Nuit et Brouillard NN,
 l'opération terroriste nazie 1941-1944
,
Jonca Karol- Konieczny Alfred, La Vérité.

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Table de matières

Introduction
Rappel des années 1939-1945
Holocauste
A vant-Propos

PREMIERE PARTIE Causes et applications du décret « Nuit et Brouillard »

Chapitre I - L'Occupation nazie en Europe occidentale 
Chapitre II - Les Allemands face à la Résistance en Europe occidentale avant le décret
         « Nuit et Brouillard »        
Chapitre III - Les modalités de l'action « Nuit et Brouillard » 
Chapitre IV - La déportation en Allemagne      
Chapitre V - Devant les tribunaux spéciaux nazis :

Sondergericht Essen      
Sondergericht Koln    
Sondergericht Kiel      
Rôle du Volksgerichtshof dans l'instruction des affaires « Nuit et Brouillard »     

Apport complémentaire

Premier procès NN connu
A Wolfenbiittel 
A Cologne             
A Augsburg-Munich       
A Dresden                
A Sonnenburg (Slonsk en Pologne)             
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Les convois des déportés NN des territoires sous l'autorité du commandant militaire pour la Belgique et la France du Nord affluaient en Allemagne encore plus rapidement que ceux venant de France. Formés à la prison militaire de Saint-Gilles à Bruxelles, ces convois étaient acheminés ensuite en Allemagne, en coopération avec les services de la Gestapo d'Aix-la-Chapelle (leur chef : le SS-Sturmbannfuhrer Nosske). Les hommes furent transférés à la prison de Bochum qui disposait de 1000 places ou presque. Cette prison, située a proximité d'Essen, devait faciliter au tribunal spécial installé là, la conduite efficace des actions en justice. Au total pas moins de 56 convois ont ete acheminés à Bochum : 32 en 1942, 22 en 1943 et 2 en 1944. Le tableau 4 présente la chronologie des convois en 1942.
 


En 1943 les convois les plus nombreux sont arrivés : les 2 et 9 janvier, les 13 et 14 mars, le 9 avril et le 8 mai. En conséquence, le nombre des détenus NN à Bochum se chiffrait le 8 mai 1943 à 1131.

Les femmes, de leur côté, étaient envoyées d'Aix-la-Chapelle à la prison d'Essen, qui disposait de 105 places à la section pour femmes. En mai 1943 s'y trouvaient 170 prisonnières en attente d'être traduites en justice.

Pour les prisonniers mis à la disposition du « Sondergericht Essen », la compétence d'attribution des prisons a été la suivante : pour hommes « en prévention » : Bochum et Wuppertal ; pour les femmes : Essen ; pour les hommes condamnés à la peine de détention « simple » : Berlin-Tegel ; pour les femmes : Hambourg-FuhlsbÛttel ; pour les hommes condamnés à la peine de réclusion : Hameln ; pour les femmes : Lübeck-Lauerhof ; enfin pour les prisonniers « en prévention » malades : l'hôpital du district à Bochum ; pour les prisonniers déjà condamnés : l'hôpital à Düsseldorf-Derendorf.

La région judiciaire dépendante du tribunal spécial d'Essen s'est ressentie gravement en  1943 des effets de l'offensive aérienne alliée. A un tel point que les autorités nazies, lors d'une réunion spéciale à Bochum le 8 mai, prirent la décision d'évacuer les prisons menacées, de peur d'évasions possibles des déportés NN pendant les bombardements, ce qui pouvait entraîner la rupture du secret qui entourait l'action « Nuit et Brouillard ». L'urgence d'une telle décision s'est avérée réelle dès les jours suivants. En effet, pendant un raid aérien nocturne du 13 au 14 mai, le bâtiment de la prison de Bochum fut endommagé. Le raid du 24 mai causa des dégâts sérieux à Dortmund ; les bombardements des 4 et 28 mai, à Essen ; enfin le 13 juin le bâtiment n° 1 de la prison de Bochum fut atteint d'une bombe, ce qui provoqua la mort de 15 prisonniers NN, alors que 42 autres furent blessés.



Au camp de Hinzert dans ce petit bassin de la
blanchisserie des hommes furent noyés.

Lors de la réunion du 8 mai, mentionnée plus haut, les participants ont révélé quelques chiffres : 1541 personnes ont été transmises au tribunal spécial d'Essen pour y être traduites en justice ; de ce groupe 1131 prisonniers NN étaient détenus à Bochum ; 170 à Wuppertal et, à Essen, 170 femmes et 70 hommes. L'évacuation devait être organisée comme suit : 850 seraient dirigés aux camps criminels de Papenburg, 50 à Hameln, les femmes à Zweibrpücken ; en plus les prisonniers détenus à Hameln et déjà condamnés devaient être expédiés au « Zuchthaus » de Sonnenburg (Slonsk). A cet effet, pour libérer les places, on obligea l'administration de Sonnenburg de transférer 100 prisonniers à peu près, dans l'établissement pénitentiaire de Zwickau.

