargeait de sable dans un hangar était régulièrement amenée à Malines par un SS et par Wulf Epsztejn qui m'a indiqué où placer les instruments dans le sable. Nous avons rassemblé tout le matériel qu'il avait demandé ci je me suis rendue là-bas avec un copain de Schaerbeek. Nous faisions semblant d'être des amoureux. Lorsque le SS s'est dirigé du côté opposé, je me suis précipitée pour cacher les instruments.

Malheureusement, les Allemands ont renforcé la garde des trains de déportation, des soldats en armes se trouvaient en permanence sur les toits, on ne pouvait rien tenter. Cette action n'a donc servi à rien.

Comme Chaïm connaissait plusieurs langues, il aurait pu rester à Malines mais il a refusé parce que, a-t-il dit, «ma conscience ne me permet pas de rester ici quand mes camarades vont partir».

J'ai appris tout cela par un prisonnier qui sortait régulièrement pour faire des courses et qui en profitait pour déposer des messages. 

Q. - Quelles étaient les tâches dans les Partisans?

R. — J'ai été désignée dans le secteur 05. Je voyageais comme courrier à Liège, Namur, Bruxelles et les environs.

Tout à fait libérée de mon travail avec les enfants, j'ai d'abord eu des contacts, en août-septembre 43, avec un ancien sénateur et ensuite, j'ai été la courrière de Baligand (de l'Etat-Major national) jusqu'à mon arrestation le 13 avril 44. Le plus souvent, j'apportais des plans de travail qu'un autre courrier me remettait. Les instructions étaient écrites en clair et il fallait donc les cacher soigneusement.

Une anecdote pour expliquer cela. Un jour je suis allée à Liège où j'ai reçu un document à ramener à Bruxelles; je me suis rendue dans un magasin de nourriture pour oiseaux pour acheter une grande boîte de graines. Dans un café, j'ai mis le document dans la boîte que j'ai ensuite refermée avec de la colle ; l'opération a mis d'ailleurs tellement de temps que la serveuse est venue voir ce que je fabriquais. J'ai pris le train. En cours de voyage, des Feldgendarmes me contrôlent, ils prennent le paquet, le secouent, et d'énervement, ils le jettent sur la tablette, de la farine se répand dans tout le compartiment mais la boîte ne s'ouvre toujours pas! Ils s'en vont mais on imagine dans quel état je me trouvais. Arrivée à Bruxelles, je prends le tram 5, nouveau contrôle de Feldgendarmes, et même histoire, le paquet ne s'ouvre pas, le Feldgendarme jure «Schweinhund,...!» C'est une aventure parmi beaucoup d'autres.

J'étais tout le temps en route car Baligand était continuellement sur la brèche. Le voyage à Liège me permettait d'avoir d'autres contacts. 

Q. - Pendant cette période, comment étais-tu logée?

R.- Après l'arrestation de Chaïm, j'ai été mal nourrie, trimbalée de gauche à droite. J'ai quand même continué mon activité. J'ai procuré des logements à des camarades mais moi-même j'en ai manqué parfois. Une nuit, je n'ai pas vu d'autre solution que de dormir dans le parc de St-Josse, près du square Marie-Louise; le vieux gardien s'est approché de moi et m'a demandé gentiment de m'en aller parce qui si on m'apercevait, je serais arrêtée et lui risquait d'être fusillé. Je me suis rappelée que près de là, logeait une famille dont j'avais placé un ou deux enfants. Je suis allée sonner chez eux, il était tard; le concierge a ouvert la porte et en me voyant a crié derrière lui: «Ce n'est rien, vous pouvez monter». Le couple est sorti de la cave, ils avaient l'air de morts-vivants tellement ils avaient été effrayés par le coup de sonnette. J'ai passé la nuit chez eux mais je me suis dit que je ne recommencerais jamais.

J'ai logé ensuite avec deux autres personnes. Je leur avais dit de quitter le logement si j'étais arrêtée mais ils ne l'ont pas fait.

Q. - Où se trouvait ta fille Véra?

R. - Au début, Véra habitait chez des amis de St-Josse dans une maison où Chaïm et moi avons logé. Quand Chaïm a été arrêté, il m'a fait remettre un message où il s'inquiétait pour Véra parce qu'elle était trop connue dans le quartier. Je l'ai alors placée dans un couvent à Kortenberg. Pour ces gens, c'était un drame car ils la considéraient comme leur fille, et lorsque j'ai été arrêtée, ils l'ont reprise à nouveau jusqu'à ce que je vienne la rechercher à ma libération.

Q.  Comment as-tu été arrêtée?

R. — Je rencontrais souvent une responsable de l'intendance qui, avant d'entrer chez les Partisans, avait assuré qu'elle tiendrait le coup sous la torture; moi, j'avais été moins affirmative à mon sujet, pour rien au monde, on ne peut garantir; on a eu des cas de gens qui ont été torturés mortellement et qui en fin de compte ont quand même parlé.

C'est cette responsable de l'intendance qui m'a donnée. Depuis, je lui ai pardonné pour la bonne raison qu'elle m'a expliqué que son père et son fiancé avaient été fusillés comme Partisans et qu'elle était restée seul soutien de sa mère. Moi, qui ai beaucoup encaissé et beaucoup supporté, je ne voulais cependant pas qu'on sévisse contre ceux qui n'avaient pas tenu le coup, nous n'avions pas été élevés en héros.

Comme Baligand était un homme exceptionnel, il était activement recherché et sa tète était mise à prix sur des affiches. Quand j'ai été arrêtée, le 13 avril 1944, la Gestapo savait que je voyais Baligand tous les deux jours et elle était terriblement pressée que je livre les rendez-vous que j'avais avec lui. J'ai été fort maltraitée, la Gestapo m'a fait souffrir. Je devais décrire Baligand qui était un homme de taille moyenne et j'en ai fait un grand homme, rouquin avec une barbe, portant un pantalon de golf et une casquette; j'ai aussi indiqué une adresse à Ixelles où il n'y avait rien de compromettant. Je ne pouvais absolument pas donner mon logement illégal dans lequel, deux jours avant mon arrestation, des copains avaient encore amené une machine à imprimer Ils ne l'ont d'ailleurs pas déplacée après avoir appris ce qui m'arrivait, «on savait que tu ne parlerais pas», m'ont-ils dit après la guerre. J'ai aussi donné l'adresse d'une maison de Schaerbeek qui avait été détruite par une bombe un jour avant mon arrestation. Quand la Gestapo l'a vue, mes bourreaux m'ont accusée de jouer la comédie, ils m'ont battue et torturée encore plus. Je suis restée douze jours dans les locaux de la Gestapo avec les mains attachées dans le dos.

Puis, je suis restée seule dans une cave pendant plusieurs jours, j'ignore toujours où elle se situait.

J'ai été ramenée à la Gestapo. Comme dans mon cachot, il manquait une demi-brique à côté de la porte, je pouvais apercevoir les prisonniers qu'on amenait. J'ai vu ainsi le docteur Reynaerts, Marcel Lövenvirth et d'autres; ils étaient traînés dans leur sang. Leur cachot se trouvait près des toilettes. En m'y rendant, j'ai jeté un coup d'oeil pour savoir s'ils respiraient encore, s'ils étaient en vie. Quand je suis revenue, j'étais tellement bouleversée que j'ai hurlé à l'adresse de mes camarades: «Tenez bon, la guerre n'est pas encore terminée, on a besoin de nous...!» Aussitôt, on est venu me chercher pour continuer les interrogatoires.

Ensuite, je suis restée deux mois à Malines. La voisine de mon cachot, une Flamande, Elsa De Cracker, s'est comportée en héroïne, les tortures l'ont rendue sourde mais elle n'a jamais fourni de renseignements. A huit, nous avons été envoyées à la prison de St-Gilles pour une quinzaine de jours. Comme il n'y avait plus d'interrogatoire, cet endroit me paraissait être le paradis.

