GvdB 302

 Claessens, Bob - Julien Lahaut. Une vie au service du peuple
Bruxelles, Société Populaire d'Edition, [1950], 48 p., 111. 
Op p. 30-31 getuigt de auteur over Lahaut in Neuengamme.

Aux mains de l'ennemi

Le 22 juin 1941 à 4 heures du matin, Hitler aidé de ses alliés finlandais, hongrois, roumains, bulgares et italiens se jeta par surprise sur l'Union Soviétique. Mal lui en prit.

N'ayant plus d'apparences à sauvegarder, la Gestapo décida de se débarrasser des communistes dont la résistance l'exaspérait.

Ce fut l'opération « Sonnewende », au cours de laquelle les agents de la Sûreté allemande et les Feldgendarmes appréhendèrent tous les communistes dont ils possédaient les noms et qu'ils purent découvrir. Ils les jetèrent dans les camps qu'ils avaient établis à, Breendonck et à Huy. Au cours de leur chasse à l'homme, les brutes de la « Sipo » trouvèrent Julien Lahaut chez lui,, l'arrêtèrent, le rouèrent de coups et l'enfermèrent à la citadelle de Huy.

Ici commence un calvaire de 48 mois qui n'allait prendre fin qu'à la libération de Mauthausen en avril 1945 et au cours duquel Lahaut donna toute la mesure de sa fermeté, de son courage et de sa bonté.

La citadelle de Huy

Dès le premier jour, il réconforta tous ses compagnons de captivité par son optimisme et sa bonne humeur contagieuse. Dans ses rapports avec le commandant du fort il affirme les droits imprescriptibles des détenus. Il se refuse à toute compromission et lui déclare au cours d'une réunion : « Votre métier est peut-être de nous garder, quant à nous, nous n'abandonnerons jamais l'espoir de recouvrer notre liberté et nous nous y employerons par tous les moyens ».

Deux idées hantent Lahaut.
La première : organiser les prisonniers et faire fonctionner le Parti à l'intérieur du fort.
Aidé par trois ou quatre camarades il s'attèle immédiatement à cette tâche. Des résultats sont rapidement obtenus et les communistes de la citadelle de Huy apparaissent aux yeux de leurs compagnons de captivité comme les plus fermes dans leur attitude et les plus attachés à créer cette solidarité agissante qui seule va permettre de tenir le coup contre les entreprises de démoralisation de l'ennemi.
La seconde : s'évader.
Julien Lahaut sait que de grandes luttes se préparent, que la guerre sera longue et que la Résistance qui s'organise de plus en plus a un besoin pressant de militants actifs et dévoués.

Sous sa conduite,  le groupe des principaux militants du Parti emprisonnes à Huy se réunit, dresse la liste de ceux qui doivent tout mettre en œuvre pour s'évader et charge quelques camarades de dresser des plans d'évasion.

Une première formule est retenue : s'emparer de la citadelle par la force. Examinée dans ses détails l'opération apparaît comme trop hasardeuse et susceptible de provoquer des massacres inutiles.

On retient alors l'idée d'une évasion à neuf. Parmi les neuf sont retenus : Lahaut, Fernand Jacquemotte, Mosbeux, Renotte, Jean Terfve et quelques autres. Le plan est minutieusement dressé et un soir vers 19 heures l'opération est entreprise. Mais la meurtrière choisie pour permettre la sortie s'avère, à l'expérience, trop étroite. Heureusement l'alerte n'a pas été donnée et le groupe parvient à se replier en bon ordre sans éveiller l'attention des Allemands. Cet échec ne décourage pas Lahaut et ses amis. Quelques jours plus tard il apparaît à l'examen qu'une sortie de nuit peut être tentée par l'imprimerie. Seuls deux camarades peuvent entreprendre l'expédition, ce sont Lahaut et Renotte car ils logent dans une chambre que l'on peut quitter la nuit sans trop de difficultés.

Par une nuit d'orage, ils tentent l'aventure. Les deux amis se rendent compte rapidement que seul Renotte pourra s'évader, car la carrure de Lahaut ne lui permet pas de se glisser dans l'étroit boyau qui conduit vers la liberté. Qu'à cela ne tienne, Lahaut aide Renotte de toute son énergie. Celui-ci parvient à se glisser hors de la citadelle et Lahaut, resté seul fait disparaître les traces de la fuite afin de dérouter les geôliers et regagne sa chambre avec au cœur la joie d'avoir rendu un camarade à la liberté et la volonté plus tendue que jamais de trouver lui aussi le chemin de l'évasion.