La décision sur le transfert des prisonniers au « Strafgefangenenlager Papenburg » a été lourde de conséquences. L'histoire de ce camp remontait déjà à 1933. Cette année-là, les autorités nazies avaient organisé quelques camps appelés, et pour cause, « marécageux » (Moorlager), car installés dans les marécages du bassin de la rivière Ems, à la frontière germano-hollandaise. Des milliers de personnes furent employées à l'assèchement des marécages, à l'extraction de la tourbe, etc. En 1934, le Ministère de la Justice prit en charge les camps de Papenburg, jusqu'ici administrés par les SS, pour y diriger les prisonniers condamnés à purger leurs peines de réclusion sous un « régime spécial ». Dès le début de la deuxième guerre mondiale, les camps de Papenburg se peuplèrent de prisonniers condamnés par les tribunaux militaires et spéciaux, et surtout de ceux dont les condamnations à la peine de réclusion avaient été suspendues pour la durée de la guerre. La centrale de Papenburg disposait de sept camps criminels ; pour les prisonniers NN on avait choisi le « Strafgefangenenlager VII Esterwegen », situé à 25 km de Papenburg et ils y furent placés dans les blocs du « Lager Sud ».

Le premier convoi (de 229 personnes) partit de Bochum pour Esterwegen le 21 mai 1943, les suivants (402 personnes au total) partirent les 28 et 29 mai. La prison de Wuppertal fut évacuée de son côté le 7 juillet, celle d'Essen le 3 septembre. A partir du 3 juin 1943 d'autres convois — de Bochum, ensuite d'Essen — sont arrivés à Papenburg, quelques-uns plus tard directement de Belgique et de la France du Nord. Ainsi jusqu'à la fin de 1943 38 convois amenèrent 1897 personnes; en 1944, 26 convois, 800 personnes. Le dernier convoi fut acheminé à Papenburg le 14 avril, c'est-à-dire à l'époque où la compétence du tribunal spécial d'Essen a été transférée au « Sondergericht Oppeln ». A la suite de la réorganisation de tout le système de la déportation « Nuit et Brouillard »,le transfert des prisonniers de cette catégorie d'Esterwegen vers la Haute Silésie à la prison de Gross Strehlitz, durait déjà depuis la mi-mars 1944.

Le tranport des femmes de la prison d'Essen à celle de Zweibrücken connut par contre quelques obstacles. A la fin du mois d'août 1944 le Ministère de la Justice du Reich désigna pour les recevoir le « Stammlager  Mesum  »,  dans  l'arrondissement  de  Steinfurt.  Mesum était un kommando extérieur de la prison de Münster, où étaient détenus jusqu'ici les Polonais venant des territoires annexés au Reich et condamnés à la peine de réclusion dans un camp criminel et cela selon les dispositions du droit pénal pour Polonais et Juifs, établies le 4 décembre 1941  Le femmes  qui  devaient  être  détenues  ce  sous  surveillance  spéciale  »  et surtout celles arrêtées sous l'inculpation d'espionnage, avaient été exclues du convoi dirigé sur Mesum et envoyées à la prison d'Osnabrück. La détention des autres déportées NN à Mesum dura jusqu'au 23 mars 1944 ensuite elles furent  transférées en Haute Silésie, dans les prisons de Kreuzburg (Kluczbork) et de Gross Strehlitz (Strzelce Opolskie).

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On a parlé déjà de ces ressortissants des pays occupés qui, dans les années 1941 et 1942, après avoir été condamnés par les tribunaux militaires, avaient été dirigés vers les établissements pénitentiaires gérés par le Ministère de la Justice du Reich. Ils étaient placés souvent dans les prisons prévues aussi pour les prisonniers NN belges et français. Cet état de choses amenait des complications et non des moindres, surtout à cause du secret que devait entourer l'action « Nuit et Brouillard ». Pour que la situation devienne claire, l'OKW recommanda, dans un ordre daté du 27 août 1942, de réunir dans un seul établissement pénitentiaire tous les prisonniers détenus en Allemagne à la disposition des autorités militaires. On a prévu ainsi pour les femmes le « Zuchthaus Lübeck-Lauerhof » avec 350 places et pour les hommes le « Zuchthaus Sonnenburg ». Le rôle de cette dernière prison dans le système de juridiction militaire d'occupation et dans l'application de la procédure « Nuit et Brouillard » a été tel, qu'il vaut qu'on lui consacre une attention particulière.