Nous avons été déportées à Ravensbrück. D'abord, nous avons été placées en quarantaine, et ensuite, les éléments les plus jeunes ont été choisis pour travailler dans une usine de Siemens et d'autres du même genre. Je devais partir travailler dans un camp annexe à Neu-Brandeburg mais à l'appel, après qu'on m'a choisie avec Rachel Luftig, je suis tombée évanouie par terre; j'avais la scarlatine. Une doctoresse tchécoslovaque qui avait été renseignée sur mon compte m'a soignée avec dévouement et je m'en suis sortie grâce à elle.

En octobre, tout le groupe de camarades a été accepté chez Siemens où je me suis aussi retrouvée. Mais j'étais vidée, épuisée par la scarlatine, l'érésipèle (cuisse gonflée, fièvre) et les mauvais traitements. Je ne parvenais pas à faire le nombre de pièces requis et du coup, j'ai été accusée de «saboter le travail». Il fallait manipuler de petites bobines pour l'aviation avec une grande précision, mais à cause de mon état de faiblesse, je voyais deux bobines au lieu d'une et je gâchais l'ouvrage ! Apres un contrôle, j'ai été mise à la porte.

Heureusement, une responsable tchécoslovaque, une communiste, a défendu ma cause et j'ai été déplacée. J'ai travaillé avec une Russe jusqu'à la Libération. On devait trouver du bois pour la cuisine, on sciait des arbres avec une scie qui sciait mal et qui demandait beaucoup de force, etc.

La Russe était une femme extraordinaire, courageuse et intelligente, une ins titutrice de Moscou, qui était entrée dans l'Armée Rouge. Nous nous sommes encouragées mutuellement — je parlais le russe. Peu avant la Libération , nous sommes descendues dans le camp principal et nous nous sommes perdues de vue puisque je me trouvais avec les Belges et elle avec les Russes.

J'ai été libérée le 23 avril 1945 par la Croix-Rouge suédoise. Des cars sont venus nous chercher. Mais cette Libération a couté de nombreuses vies, les Alliés ont mitraillé le premier convoi en croyant que les cars appartenaient à l'armée allemande. En passant avec le second convoi, nous avons aperçu les corps du premier convoi... Nous aussi, nous avons été mitraillés mais nous avons subi moins de dégâts.

Nous sommes arrivées au Danemark et puis à Malmö. En Suéde, nous avons été bien reçues et bien installées. Mais au bout de trois ou quatre jours, j'ai attrapé le typhus et j'ai été transportée a l'hôpital pour deux mois. A deux reprises, on a annoncé que j'étais morte. En sortant du coma, j'ai ouvert les yeux et j'ai vu la Mère Supérieure à genoux, par terre, il y avait dans la chambre des fleurs et des bougies... «C'est pour moi?» ai-je demandé. «Oui, mon enfant», a-t-elle répondu. J'ai réclamé du citron pour me désaltérer, elle m'a apporté un bout d'orange qu'elle a presse entre mes lèvres.

Q. - Comment s'est passé le retour?

R. — C'était la continuation du cauchemar car je rentrais sans rien, ni santé ni sous, rien. A cette époque, j'ai été transbahutée de droite à gauche, j'étais trop faible; je suis même restée trois semaines dans un château de Solvay pour me remettre en état, c'était insuffisant, il m'aurait fallu plus de temps.

Véra est d'abord allée dans une colonie de Solidarité Juive et ensuite, elle est partie six mois en Suède dans une famille d'accueil avec la fille d'une prisonnière politique d'Anvers.

Pendant cette période, j'ai réussi à faire pas mal de choses. Un copain m'a proposé un petit appartement et j'ai aménagé mon foyer.

J'ai fréquenté une école de coupe et de couture et l'année suivante, j'ai été engagée dans une grande maison de confection appartenant à un patron démocrate qui m'a directement envoyée dans un secteur où les ouvriers m'ont aidée à m'intégrer. J'ai pris du temps pour apprendre le métier mais j'étais bien considérée; je suis restée vingt ans dans cet établissement.

Véra était aux études, on se téléphonait à midi et on se voyait le soir, entre mes activités syndicales — j'étais déléguée — et mes autres activités.

Progressivement après la Libération , je suis redevenue femme. J'aurais pu refaire ma vie mais nous sommes restées à deux, j'ai voulu donner à Véra tout ce que je n'ai pas eu (2).

Q. - Comment juges-tu la période de la guerre, après coup?

R. — Enrichissante à un point extraordinaire, ce fut une école de la misère et une analyse de soi-même. A aucun moment, je ne me suis vue «donner» quelqu'un. Si je n'étais pas passée par cette école, je n'aurais jamais eu cette conscience, cette force morale. J'ai tenu le coup.

Il manque encore beaucoup de choses dans mon témoignage: ma vie avec Chaïm, mes rêves lorsque j'avais le typhus, le souvenir de celles qui sont mortes à côté de moi en Suède quand j'étais à l'hôpital, etc.

(1) Chaïm Abel a été l'adjoint de Jacob Gutfrajnd à la direction du corps mobile.
(2) La mère de Rachel, sa belle-fille et un petit-fils ont été en Sibérie par les Soviétiques, et ainsi ils eurent la vie sauvé.  Un frère de Rachel combattit à Stalingrad et l'autre à Moscou; sa soeru Emma s'engagea dansles P.A. Cas exceptionel: tous se sont retrouvés après la guerre (NDLR)

Noms mentionnés

  Abel Chaïm
  Baligand
  De Cracker Elsa
  Epsztejn Wulf
  Gutfrajnd Jacob
  Jospa Yvonne
  Luftig Rachel

Camps

  Bruxelles
  Malines
  St-Gilles
  Ravensbrück
  Neubrandenburg

    

Lola Bryftreger-Rabinowicz

GvdB 251  Noms mentionnés  Camps  Print (2p)

Je suis née à Radom en Pologne, le 5 mars 1917, dans une famille de commerçants fort religieuse. J'ai terminé l'école publique à quatorze ans. J'ai suivi des cours du soir après la guerre. A quinze ans, j'étais apprentie couturière. Aussi, je me suis affiliée aux Jeunesses Communistes. Comme j'étais très active comme courrière, la police me recherchait. Il était temps de me sauver.

Je suis partie illégalement en France où j'ai vécu deux ans de 1936 à 1938. Ensuite, j'ai été expulsée et je suis arrivée en Belgique également en fraude.

En juin 1939, j'ai épousé Leibke Rabinowicz. Après avoir été mise en contact avec le Parti Communiste, je me suis occupée d'enfants.

Le 10 mai 1940, la guerre éclatait en Belgique, nous sommes partis dans le midi de la France. Nous avons formé des groupes pour discuter de la situation et à la fin, nous avons décidé de retourner en Belgique.

Le travail avec le Parti a commencé: distribution de journaux, réunions, tout clandestinement. Fin 41, Leibke devenait membre des Partisans, recruté par Jacob Gutfrajnd; moi, j'étais enceinte d'une fille qui est née le 3 mai 1942. J'ai poursuivi le travail illégal en ayant toujours près de moi l'enfant dans sa voiture.

Quand les Allemands se sont attaqués aux Juifs, il a fallu cacher l'enfant. Après beaucoup de recherches, nous avons trouvé une famille belge qui a accepté de s'occuper d'elle. Elle n'avait que trois mois. Nous, nous sommes allés vivre avec des copains belges, Partisans aussi. Leibke a continué d'être actif chez les Partisans et moi, de placer des enfants juifs chez des familles belges, dans le Front de l'Indépendance. Entretemps, j'ai aussi aidé Leibke à transporter des armes et du matériel.