Huit jours plus tard, un nouveau plan était dressé. Il avait été élaboré par Lahaut et Jean Terfve. L'opération était hasardeuse parce qu'elle devait se réaliser en plein jour, c'est-à-dire avant l'appel de 20 heures. D'autre part, les Allemands alertés par la fuite de Renotte avaient renforcé la surveillance.

Le 25 août, à 6 heures et quart, Lahaut et Terfve risquent leur chance. Ils gagnent sans difficultés les sous-sols de la citadelle. Une seule meurtrière est encore accessible, celle par laquelle entrent dans le fort les fils de l'éclairage électrique. Elle s'ouvre à huit mètres du sol. Il importe de se laisser glisser le long du mur et de sauter dans le vide.

Terfve risque le premier l'expérience. Elle réussit pleinement. Lahaut le suit. Au moment où il franchit l'ouverture, il heurte les fils électriques, reçoit la décharge et est projeté dans le vide.

Il vient s'écraser huit mètres plus bas.

Le choc est amorti par les ronces qui croissent au pied du mur. Mais Lahaut est blessé à la tête. Pour trouver le chemin de la délivrance, il faut encore ramper pendant 30 mètres, traverser le chemin de ronde où se trouvent deux sentinelles, escalader une muraille de rocher et traverser une prairie. Terfve prend les devant , Lahaut le suit. Il reste 10 minutes avant l'appel du soir, où l'évasion sera connue de tout le fort.

Lahaut a trop présumé de ses forces. Il tente un dernier effort mais, frappé par un évanouissement, tombe dans une roncée inextri­able où une demi-heure plus tard, le découvriront les patrouilles allemandes lancées à la recherche des fugitifs.

Les brutes nazies s'acharnent sur lui, le rouent de coups et l'abandonnent à demi-mort au milieu de la place d'appel. Ils le jettent ensuite dans un cachot obscur où il passera plus de huit jours.

Ces traitements inhumains ne peuvent abattre son courage. Il reprend force et rejoindra quelques jours plus tard ses compagnons de captivité plus disposés que jamais a continuer la lutte.

Déporté à Neuengamme

Le 20 septembre 1941, les détenus de la citadelle de Huy sont rassemblés dans la cour. Une liste de matricules (le prisonnier n'avait plus de personnalité, plus de nom, il n'était plus qu'un numéro), fut lentement épelée. Deux cents hommes furent isolés, parqués dans une chambre séparée et, le lendemain, acheminés vers la gare où on les entassa dans des wagons à bestiaux, toutes issues cadenassées, les fenêtres clouées de planches, pour être déportés en Allemagne. Blessé, affaibli, Lahaut se trouvait parmi eux...

Le voyage dura trois jours. A Liège, le convoi fut accroché en queue d'un train qui amenait de Breendonck quelque cent cinquante juifs et communistes. Aucun des rares survivants n'oubliera jamais l'arrivée en gare de Neuengamme, les S.S. entourant le convoi mitraillettes braquées, les hurlements de grands chiens policiers, les commandements brefs, les vociférations des Blockführer, les coups de crosse, les coups de pied et la marche lamentable du troupeau ahuri, des kilomètres durant, jusqu'au camp entouré de sa clôture de fil de fer éleçtricité. Julien, qui marchait difficilement, fut trois fois jeté à terre à coups de crosse et relevé à coups de pied.

La lourde porte de la tour d'entrée se referma sur les prisonniers.