En Pologne, le bagne-prison de Sonnenburg (Slonsk). Vue générale.
Après la guerre cette prison fut presque entièrement détruite afin
d'en récuperer les materiaux pour la reconstruction de Warchovie.

Le « Zuchthaus Sonnenburg » était situé dans le district du Kammergericht de Berlin et disposait de 656 places pour hommes. Sa construction a été commencée dans la première moitié du XIXe siècle et les cellules de cette prison se remplissaient à la suite de certains événements politiques marquants en Allemagne, par exemple après la révolution de novembre 1918 ou après la prise du pouvoir par Hitler en 1933. Avec l'assentiment du Ministre de la Justice, au mois de mars de la même année, la prison fut d'ailleurs transformée en camp de concentration où étaient dirigés les militants du parti communiste allemand, dissous par les nazis et, plus tard, les activistes de l'Union des Polonais en Allemagne. Jusqu'en 1934 le camp de Sonnenburg était administré par les SA et les SS, pour revenir ensuite au statut d'une prison criminelle.

A la suite de l'ordre de l'OKW d'août 1942, mentionné plus haut, les patriotes arrêtés par la Wehrmacht ont commencé à affluer à Sonnenburg, surtout les ressortissants français, condamnés à des peines de réclusion par les tribunaux militaires auprès des Feldkommandanturen et par le tribunal auprès du commandant du Gross-Paris. Les premiers groupes de ces prisonniers sont arrivés à Sonnenburg venant de Rheinbach, les 17 et 24 septembre et les 1er et 8 octobre 1942. Ce fut ensuite le tout de groupes venent de Wolfenbüttel, Dresden, Breslau, Karlsruhe, Berlin, Trêves et Köln-Klingelpüts.

Entrée principale de la prison de Sonnenburg (actuellement slonsk) en Pologne

A partir du mois de mai 1943, avec la nouvelle répartition en Allemagne des déportés NN, arrivent aussi des déportés de la prison de Hameln et, le 26 mai, le premier convoi  de convois de Belges. Il ressort des statistiques officielles du Ministère de la Justice que des Belges et les Français représentaient 43,4 %  de tout l'effectif de Sonnenburg et au 31  décembre ce taux monta à 57,7% (voir tableau 5). Ajoutons, à titre comparatif, qu'à la fin du mois de septembre 1939 il n'y avait que 386 prisonniers à Sonnenburg, mais qu'en octobre 1943 leur nombre s'est élevé à 1000, pour monter encore à la fin du mois de juillet 1944 jusqu'à 1310 personnes (effectif le plus élevé).

Tableau 5 - BELGES ET FRANÇAIS A LA PRISON DE SONNENBURG EN 1943

Au moment de la suspension de l'action « Nuit et Brouillard » et du transfert de tous les prisonniers de la Wehrmacht aux mains de la Gestapo, une partie d'étrangers détenus à Sonnenburg fut expédiée ailleurs. Ainsi, le 14 novembre 1944, un convoi de 600 personnes a été transporté dans le camp de concentration de Sachsenhausen (n°s 116787 a 117384), mais 730 prisonniers restèrent encore sur place.

Un Belge, A. Momaerts, parle ainsi des conditions au « Zuchthaus Sonnenburg » : « De toutes les prisons où j'êtais détenu, celle de Sonnenburg où je suis arrivé le 24 mai 1942, me paraissait la plus sale, la plus dure et la plus cruelle. Je ne connaissais pas encore les camps de concentration. La vermine nous dévorait littéralement. Le linge que nous recevions rarement était couvert de vermine exactement comme le linge sale que nous rendions. » Oscar Magnusson, auteur du livre « Je veux vivre  », arrivé  à  Sonnenburg le 20 décembre 1943 avec le premier groupe de déportés NN norvégiens, ajoute de son côté : « Pendant 8 mois à peu près, je devais vivre dans une porcherie. Il n'y avait pas de grabats, mais au pied du mur un peu de paille et c'est là que nous étions obligés de dormir. La cellule était équipée de 5 cruches et de 4 timbales pour 66 personnes. On nous a donné en plus un gobelet en aluminium et une seule cuillère, c'était tout. Nous avons baptisé notre cellule : le grenier pouilleux. Il était interdit de se laver. Nous portions nuit et jour les mêmes vêtements qui devenaient raides de saleté et de sueur. C'était un véritable paradis pour des kyrielles de poux. Le soir, la lumière éteinte, les punaises sortaient de leurs cachettes pour nous attaquer. Le directeur de la prison s'amenait dans la salle où on travaillait. A n'importe quelle occasion il se jetait sur les prisonniers, leur administrait des coups de pied et les rouait de coups. De cette manière-là, sous mes yeux, il a tué plusieurs hommes... L'assistance médicale n'existait pas à Sonnenburg. Pour les prisonniers n'existaient que deux diagnostics : la phtysie et la gale... Les soins médicaux se réduisaient à l'application d'un liquide de couleur jaune dont nous devions nous enduire la peau à l'aide d'un pinceau. On  nous  apportait ce liquide, deux fois par jour,  dans  un seau... »