Je n'oublierai jamais sa première action. Il a abattu un Allemand de la Gestapo. Il a eu une crise de nerfs. Pas moyen de le calmer: il avait tué un homme. Par la suite, il a pris part à plusieurs autres actions. La dernière lui a été fatale. Il avait défendu son commandant Jacob Gutfrajnd à l'hôpital d'Etterbeek; ils ont été blessés tous deux, mais lui mortellement, quinze jours avant le premier anniversaire de sa fille.

Tout de suite après sa mort, je me suis engagée dans l'Armée Belge des Partisans, au service des renseignements. Pendant quelques semaines, j'ai filé des traîtres, des collaborateurs, etc.

Le 4 juin 1943, Sarah Goldberg, Henri Wajnberg et moi étions arrêtés ensemble par la Gestapo. Nous avions peur que les Allemands ne viennent vider l'appartement et trouvent des armes, des journaux, une machine à écrire. Par miracle, nous avons réussi à faire savoir que nous avions laissé du «linge sale». Les Partisans ont immédiatement mené une action (qui n'était pas facile) pour «nettoyer l'appartement».

A Malines, nous avons formé des groupes avec de nouveaux arrivés. Sara Gutfrajnd, Dora Rabinowicz, Abel Milnowiccky, Max Wulfowicz, Léon Waksman et d'autres. Nous avons aussi eu un contact avec Giza Weissblum qui sortait du cachot. Elle était dans un état horrible. Elle avait été battue par les gestapistes, la figure et les mains étaient toutes déformées. Elle n'était plus capable de se laver ni de se nourrir, nous l'avons aidée le mieux possible.

Nous étions prêts à sauter du train qui nous transportait en déportation, ayant reçu de l'aide de l'extérieur. Hélas, après le XXème convoi, les Allemands étaient mieux préparés. Pas moyen de bouger, ils étaient partout.

Apres un long voyage dans les wagons à bestiaux, nous sommes arrivés enfin au «paradis» d'Auschwitz. Il est inutile de rappeler les conditions du camp. Par hasard, Giza a reconnu sa cousine Mala Zimetbaum, grâce à qui nous sommes encore en vie. Il est difficile de décrire les sacrifices de Giza dans une situation pareille. Elle ne pensait pas à elle-même, mais d'abord à nous toutes.

Petit à petit, après un certain temps, nous étions un peu mieux habillées et cela comptait beaucoup au camp. Par la suite, Mala nous a toutes placées dans un commando à l'intérieur.

Plus tard, j'ai rencontré un ancien ami de France, Solomon, un électricien qui venait travailler au camp de Birkenau. Par lui, nous avons été mises en rapport avec les Françaises et d'autres. L'activité de la Résistance a commencé. Nous avons appris à «organiser» (voler) et partager tout avec le groupe. Nous avons aussi été aidées par les quatre courriers (traductrices) Mala, Sala, Lea et Herta que nous avons organisées. Ensuite, d'autres filles sont arrivées, Adèle, Ida, Guta, ... avec qui nous étions en contact malgré qu'elles étaient dans des camps fort éloignés du nôtre.

Quant aux filles qui travaillaient dans les usines à munitions, elles nous ont fourni des explosifs. Personnellement, j'avais la responsabilité de cacher une bouteille - elle était indispensable pour soutenir les préparatifs de révolte du Sonderkommando (1). Ce n'était pas facile de la cacher dans les conditions du camp. Voilà qu'en plus, les Allemands effectuaient une fouille systématique des "bloks» à l'occasion de la pendaison de quatre filles de l'Union (nom de la fabrique de munitions) qui avaient été dénoncées - toutes les prisonnières ont dû assister au spectacle.

Ne sachant quoi faire, j'ai jeté la bouteille dans l'égout. Mais après, comment la sortir? C'était fort risqué. La nuit, Sarah Goldberg étant de garde, nous avons réussi à la récupérer avec un grand seau, après quelques heures de travail.

A la fin de l'année 44 les Allemands ont évacué le camp de Birkenau à Auschwtz. Quelques-unes sont restées: moi avec deux autres filles. Cyporka (de Paris) et Olga (.une Russe). Nous étions désignées par la Résistance pour couper les fils de fer barbelés afin que les gens du Sonderkommando puissent s'évader. Malheureusement, nous n'avons pas eu la moindre occasion d'intervenir car la révolte a échoué.

Comme l'Armée Rouge progressait, en janvier, nous avons été évacuées d'Auschwitz. Nous avons marché presque une semaine sans manger ni dormir, dans le froid. Enfin, nous sommes arrivées à Ravensbrück. Pendant tout ce temps, nous nous serrions toujours les coudes. Au bout de quelques semaines, ils nous ont encore mises dans un train et envoyées a Malchow; nous avons été séparées, seulement la moitié du groupe est parvenue a cette destination, nous étions sans nouvelles des autres. La guerre se terminant, les Allemands ne savaient pas quoi faire avec les prisonniers; ils nous ont une fois de plus mises en route, pour Leipzig. Nous avons encore marché pendant quinze jours. Les Allemands étaient encerclés de tous les côtés.

Epuisée, manquant de nourriture, j'ai pris le risque de m'évader. Je suis restée quelques jours dans les bois, affamée, dans le froid: j'ai alors rencontré des prisonniers de guerre français. Ils m'ont emmenée dans une ferme allemande ou ils travaillaient. Après deux ans de disette, j'ai mangé sans réfléchir et  il s'en est fallu de peu que je meure. Grâce aux prisonniers qui m'ont sauvé la vie, j ai pu revenir à Bruxelles le 15 mai 1945, parmi les premiers rescapés.
(1)

Noms mentionnés

  Goldberg Sarah 
  Gutfrajnd Jacob
  Milnowiccky Abel
  Rabinowicz Dora
  Rabinowitz Leibke
  Wajnberg Henri
  Waksman Léon
  Wulfowicz Max
  Zimetbaum Mala

Camps

  Mechelen
  Auschwitz
  Birkenau
  Ravensbrück
  Malchow
   

  ....

Giza Weissblum  

GvdB 1503  Noms mentionnés  Camps  Print

Je suis arrivée en Belgique avec mon mari en 1937 et nous nous sommes installés à Anvers. En mai 40, lors de l'invasion allemande, nous avons suivi la vague des réfugiés vers le sud de la France jusqu'à une petite ville où nous étions en tout et pour tout trois ramilles juives parmi de nombreux Belges. Puis, des lettres rassurantes de Belgique nous sont parvenues. On nous écrivait que les Allemands ne créaient aucun ennui aux Juifs, que ceux qui étaient revenus s'en trouvaient bien. Cependant, déjà à ce moment, il y avait des rumeurs concernant des camps pour réfugiés juifs. Mais quand nous avons enfin décide de rentrer, les frontières étaient déjà fermées et nous avons dû les franchir illégalement.

Notre appartement avait été vidé. Le propriétaire belge avait tout donné à «Winter Helf» (Secours d'Hiver), estimant que notre compte chez lui était à découvert. Nous avons dû nous réinstaller dans un autre appartement. A la demande du groupe d'aide philanthropique «Ezra» où étaient représentées toutes les tendances politiques, je suis devenue volontaire dans un refuge pour les démunis, qui s'était ouvert à Anvers.

Bientôt, des mesures furent prises contre les Juifs. Lorsque nous avons dû mettre l'étoile jaune, nous l'avons portée avec fierté et beaucoup de Belges, en nous croisant, ôtaient leur chapeau pour nous saluer. Souvent, en raison du couvre-feu, nous restions loger chez des amis pour étudier les événements du jour et la situation dans le monde. Et quand des amis nous ont proposé de les aider à publier des feuillets clandestins, nous avons immédiatement accepte, nous étions heureux d'avoir enfin l'occasion de participer à la lutte contre les nazis.

Les journaux étaient cachés dans la voilure de mon bébé, en dessous de lui. Je retirais mon étoile jaune et me rendais aux différentes adresses. Les gens, des Belges pour la plupart, me recevaient avec le sourire, m'offraient une tasse de café, jouaient avec mon fils et prenaient leurs journaux.