Lahaut montra immédiatement ce qu'il était. Il se tenait très droit, grand et calme, le front bandé, le visage éclairé d'un sourire. Puis, avisant les camarades de Breendonck, beaucoup plus mal en point que ceux qui arrivaient de Huy (Depuis trois mois on les affamait. Ils avaient voyagé sans eau, sans vivres. Borremans pesait 39 kg 500), il dit : « Bon dieu, quelles mines vous avez ! Allons camarades, on va leur donner nos vivres «. Et d'ouvrir sa valise et de distribuer ce qu'il avait sur lui. Son exemple fut suivi de tous. Ce fut la ruée que les S.S. dispersèrent à coups de nerfs de bœuf. Mais les détenus de Breendonck emportaient qui une tartine, qui un morceau de sucre,

Impossible de redire ici ce qu'était la vie dans les camps de la mort. Chacun sait aujourd'hui jusqu'où descendit la barbarie nazie et ce qu'endurèrent les patriotes tombés aux mains de l'ennemi. Quand, rasés de la tête aux pieds, badigeonnés de crésyl, revêtus de la défroque rayée du concentrationnaire, chaussés de pantines à semelle de bois, rompus de coups, abreuvés d'insultes, immatriculés, les prisonniers furent enfin rassemblés dans le bloc de quarantaine, les responsables du camp s'approchèrent et un détenu allemand fit un discours. Il expliqua longuement aux nouveaux arrivants ce qu'était la vie qui les attendait et ce qu'il fallait faire pour résister. « Serrez-vous les coudes », dit-il. « Si vous vous abandonnez, aucun de vous ne survivra. Si vous luttez, si vous êtes solidaires, si vous ne perdez pas courage, les plus forts et les meilleurs peuvent réchapper. Une dizaine d entre vous peut tenir jusqu'au bout. Tâchez d'être parmi ceux-là. » il exagérait : sur 346 Belges qui composaient le convoi, 17 revirent. Puis il annonça que les communistes allemands, par solidarité, s'etaient cotises et offraient deux tonneaux de betteraves rouges aux prisonniers politiques arrivés de Belgique.

Le travail du Parti

Les communistes belges, arrivés à Neuengamme, avaient immédiatement et très solidement réorganisé leur Parti, Julien Lahaut en prit la direction et, avec l'appui des communistes allemands qu'une longue expérience avait aguerris, organisa la solidarité entre détenus. Il veilla à ce que les rations fussent équitablement réparties, puis organisa dans chaque bloc un service de suralimentation des plus affaiblis. Chaque camarade remettait à son responsable un petit morceau de son pain. La ration supplémentaire ainsi obtenue était portée au détenu le plus mal en point afin de lui permettre de « tenir »   plus  longtemps.

Il s'agissait en outre de proportionner autant que possible le travail aux forces de chacun.

Il s'agissait enfin, de maintenir intacts, l'esprit de résistance, le sens politique et la morale. Un service du communiqué fut établi qui étudiait chaque jour les nouvelles fournies par la presse nazie et, par recoupements, tentait de dégager la vérité sous les nouvelles tendancieuses.

On se rendra compte de l'effroyable difficulté de ce triple travail quand on saura que chaque forme d'organisation était rigoureusement interdite et que ceux qui s'y livraient étaient, en cas de découverte, menacés de pendaison immédiate.

C'était un combat de chaque jour, de chaque instant qui exigeait une force de caractère, une lucidité et une vigilance exceptionnelles. Non seulement Lahaut prit la direction de ce travail mais encore il fut pour tous un modèle de dévouement, d'abnégation.

Un détenu français, Monsieur M. Martin, qui l'a vu au camp de Mauthausen effectuer le même travail, écrit de lui : « Lahaut, lui, a été vraiment à Mauthausen, le roi de la solidarité. Il ne gardait presque rien pour lui. Jamais il n'a mangé seul. Nous avons été jusqu'à dix à fumer sa cigarette ».

Un homme qui portait le soleil dans sa poche

Au milieu des privations les plus indescriptibles, tenaillé par la faim, battu, vilipendé, épuisé de travail, Julien gardait un optimisme de fer, une bonne humeur ahurissante qu'il communiquait à tous. Un codétenu, qui était loin de partager ses opinions politiques (il-avait titre de prince dans son pays), le lieutenant Czetwertynski, disait de lui : « C'est un homme qui portait le soleil dans sa poche et en donnait un morceau à chacun ». Il est impossible de faire de Lahaut un plus juste portrait.

Au début de 1942, Julien fut atteint de dysenterie. « Je m'en tirerai », disait-il.