Rien d'étonnant que dans des conditions pareilles la mortalité parmi les prisonniers soit très élevée. Un chercheur polonais, Dr Przemyslaw Mnichowski, auteur d'une thèse en doctorat consacrée à la prison de Sonnenburg du temps des nazis, a démontré que de 1942 à 1945 au moins 69 Belges et 25 Français sont décédés dans cet établissement pénitentiaire, victimes de cruels sévices, comme ce fut le cas, par exemple, pour le colonel de La Rochère, résistant français dont les circonstances de la fin tragique ont été relatées dans le bulletin "Nuit et Brouillard" par le journaliste Jean-Maurin Fabre, son compagnon de résistance détenu avec lui à Sonnenburg, ainsi que par le Procureur Mnichowski.

Dans la nuit du 31 Janvier 1945 819 détenus,
parmi lesquels des déportés NN, furent abattus.

Résistant français, détenu lui aussi à Sonnenburg, le Général Ernest Laurent, alors officier de Gendarmerie, se souvient : « Les conditions de vie étaient terribles ; si nous demandions une visite à l'infirmerie nous devions attendre des heures debout dans un couloir glacial dont toutes les fenêtres et les portes étaient ouvertes, nous grelottions. J'ai vu en cette circonstance des déportés, marins norvégiens récemment arrivés à Sonnenburg. encore solides et en bien meilleure condition physique que nous, qui claquaient des dents. N'ayant pas encore acquis notre endurance à la vie carcérale, ils ne résistèrent pas et moururent rapidement. De retour à notre « cellule » plus mal en point qu'en la quittant nous n'avions pas droit à notre soupe. Aussi ne demandions-nous plus de visite à l'infirmerie ! »

Lui aussi déporté NN à Sonnenburg, Henri Laffly s'est blessé dans un atelier. Il faut l'amputer d'un doigt. Pour l'anesthésier, on l'assomme, tout simplement !

Le crime le plus terrifiant a été commis par les nazis, dans la nuit du 30 au 31 janvier 1945, à la veille de la libération de Sonnenburg par les troupes soviétiques. Sur l'ordre du Gauleiter et du commissaire à la défense, un détachement de SS venu de Francfort-sur-Oder (commandé par le SS-Hauptsturmfiihrer Wilhelm Nickel) a massacré, d'une balle dans la nuque, ce qui prit toute la nuit, 819 prisonniers : des Belges, des Français, des Hollandais, des Norvégiens, des Luxembourgeois, des Polonais, des Bulgares et des  ressortissants tchécoslovaques, yougoslaves et soviétiques. Cette sombre affaire a eu son épilogue, le 27 août 1971, devant la cour d'assises de Kiel. Au banc des accusés se sont retrouvés : Wihelm Nickel et son supérieur, chef de la Gestapo a Francfort-sur-Oder, le SS-Obersturmbannfuhrer Heinz Richter. Les preuves sur la culpabilité des accusés n'ont pas suffi à convaincre la cour et les deux complices furent acquittés.
 

Sur l'emplacement du sinistre bagne de Sonnenburg (Slonsk)
30 ans après on exhume encore des squelettes d'hommes exécutés.

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Sonnenburg (Slonsk en Pologne) (p. 101)

(En haut) est décrit ce qu'était cette prison dans laquelle séjourna un nombre important de l'élite de la résistance française, belge, hollandaise, norvégienne, luxembourgeoise et d'autres nations, combattants de la première heure. Sur l'emplacement des bâtiments qui furent détruits après la guerre s'élève maintenant un musée qui recèle des documents intéressants émanant de plusieurs pays et, notamment, des indications sur quelques détenus NN qui y trouvèrent la mort ou qui disparurent après y être passés.

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L'armée soviétique vient de pénétrer dans la prison de Sonnenburg.

Des centaines de cadavres recouvrent le sol de la cour. 819 patriotes ont été massacré.

 

Ils ont reçu une balle dans la nuque. La tuerie a duré toute la nuit du 30 au 31 janvier 1945. Wilheim Nickel et son supérieur Heintz Richter, chef de la Gestapo de Francfort sur Oder, les deux principaux coupables jugés aux Assises de Kiel le 27 août 1971  sont acquittés. MANQUE DE PREUVES !