David, mon mari, et Max Katzenelenbogen, notre ami, sont partis à Charleroi pour travailler à la compagnie des chemins de fer. En effet, la rumeur courait que ceux qui avaient un travail utile dans l'administration ne seraient pas déportés. Là, ils ont rencontré un autre ami, Jos Isten, qui était en rapport avec la Résistance belge et ils sont devenus imprimeurs de la presse clandestine de la région carolorégienne. Une fois par semaine, ils nous retrouvaient à Anvers.

Après quelque temps, j'ai confié mon fils à une famille belge, près d'Anvers, j'avais vraiment attendu le dernier moment: bientôt après, les Allemands ont encerclé les quartiers juifs, fouillé maison par maison pour arrêter non seulement les jeunes gens mais des familles entières avec les enfants. Comme Berthe, l'épouse de Max Katzenelenbogen, avait beaucoup d'amis belges, nous logions chaque nuit à une autre adresse.

J'ai rejoint la Résistance belge officiellement. Ma première tâche fut d'aider à préparer des fleurs en papier aux couleurs nationales belges; elles devaient être distribuées aux passants le jour de la commémoration de la victoire de la Première Guerre mondiale. Les gens du Front de l'Indépendance se sont conduits à mon égard avec cordialité et respect. L'organisation m'a fourni un logement stable chez un de ses membres et une fausse carte d'identité. Je suis devenue Hélène Janssens et j'ai reçu une nouvelle fonction: courrière d'un des dirigeants du Front, dont le nom d'emprunt était Piet.

La chasse aux Juifs était à son comble mais je ne pouvais m'empecher de rendre visite à mes amis dans leurs caches. Ils me demandaient toutes sortes de petits services. La nuit, j'allais voir mon bébé qui entre-temps avait été placé dans le village de Oelegem. Une famille de chrétiens belges qui gérait une agence de la poste m'a donné une chambre où je pouvais loger avec mon fils. Cette famille avait une fille et trois fils, l'aîné étudiait dans un collège d'Anvers. Ils m'apprirent que des explosifs abandonnes par les Anglais au cours de la retraite étaient cachés dans leur cave. Ils acceptèrent de me livrer les explosifs à condition que je ne révèle pas l'endroit où je les avais obtenus. A chaque voyage, j'en incitais dans mon sac à main que je glissais sous la banquette de l'autobus. On recherchait souvent des œufs et du beurre, et dans ma naïveté, je croyais qu'il suffirait de nier que ce sac m'appartenait au cas où je serais prise. Puis Louis, l'aîné, m'a priée de le mettre en contact avec la Résistance (il fut arrêté en 1944 et exécuté).

Piet, mon responsable, m'a annoncé un jour qu'il stoppait mon activité car il estimait inutile de mettre en danger ma personne et l'organisation: les Allemands recherchaient activement les Juifs et une partie de la population belge les y aidait. Cependant, je ne pouvais rester inactive et j'ai décidé d'aller à Charleroi avec mon fils retrouver David. Celui-ci continuait à imprimer des journaux clandestins et moi, j'ai rejoint les Partisans Armés, avec l'appui de l'organisation anversoise. A nouveau, je suis devenue la courrière d'un dirigeant; il se présentait sous le nom de «Robert» et m'appelait «Yvette»

En juillet 43, j'avais rendez-vous avec lui pour lui remettre des documents. «Raymond», son remplaçant, l'accompagnait. Il refusa de recevoir les documents, prétendant qu'il voulait d'abord connaître les autres membres, les boîtes aux lettres de la Résistance dans tous les environs. Il m'ordonna de conserver les documents jusqu'à la semaine suivante, lorsqu'il aurait un appartement sûr.

La veille de la nouvelle rencontre, David apprit l'arrestation de Robert et de sa courrière, Nicole. Ma première réaction fut de ne pas aller au rendez-vous avec Raymond; David trouvait que je devais y aller, pour le prévenir du danger, mais sans emporter les documents. J'étais bien embarrassée; David proposa de contacter Hamek W., P.A. juif, connu pour son courage. Hamek m'ecouta avec attention et m'interdit de rallier le lieu de rendez-vous, où se trouvait précisément la réserve principale des P.A. Mais je tenais absolument à prévenir mon nouveau dirigeant, si bien que nous avons convenu de nous retrouver, Hamek et moi, à l'arrêt du tram. J'ai raté le tram et j'ai décide de m'y rendre à pied.

En cours de route, une voiture s'arrête a ma hauteur; «Viens, Yvette», me crie-t-on et déjà des mains m'attrapent. La voiture file. Deux hommes armés en civil, assis à côté de moi, prennent mon sac à main et le remettent à l'homme assis près du chauffeur. Il le fouille. Heureusement, je n'ai pas les documents. Je suis fichue. Tout est fini. Il ne me reste qu'à me taire, me taire, me taire.

La voiture s'arrête face au bâtiment de la Gestapo. On m'introduit dans un bureau, mon sac à main est vidé sur la table, on le déchire, on l'examine minutieusement. On fouille mes poches et je subis une visite corporelle. Je me dis qu'ils seront heureux d'avoir pris une Juive et qu'ils m'enverront à Malines si je reconnais être juive. Mais je reçois une gifle: «Ne mens pas». Après quelques questions, le chef allume une cigarette et dit avec calme: «On peut commencer». Deux hommes me giflent en répétant sans cesse: «Où sont les documents?». Je me demande en moi-même d'où ils savent l'histoire des documents: impossible que ce soit par Robert ; c'est peut-être par Nicole.

L'interrogatoire continue: «Où habites-tu?». Je réponds que je n'ai pas d'appartement, que je traîne dans les rues. Je me lais ensuite mais je claque des dénis. J'ai froid par tout le corps. Je ne sais que dire pour qu'ils cessent de me frapper et de m'interroger. Puis le chef fait un signe, et les deux hommes me descendent à la cave, dans l'obscurité. Mon visage est gonfle. Ils me frappent a nouveau: «Maintenant, tu parleras, chienne», disent-ils. Une petite fenêtre donne sur la rue. On voit les jambes des passants; au-dessus dans le couloir, des gens sont assis. Je sais que personne ne viendra à mon aide mais je voudrais qu'ils sachent ce qui se passe ici : je crie aussi fort que je peux.

Ensuite, les hommes me traînent àl'étage dans une chambre, Raymond s'y trouve, installé dans un fauteuil. Je crois rêver mais c'est bien lui. «Tu le connais?» Je veux prouver à Raymond qu'on peut avoir confiance en moi, et je dis que non. Ils rient et s'adressent à Raymond: «Tu sais qui elle est?», «C'est Yvette, la courrière», répond-il. Tout mon corps me fait mal. Il me semble que je tombe dans un précipice. Mon responsable explique que je devais lui apporter des documents et que l'argent et les bons de ravitaillement étaient pour moi. Je reçois un coup sur la tête. Raymond me dit: «Ils savent tout, Yvette, tu peux parler». Je le regarde et j'essaie de comprendre: il a l'air en forme, pas de traces de coups, ses habits sont en ordre. Il tâche de m'influencer: «C'est inutile de te faire rosser». Je commence à comprendre...