On prit une résolution désespérée. Il cacha son mal. Aller au bloc des dysentériques, c'était la mort. Pendant trois jours il refusa toute nourriture. Puis, deux camarades allemands introduisirent en fraude (on n'a jamais su par quel héroïque moyen), un litre d'alcool que Lahaut vida. Tordu de crampes, livide, vacillant, la tête perdue, il continua de se présenter aux appels et s'en tira, effectivement.

En juin 1942, Berlin donna l'ordre d'employer les prisonniers dans les usines de guerre allemandes. Une nouvelle tâche s'imposa aux communistes : organiser le sabotage. Ils n'y faillirent point.

Lahaut organisa le travail de sabotage parmi les Belges.

Condamné à mort

Même détenu il continuait d'inquiéter l'ennemi. La Gestapo, dans le camp, le soumit à une surveillance spéciale et tous les mois envoyait sur 'lui un rapport à Himmler..

Lahaut ne mourant pas, le camp de Neuengamme fut jugé trop doux pour lui. Le 13 juillet 1944, il fut condamne à mort et envoyé avec trois de ses camarades (Désiré Mosbeux, Fernand Jaequemotte et Evesy) au camp d'extermination de Mauthausen "pour y être détruit".

L'effroyoble voyage fut long a souhait. Enchaînés l'un à l'autre, les quatre compagnons quittèrent Neuengamme à pied. Ils furent transférés de Hambourg I, de là à Hambourg II. Puis à Hanovre. De Hanovre ils allèrent à Halle et de Halle a Weimar. On les enferma à la prison de Prague. D'où, après un arrêt à la prison de Linz, ils gagnèrent le camp de Mauthausen.

Avec Auschwitz, Grosz Rosen et Bergen Belsen, c'était le plus redouté des camps allemands. C'est là que les nazis espéraient liquider Julien Lahaut.

« Ils ne nous auront pas », disait-il au cours de son transfert. Désiré Mosbeux raconte ce que fut ce voyage : Julien était extra­ordinaire. Tu ne peux pas te figurer ce que c'était que cet homme là.  Pas un instant il n'a perdu courage. Il était, de loin, le plus vieux d'entre nous. Il semblait le plus jeune. Il riait, nous racontait des blagues en wallon et nous soutenait par son exemple. Et sa bonté ! J'ai subi une opération et je n'ai qu'un rein. Lahaut le savait. Il portait une partie de mes bagages. La nuit, dans le cachot, il me codait sa paille. Il se déshabillait et arrangeait ses vêtements en un matelas sur lequel il m'installait, pour que je puisse reposer et tenir le coup. Il avait 20 ans de plus que moi. Pas moyen de refuser. Il se serait fâché ».

K.Z. Mauthausen

A Mauthausen, l'attitude de Julien fut ce qu'elle avait été à Neuengamme. Mais ici, vraiment, le régime était trop dur pour un homme de son âge. Il s'affaiblissait.

«Je m'en vais », disait-il.  Maintenant c'est une course de vitesse. Vous verrez qu'ils s'en iront avant moi ».

Un médecin tchèque, le Dr Stick, lui sauva sans doute la vie. Il l'admit au dispensaire, le fortifia. Ainsi il put résister jusqu'au 28 avril 1945, moment où le camp fut libéré.

« Voilà » disait Lahaut, « ils ne nous ont pas eus. Je vous l'avais bien dit. Maintenant, il s'agit de se remettre au travail.

Deux remarques s'imposent.
La première, c'est que Lahaut veilla sans cesse à ce que la solidarité ne fût pas l'apanage des seuls communistes, mais qu'elle s étendit a tous les Belges indistinctement. « Ici, » disait-il « nous sommes tous résistants ensemble.  »
La seconde, c'est qu'à Mauthausen comme partout, il fit preuve de la plus large tolérance religieuse. Il fit mieux. Il aidait les catholiques à pratiquer les rites de leur religion. C'est sur son lit autel improvisé, qu'un jeune prêtre allemand disait la messe, cependant que Julien montait la garde afin qu'il ne fût pas surpris.

Réponse claire à ceux qui présentent les communistes comme une manière de sectaires hargneux.



Quand la libération du camp Mauthausen permit le rapatrieement de Julien Lahaut, la santé de ce dernier se trouvait  fort  ébranlée. Le voyage de retour dut être interrompu à Paris   Julien séjourna plusieurs jours à l'hôpital la Salpêtrière. Son large sourire eclaiirait les mornes dortoirs du vieil édifice.