«Où sont les documents?» demande calmement le chef de la Gestapo. Je lui dis que je traînais dans les rues et que Raymond m'est tombé dessus; il a promis de s'occuper de moi et de me donner de l'argent si je lui obéissais. Je devais faire différentes courses pour lui et aujourd'hui justement, il devait m'apporter quelque chose. Tous regardent Raymond qui paraît effrayé. «C'est faux, elle ment», dit-il. On me frappe avec la règle. «Suffit pour aujourd'hui», dit le chef en consultant sa montre. Tout le monde sort. Un garde reste avec moi. Un deuxième revient avec mon sac à main, en sort un foulard et me le met de façon à dissimuler mon visage tuméfié aux personnes qui attendent dans le corridor de la Gestapo. On me tire dehors dans une voilure. Raymond est à côté du chauffeur; un des deux gardes près de moi sort un sandwich de sa poche et le donne à Raymond qui remercie et se met à manger. On laisse Raymond près des casernes, hors de la ville. On arrive à Bruxelles. La voiture s'arrête avenue Louise, en face du bâtiment de la Gestapo

On m'emmène au sous-sol, où se trouve un corridor avec des cellules sur toute la longueur. On me fait entrer dans l'une d'elles. Avant que la porte ne se referme sur moi, les deux gardes menacent de me pendre par les cheveux si je continue à nier. Heureusement, on m'a laissé mon sac à main; j'y trouve avec soulagement mes petits ciseaux. J'ai les doigts tellement gonflés à cause des coups que je peux à peine tenir les ciseaux ; cependant, je passe toute la nuit à couper mes cheveux. Alors, pour la première fois depuis mon arrestation, je pleure. Je ne pleure pas pour mes cheveux, ni pour la douleur dans toutes les parties de mon corps, mais je pleure de solitude, pour mon petit garçon, pour David qui croyait au «devoir sacré» d'avertir le responsable. Comment vais-je prévenir les autres de la trahison?

Ma cellule est absolument vide.

Le matin, le gardien m'ouvre la porte; c'est un jeune de dix-sept ans vêtu de l' uniforme rexiste, il est chargé de me conduire aux toilettes. Il a des manières craintives car sur la porte de ma cellule, il est écrit à la craie blanche: "Gfahrliche Teroristen» — dangereuse terroriste.

Mes ravisseurs reviennent bientôt et fixent avec étonnement mes cheveux courts. J'explique que je les ai coupés par peur des poux. «De toute façon tu en attraperas», me promet-on. Durant la journée, je reste au sous-sol où arrivent sans cesse de nouveaux prisonniers: des hommes, des femmes et des enfants. Ce sont des Juifs qui ont été pris dans la rue et qui attendent d'être envoyés au camp de concentration de Malines. Tous sont enfermés, ensemble, dans une cellule voisine de la mienne et je les envie. Dans ma solitude, je chante des chants révolutionnaires pour m'encourager et c'est ainsi que mes voisins s'aperçoivent de ma présence. L'un découvre dans le mur une fente qui nous permet de converser. Je lui raconte mon histoire et la trahison de mon responsable et je lui demande de transmettre la nouvelle aux plus de gens possible. Il me jette un crayon et j'écris sur le mur: «Raymond traître».

Je décide de tenter d'arriver à Malines afin d'être avec les gens de mon peuple. Chaque fois que j'entends que l'on sort quelqu'un d'une cellule, je frappe à la porte et crie: «Ici aussi, il y a une Juive!» Je crains un second interrogatoire. Apres dix jours d'isolement, mon souhait est exaucé. La porte s'ouvre  et avec d'autres Juifs, je suis introduite dans une camionnette gardée par des Allemands armés qui nous mènent à Malines.

A Malines, a lieu pour chacun de nous un enregistrement sévère et une fouille minutieuse afin de déceler les objets de valeur que nous aurions pu cacher sur nous. Les coups reçus à la Gestapo de Charleroi ont marqué tout mon corps et du pus s'est accumulé sous les ongles. Les nazis se moquent de moi: «Tu as la syphilis». «Non», dis-je, «c'est mon fiancé belge qui m'a battue».

Au début, les prisonniers me tiennent à l'écart parce qu'ils me soupçonnent d'être infiltrée par les Allemands. C'est alors que je trouve une femme courageuse, Sara Gutfrajnd, qui ose s'adresser à moi. Elle écoute mon histoire et elle me présente au groupe de résistants juifs. Eux aussi, après leur arrestation, ont déclaré être juifs et ont dès lors été envoyés à Malines. Sara s'occupe de moi comme d'un enfant car je ne peux ni me laver ni manger par mes propres moyens.

Jour après jour, je suis interrogée par le chef du groupe car mon histoire semble peu claire. Moi aussi, je pense encore que 1'«erreur» peut être découverte et que mes ravisseurs me soumettront encore à des interrogatoires. Entretemps, le camp s'est tellement rempli qu'il n'y a plus de place et la date d'expédition à l'Est se rapproche. On nous permet d'écrire et de demander des colis. Nous recevons des listes d'objets dont nous aurons besoin en déportation. J'écris à mon oncle par l'intermédiaire du Judenrat et je demande, comme tout le monde, des vêtements chauds, des chaussures solides et des conserves. Je fais également allusion à la trahison de Raymond et je m'informe de ma famille. Quand le colis me parvient, j'y trouve un chausson de mon fils et des effets personnels que m'envoient mes amis, signe qu'ils n'ont pas été pris.

Aux alentours du jour de départ vers l'Est, je perçois quelque chose de bizarre au sein de notre groupe de Résistance. Une évasion se prépare et on me propose d'y participer. Les outils nécessaires sont déjà en notre possession, ils étaient cachés dans les paquets que nos amis nous ont envoyés. La liste des partants est préparée par les prisonniers qui travaillent dans les bureaux. Avec leur aide, la liste est composée de telle manière que notre groupe au complet peut monter dans un même wagon. Les trains sortent la nuit afin de cacher à la population locale les milliers de déportés dans les camps. Mais vu le succès des évasions précédentes organisées par la Résistance, le programme est change et cette fois, le train stationne toute la nuit dans la gare et démarre seulement au matin. Malgré cela, nous décidons de nous évader.

Les gens de notre groupe prennent place près des parois qui séparent les wagons. Mais les nazis choisissent dans chaque wagon un prisonnier tenu de signaler toute tentative d'évasion au moyen d'un drapeau rouge. Quand nous commençons à scier les parois, l'homme se met à crier et d'autres personnes l'imitent, principalement des femmes et des enfants qui craignent pour leur vie au cas où notre évasion est découverte.

Je ne sais pas comment on fait taire le responsable ni comment il se décide finalement à se joindre à nous. Soudain, le train s'immobilise. Sans doute, les nazis savent que de semblables tentatives sont en train de se produire dans les autres wagons. Nous nous dépêchons de replacer les panneaux et les nazis ne remarquent pas le subterfuge; pour la suite du voyage, une sentinelle est placée sur le toit de chaque wagon. C'est ainsi que notre plan de fuite échoue.

Pour faire face à la situation qui nous attend à l'Est, nous répartissons les victuailles entre nous et nous nous organisons en groupes de deux ou trois qui essayeront de rester ensemble dans quelque camp qu'ils soient. Je parle à tous de la carte postale que Mala Zimetbaum, la belle-fille de mon oncle, a envoyée du camp où elle est emprisonnée depuis un an déjà. Le contenu de toutes les cartes postales qui arrivaient en Belgique était identique: «Je suis bien, je travaille». Mais Mala avait ajouté la phrase suivante: «Tous les autres se trouvent avec Esther»; or, en fait, Esther était morte bien avant la guerre. Malgré tout, nous ne nous désespérons pas; nous pensons que seuls les malades et les vieillards ne pourront pas tenir le coup mais nous, nous sommes jeunes et en bonne santé et de plus, la fin de la guerre approche. Nous décidons que si on nous sépare, chacun se débrouillera pour trouver Mala et qu'elle sera notre point de ralliement à tous.

Nous voyageons trois jours, enfermés dans un fourgon à bestiaux, dans des conditions horribles et nous arrivons à Auschwitz. Brutalement, les wagons plombés sont ouverts. Les SS, avec des cris sauvages, nous ordonnent d'abandonner tous nos bagages et de nous mettre en rang.

Après que les femmes et les hommes ont été séparés, les vieillards, les infirmes et les femmes avec des enfants doivent monter dans des camions qui partent avant nous. En rang par cinq, nous sommes conduits au camp. A perte de vue des fils barbelés et des poteaux électriques à haute tension entourent des baraquements. Au loin, on aperçoit une grande cheminée industrielle et nous pensons qu'il s'agit d'une fabrique quelconque.

Pour entrer, nous franchissons une enceinte de murs, de grilles et de fils de fer; nous nous arrêtons devant les bureaux de réception où s'opère le classement par matricule. Tout nous a été pris: bijoux, argent et nourriture. On nous tatoue un numéro d'ordre sur le bras gauche. Ensuite, dans le bloc voisin, on nous ordonne de nous déshabiller. On nous coupe les cheveux et nous passons sous une douche glacée.

Pendant que nous attendons pour recevoir des vêtements, nous demandons où se trouvent nos familles parties en camion. On nous explique sans ménagement que les cheminées au loin sont des crématoires et qu'on y brûle déjà les cadavres de notre transport. Le choc est terrible, tellement inconcevable, tellement inhumain que nous refusons de le croire. Alors, je comprends la phrase de Mala: «Tous les autres sont avec Esther (morte avant la guerre)».

Déprimées, désespérées, nous suivons comme des automates une fille qui nous guide vers les lieux où s'effectue la quarantaine. On nous installe dans une baraque conçue pour cinq cents personnes et où nous sommes entassées à mille dans des conditions indescriptibles, sans eau ni cabinet. Après l'appel du matin, on nous conduit sur une grande place derrière les dernières rangées de blocs. Là, se trouvent des éviers et des latrines qui sont pour la plupart fermées pour rester propres en cas de contrôle. Presque toutes les femmes souffrent de diarrhée et font leurs besoins n'importe où. A cause de cela, nous sommes punies et devons rester à genoux durant des heures avec une brique dans nos mains levées.

Pour que le camp garde une apparence de propreté, il existe un commando de nettoyage. Chaque jour, arrive une Kapo qui choisit une dizaine de femmes pour leur faire ramasser à mains nues tous les excréments et autres saletés. Un jour où j'ai été réquisitionnée pour ce travail, je suis attachée à une charrette, complètement désemparée; je pleure: après deux semaines de camp, je n'ai pas encore retrouvé Mala. Tirant toujours la charrette, je vois sortir de l'infirmerie des femmes convalescentes accompagnées d'une courrière. Celle-ci est bien vêtue; comme les prisonniers fonctionnaires, elle a tous ses cheveux et pas de foulard. Quand elle passe près de moi, je n'en crois pas mes yeux. Je m arrête et je crie: «Mala La Kapo me frappe dans le dos et m'insulte. Mala s'approche et lui demande: «Pourquoi es-tu si agitée, qu'a-t-elle fait?». Et s'adressant a moi: «Que veux-tu? Qui es-tu?» Je m'étonne qu'elle ne me reconnaisse pas.

J'oublie que je suis rasée et mal vêtue. «Je suis Giza». dis-je. Mala reste figée un instant ci nous tombons dans les bras l'une de l'aune. Elle me demande si les autres membres de la famille sont là. «Non, ils ne sont pas avec moi». Mala me promet qu'on ne se séparera plus désormais. Grâce à elle, le départment des vêtements me procure une robe qui me va, des chaussures ci même un tablier.

Mala avait été choisie par les SS pour être «Lauferin», car elle parlait plusieurs langues. Ainsi elle pouvait circuler librement dans toute le camp. Elle utilisait ce privilège pour établir des contacts entre les membres d'une même famille séparés à l'entrée du camp. Elle risquait fréquemment sa vie en transportant des messages et des médicaments, encourageait et aidait le mouvement de Résistance qui commençait à prendre forme. Elle s'attacha spécialement aux malheureux qui venaient de Belgique. Mala essayait toujours d'obtenir les travaux les plus légers pour les femmes affaiblies ou très jeunes afin qu'elles aient une petite chance de survie.

Je raconte à Mala que je suis avec des femmes appartenant à un groupe clandestin et que je ne veux pas me séparer d'elles. Je demande si elle peut les aider, elles aussi. Elle me dit que dans le camp de travail existe un groupe de Françaises très solidaires (groupe avec lequel elle nous mettra plus tard en contact). Par son intermédiaire, nous établissons le contact avec des hommes qui passent chaque matin devant le portail où elle se trouve avec d'autres courrières.

Après six semaines de quarantaine, beaucoup de nouvelles étaient mortes du typhus et de la dysenterie. On nous déménage alors dans la section B du camp de travail. On nous distribue différents travaux, la plupart à l'extérieur du camp. Je ne voulais pas être la seule du groupe à recevoir un travail facile. Mala réussit après plusieurs interventions à nous attribuer le commando des chaussures, dans une baraque protégée des mauvaises conditions de l'automne et de l'hiver.

Mala insiste pour que je me rends dans son bloc chaque soir après l'appel. Là, je fais la connaissance de ses amies courrières et également traductrices, Lea, Herta et Sala.

Quand Mala me confie son projet d'évasion avec Edek Galinski, je ne suis pas très enthousiaste car le rôle de Mala dans le camp est d'une grande importance pour la Résistance. On savait alors que le front se rapprochait, nous amassions du matériel inflammable, et enterrions des bouteilles pleines d'essence pour résister en cas de tentative d'anéantissement.

Edek avait raconté à Mala qu'un groupe de partisans opérait dans les environs d'Auschwitz; lui-même était en contact avec un ouvrier et en outre la sœur de son ami Kieler (elle habitait Zakopane) avait promis son aide. Mala croyait, pour sa part, qu'il était possible de rejoindre clandestinement la Suisse à partir de Zakopane et d'alerter le monde.

Le plan d'Edek est le suivant: il se procurera un uniforme d'officier SS et ainsi déguisé, il conduira son ami prisonnier hors du camp, soi-disant pour un travail extérieur. Il lui faudra pour cela un «passierschein» (un permis spécial). Par son travail, Mala a accès au corps de garde et peut voler un permis. Elle accepte et propose à Edek de s'évader avec lui. L'ami d'Edek n'approuve pas ce plan, il refuse de s'évader avec une femme qui de plus est juive.

Mais Edek se rallie au projet de Mala d'alerter le monde, et il décide d'organiser l'évasion plutôt avec elle. Ils se préparent à partir un samedi, jour où la surveillance est moins implacable car certains S.S. quittent le corps de garde.

Mala portera un uniforme masculin. En tant que prisonnière fonctionnaire, elle a l'autorisation de laisser pousser ses cheveux, alors que les autres femmes du camp étaient toutes rasées. Cela sera un atout important hors du camp. Mais déguisée en homme, Mala devra cacher ses cheveux dans une casquette et porter une bassine pour dissimuler sa figure. Mala confie son plan à ses amies les plus proches, les trois «lauferin» qui travaillent avec elle. Celles-ci l'assurent de leur aide.

Tout est prêt pour le grand jour: le 24 juin 1944. Mala est calme, elle s'attache une ceinture abdominale dans laquelle elle a caché une robe non marquée (sur le dos de tous les vêtements portés par les prisonniers était peinte une épaisse croix rouge qui pouvait se voir de loin et rendait ainsi toute évasion difficile). Je me dirige vers un bloc situé à proximité de celui d'où Mala doit sortir et je guette son départ par une petite fenêtre.

Il est midi. Le S.S. de garde s'éloigne du camp en moto et Mala et une autre «lauferin» entrent au corps de garde. A l'intérieur, se trouve une femme S.S. Elles la connaissent bien. La «lauferin» engage la conversation avec la S.S. tandis que Mala se rend à la salle de douche où Edek a caché l'uniforme et la bassine.