Ce fut enfin le retour vers le pays, vers Bruxelles d'abord, où il dut à nouveau entrer à l'hôpital.

Son arrivée fit sensation. Dès que la nouvelle en fut connue,  les délégations, les visiteurs se pressèrent en  foule à l'hôpital  Saint-Pierr. L'affluence était telle que services, débordés, demandèrent au Parti de les aider à canaliser les visites.

Le " Drapeau Rouge » publia en première page 1' « encadré» suivant:: « Un afflux considérable de sonnes et de délégations se prêle pour saluer notre camarade Julien Lahaut.  Nous demandons instamment : visiteurs de se mettre en rapport avec  le Siège Central du Parti (12.01.00 ou 12.01.09)  pour recevoir communication de l'heure à la­quelle  ils  peuvent rendre visite à notre ami Lahaut (les visites étant groupées entre 14 et 17 heures) de manière à éviter un encombrement à  l'hôpital  et  à ménager la santé encore compromise de notre cher rescapé. »

Rapatrié de Mauthausen Lahaut se rétablit à l'Hôpital St-Pierre, des dures souffrances qu'il a endurées dans les camps allemands.

 
Convalescence et premier meeting

Julien supportait malaisément l'inactivité à laquelle le condamnaient les médecins.

Arnold Boulanger l'alla voir. Frappé de sa mauvaise mine, il lui dit : « Julien, tu vas prendre, en sortant d'ici, quelques semaines de repos. Tu en as rudement besoin. »

Et Lahaut de répondre : « Tu parles comme les docteurs. Qu'est-ce qu'ils comprennent à des gens comme nous ? Ce qu'il me faudrait, c est une assemblée de 2.000 à 3.000 ouvriers. C'est ça qui me retaperait. » Car cet homme, militant ouvrier de la tête aux pieds, était a ce point attaché au peuple qu'il lui était impossible de vivre loin

Il fallut en passer par où il voulait et, douze jours plus tard, il parlait à Liège, au Forum, devant 5.000 auditeurs. Il avait retrouvé toute sa forme et le contact avec la foule s'établit aussitôt.

Il débuta par une de ces boutades qui contribuèrent tant à sa popularité et par lesquelles il mettait immédiatement ses auditeurs à l'aise.

Il ouvrit le meeting en ces termes : « En. bien, me voici ! On va commencer par chanter l'Internationale ! »

Puis, faisant allusion au fait que la fanfare de la police liégeoise était venue le prendre à la gare et lui avait fait escorte jusqu'à la salle où se tenait la réunion, il ajouta : « Faut-il que le monde soit retourné. Jadis, quand la police m'attendait, c'était pour me passer les menottes et me traîner à Saint-Léonard. Aujourd'hui, c'est pour me jouer la musique. Les victoires de Stalingrad et de Berlin ont vraiment changé quelque chose... » Et de pousser son bon, gros rire claironnant.

Le retour à Seraing

Le retour à Seraing fut triomphal. La population tout entière l'attendait dans les rues.

Apprenant que la Mère Supérieure des petites sœurs des pauvres s'était plusieurs fois déplacée chez Gérardine pour prendre de ses nouvelles et qu'elle désirait le voir et le féliciter de son retour, il se rendit à son invitation. La Mère Supérieure le reçut, entourée de ses sœurs, lui offrit, au nom de la communauté, un bouquet de fleurs, une caisse de cigares et lui fit son compliment. Elle dit : « Nous sommes bien heureuses, monsieur Lahaut, que vous voici revenu parmi nous. Nous avons beaucoup prié pour ce retour. »

Julien répondit : « Je vous en remercie, ma Mère. Vous voyez que vos prières ont été efficaces. Que voulez-vous ? Quand tous les braves gens veulent ardemment la même chose, ils finissent toujours par l'obtenir. »

La « Société des égaux » qu'il avait fondée et qui est propriétaire du Théâtre de Seraing, lui offrit une petite voiture Citroën qu'il pilotait lui-même.

Le Prince Régent le fit Officier de l'Ordre de Léopold pour services rendus au pays.