Mala quitte le corps de garde, courbée sous le poids de la bassine posée sur sa tête, la figure presqu'entièrement cachée. Edek s'est changé dans une réserve à pommes de terre non loin du corps de garde. Il est bien au courant de la procédure pour l'avoir maintes fois vérifiée lorsqu'il travaillait hors du camp: le prisonnier marche devant, suivi à quelques pas par le S.S. Aussi Edek laisse-t-il Mala le précéder tandis que tous deux marchent vers la sortie du camp. Le plan se déroule comme prévu. C'est un événement exceptionnel que de réussir à s'enfuir d'Auschwitz.

La fuite de Mala est découverte lors de l'appel du soir. Toute la région est mise en état d'alerte. Chaque jour, la peur nous tenaille mais au bout d'une ou deux semaines, nous sommes persuadées que l'évasion à réussi.

Soudain, comme un coup de tonnerre, la nouvelle tombe que Mala et Edek ont été rattrapés et sont de retour au camp.

Le 22 août 1944, au soir, le camp des femmes au complet se retrouve à l'appel pour assister à l'exécution de Mala. La commandante du camp, Frau Mendel, apparaît. Elle lit quelques mots qu'elle a préparés sur une feuille, mais personne ne l'écoute, tout le monde regarde Mala. Mala met la main dans ses cheveux. Tout à coup, elle se tranche le poignet avec une lame de rasoir. Un offi-cicr S.S. remarque qu'il se passe quelque-chose. Il se précipite sur Mala et lui tord le bras. Mala le gifle de toutes ses forces avec son bras ensanglanté. L'officier continue à lui tordre le bras en criant: «Tu veux être une héroïne ! Tu veux le tuer! C'est pour cela que nous sommes là! C'est noire travail». «Assassins» crie Mala. «Bientôt, vous allez payer pour nos souffrances! N'ayez pas peur, mes sœurs! Leur fin est proche. J'en suis sûre. Je le sais, j'ai été en liberté!».

L'officier S.S. assène un coup de crosse sur la tête de Mala et la pousse vers l'infirmerie. Deux infirmières arrivent en courant avec un brancard mais la commandante du camp hurle: «Celle-là est pour le crématoire! Elle doit être brûlée vive!» Deux prisonnières apportent une brouette dans laquelle Mala est jetée. Elle voit les larmes qui coulent de leurs yeux. «Ne pleurez pas», leur dit-elle, d'une voix faible, le jour de la délivrance est proche. M'entendez-vous? Souvenez-vous de tout ce qu'ils nous ont fait!». «Ferme la gueule, truie» crie un S.S. «Pendant deux ans, j'ai garde le silence. Maintenant je peux dire ce que je veux», réplique Mala avec ses dernières forces. Un S.S. s'approche d'elle et lui colle un ruban adhésif sur la bouche. «Maintenant elle va se taire», dit-il à Frau Mendel. Et il suit la brouette jusqu'aux crématoires.

Longtemps, le camp vécut sous le choc de la mort de Mala. Vers la fin de l'année 1944, les transports de Juifs diminuèrent. Les Allemands commencèrent l'évacuation de Birkenau en expédiant des milliers d'internés à l'intérieur de l'Allemagne. Le bruit du débarquement des Alliés en Europe courait. De temps en temps, nous entendions le grondement des canons: l'Armée Rouge approchait des camps. L'espérance se mêlait à la peur que les S.S. ne liquident le camp à la dernière minute, pour ne pas laisser vivants les témoins de leurs crimes. On prépare une résistance pour empêcher cette éventualité.

Les «Sonderkommando» (1) se sachant directement menacés décident d'agir tout de suite.

Ils tentent une évasion en faisant d'abord sauter le crématoire. Malheureusement, le soulèvement échoue et les fugitifs sont attrapés et abattus. Quatre ouvrières de l'usine de munitions «Union» sont arrêtées et accusées d'avoir passé aux «Sonderkommando» de la poudre pour faire sauter le crématoire. Le 6 janvier 45, deux semaines avant l'évacuation, nous sommes obligées d'assister à la pendaison de nos quatre camarades: Alla Gartner, Regina Saphirstein, Esther Weissblum et Rosa Robota.

Les coups de canons se rapprochent et les S.S, se hâient de brûler les documents. Le 18 janvier, on nous annonce l'évacuation du camp. On nous range par cinq, on nous distribue du pain et nous parlons. Dans cet hiver atroce, nous commençons ce qui par la suite recevra le nom de «marche de la mort». Beaucoup de ceux qui ont survécu au camp ont trouvé la mort pendant cette marche, morts de froid, affamés ou abattus parce qu'ils ne pouvaient plus avancer.

Après deux jours à pied dans le neige, on nous fait monter, à Leslau, sur un train à wagons ouverts, qui sert à transporter le charbon. Le voyage dure à peu près six jours, avec des arrêts près de Grosrosen et d'autres camps où on refuse de nous recevoir. De temps en temps, on nous distribue du pain et nous suçons de la neige. Notre convoi est bombardé.

A la fin, on arrive à Ravensbrück près de Berlin. On nous loge dans une énorme tente et pour la première fois depuis le départ, nous recevons un peu de soupe tiède. Après une semaine, nous sommes transférées au camp de Malchow et de là, en avril, nous sommes transférées à Leipzig où je travaille dans une usine d'armement. Après un bombardement de l'usine et du camp, on se met de nouveau en route. On nous fait tourner en rond plusieurs jours dans les bois et les champs. Certaines camarades se sont échappées. D'autres ont les pieds en sang, il faut les aider à poursuivre la marche.

De loin en loin, on entend le grondement des canons, et des avions américains nous survolent. Les gardiens S.S. semblent désorientés.

Ils nous disent: «Vous serez bientôt libérées; le pont qui permet de passer de l'autre côté de la rivière, où se trouvent les Américains, est en réparation.» Nous sommes assises, épuisées, et nous écoutons la canonnade.

Au petit matlin éclate un vacarme et des cris. «Hourra! Hourra! Les Russes sont là! » II se produit alors une effusion de joie indescriptible. Les Russes nous jettent des pains entiers de leurs camions. Ils nous disent de retourner dans le village où nous sommes passées le jour précédent et c'est ce que nous faisons.

Nous y restons deux semaines avant d'être dirigées vers un centre de rapatriement. De là, on nous envoie dans la zone américaine et enfin en Belgique, à Verviers. Nous sommes aux alentours du 3 juin 1945.

Arrivée en Belgique, je vais immédiatement à Charleroi où je retrouve mon mari David avec ses compagnons Max Katzenelenbogen et Jos Isten à l'adresse où je les avais laissés avant mon arrestation, chez Julia Baudelet, chaussée de Bruxelles, 120. Là, ils ont imprimé la presse clandestine jusqu'à la Liberation.

Notre enfant Simon avait été gardé pendant tout ce temps par une famille belge, les Gonsette, Emilie et Alphonse Gonsette avaient accepté de garder un enfant juif pour se venger des Allemands qui avaient déporté leur fils unique Emile. Celui-ci était étudiant à l'Université du Travail et il était membre d'une organisation résistante.

Juillet 1990.

(1) Groupe travaillant aux fours crématoires (NDRL)

   

Noms mentionnéz

  Baudelet Julia
  Galinski Edek

  Gartner Alla
  Gonsette Emile
  Gonsette Emilie
  Gonsette Alphonse

  Gutfrajnd Sara
  Isten Jos 1, 2
  Katzenelenbogen Max 1, 2
 
Robota Rosa
 
Saphirstein Regina
  Weissblum David 1, 2
  Weissblum Esther

  Zimetbaum Mala 1, 2, 3

Camps

  Charleroi
  Bruxelles (A. Louize)
  Malines
  Auschwitz
  Ravensbrück
  Malchow
  Leipzig

   

Liste des P.A. juifs cités 
et de leurs compagnons proches P.A. (pseudonymes, surnoms)

ABEL, Chaïm
ADAM, René (Valentin, Serge) 
ALTER, Naftali (Bob) 
ANGHELOFF, Théodore (Simon)
BAILLY, Albert (Henri, "le Gorille") 
BALIGAND, Raoul (Maurice) BASCH, Jovan (Jupp )
BIELEN, Mathieu (Jacques, Roger, Jules) 
BORN, Albert (Hector) 
BRESLER, Mordko (Maurice) 
BRYFTIGER-RABIN0W1CZ, Lola
CATZAF, Mates (Gorki) 
CLUDTS, Guillaume (Sus) 
COPERBAC, Rachcl 
COPERBACH, Emma 
CYMBERKNOPF, Abraham 
CYMBERKNOPF, Tobiasz (Toby) 
CYNGISER, Jacques ("Yankel Schiesler")
DE BACKER, Christian (Pierrot)
DE JONGHE-S1LBERSZTEJN, Bertha (Jeanne)
DEUTSCHER, Samson (Prosper)
DE VLEESHOUWER, Henri (Bracke)
DHYNES, Léon
DOBRZYNSKI, Henri (Louis)
DRESSELAER, Félix (Fred)
EDELSZTEIN, Maurice (Robert, "le gros Moshe") 
ENGELS, Paul (Armand) 
ENGIELSZER, Simon 
ERMEL, Andrée
FELZENSTEIN-GUTFRAJND, Sara
FENERBERG, Bernard
FINKELSTEIN, Augusla (Gusta)
FINKELSTEIN, Lajser (Leon, Sim FINKIELSZTEJN)
FINKELSTEIN, Lejbus (Léon)
FINKELSTEIN, Mayer (Max, Tom)
FISCHEL, Abraham (Pierre)
FRENKEL
FRIDMAN, Chlioma (Mikado)
GLAZ, Isaak (Isy, Emile)
GLAZ, Jacob (Alex)
GLIKSMAN-NEJSZATEN, Szajndla (Hélène)
GOLDBERG, Sarah (Denise)
GOLDENBERG, Joseph
GOLDGEWICHT, Abraham
GOLDMAN, Michel
GOORIS.Josse
GRAMATYKA, Wojchck (Rodolphe)
GRUMAN, Nuhim
GUTFRAJND, Jacob (Albin, Simon)
GUTMAN, Szama
HALTER, Paul (Stéphane) 
HARF-ROZENCWAJG, Fryrnet (Fanny, Adeline) 
HELFGOTT, Sirnon (Rikse) 
HERBIGNEAUX, Octave 
HERNALSTEEN. Guillaume (Mapp) 
HERSZAFT, David 
HEYLEMANS, Guslaaf (Jules) 
HEYMANS.Gustaaf
IARDNOSKAIA. Lydia 
INGBER, Uszer (Guy)
JURYSTA, AdoLF(Dolf)
KLEIN, Georges (Mitsi) 
KORN-SZERMAN, Adèle (Christine) 
KORN, Anna (Mathilde) 
KUTNOWSKI, Léon (Carreau)
LACHMAN, David ("Le Rouquin") 
LANDO, Mozes Hersz (Michel, Joss) 
LANGENSCHEID, Emile (Albert) 
LAPIOWER, Ignace (Grégoire, François) 
LIVSCHITZ, Choura (Alexandre, Alex, Jean) 
LIVSCHITZ, Georges (Youra) 
LIVSCHITZ, Sroel (Georges) 
LOVENVIRTH, Emile (Marcel) 
LOVENV1RTH. Nicolas, Michel 
LUFTIG, Rachel (Jacqueline) 
LUYTENHOVE, Emile (Luc, Millier)
MANDELBAUM, Mois 
MEERHOUT, Marcel (Roger) 
MORA, Hersz (Jacques) 
MORA, Lejbus (Léon, Pierre)
NEJSZATEN, Abraham (Naychi, Marcel, Arthur) 
NEJSZATEN, Szmul (Jules) 
NORMON, Miel
PARANCEWICZ, Jankiel 
PASTERNAK, Chiel (Charles) 
POTASZNIK, Szmul (Sam) 
POZNANTEK, Pierre 
PROMNICKA, Tola (Renée) 
PRYZANT, Louise (Claude) 
PRYZANT, Rosa
RABINOW1CZ, Leib (Leibke) 
RAEMAKERS, Robert (Roc) 
RAKOWER, Mosjek Aron (Wladek) 
ROCHMAN, Charles 
ROSENBERG, Adolf (Adi)
ROSNER, Aladar (Janosz) 
ROZENCWAJG. Abraham (Albert, André) 
ROZENCWAJG, Gula (Ginette, Gilberte) 
ROZENCWAJG, Maurice (Moselle, Moschke) 
RYDZINSKI, Mendel (Michel, Roni)
SAFAROVA, Rosa
SAFAROVA-NORMON, Franciska (Fanny)
SCHIVE, Isaias
SCHOTSMAN, André (Prosper, Robert)
SCHUMILIVER-VERMEULEN, Recbecca (Paula)
SILBERSZTEJN, Hersz (Zizi)
SIMON, Zoltan (Klein)
SOKOVIEFF, Kira (Monique)
STAUMONT, Théo (Hector)
STRAUSZ. Alexandre (Auguste)
SZRIFTGISER, Hirsch
SZULZINGER-GANZ, Ida (Alice)
TEFF, Chana (Odette, Lili)
TEFF, Tauba (Thérèse, Maddy, Poupelle)
TRENTELS, Henri (André)
VAN BRUSSEL, Louis 
VANDERHEYDEN, Gustaaf 
VERBIST, Charles 
VERMEULEN, Anloon (Toine) 
VINITCHI, Reizea (Flore) 
VOLKAERT, Fernande (Claude)
WAJNBERG, Henri
WAKSMAN, Hélène
WAKSMAN, Lajzor (Léon)
WEICHMANN, Wolf (Adolphe)
WELNGAST, Bruno
WEISS, Sandor
WEISSBLUM, Giza (Hélène, Yvette)
WOLFOVA-NEJSZATEN, Sura (Louise)
WYNEN, André (Ludovic)
YERNAUX. Gaston (Oscar)

Cet ouvrage est édité par «Les Enfants des Partisans juifs de Belgique»
avenue de Tercoigne, 35 1170 Bruxelles

Illustration en couverture de Maurice Pasternak

Vincent Dozo, micro-éditeur
Belgique - Bruxelles 1030 - mars 1991
Dépôt légal: D/1991/6017/1
ISBN : 2-9600000-0-5

Noms mentionnés

Martyres

Abel Chaim
Bresler Mordko
Cymberknopf Abraham
Deutscher Samson
Dobrzynski Henri
Engielszer Simon
Finkelstein Lejbus
Goldenberg Joseph
Goldgewicht Abraham
Gruman Nuhim
Gruman Suzama
Helfgott Simon
Herszaft David
Klein Georges
Kutnowski Léon
Lando Mozes
Livschitz Choura
Livschitz Georges
Livschitz Sroel
Lovenvirth Michel
Mandelbaum Moïs
Potasznik Szmul
Pryzant Rosa
Rabinowicz Leib
Rakower Mosjek
Rochman Charles
Rozencwajg Maurice
Schive Isaias
Simon Zoltan
Strausz Alexandre
Szriftgiser Hirsch
Waksman Lejzor
Weichman Wolf
Weingast Bruno
Weiss Sandor
  

Noms mentionés dans le témoignage de

Bryfreger-Radinowicz Lola
  Goldberg Sarah 
  Gutfrajnd Jacob
  Milnowiccky Abel
  Rabinowicz Dora
  Rabinowitz Leibke
  Wajnberg Henri
  Waksman Léon
  Wulfowicz Max
  Zimetbaum Mala
  

Camps dans le témoignage de
  

Bryfreger-Radinowicz Lola
  Mechelen
  Auschwitz
  Birkenau
  Ravenbrück
  Malchow