Entretien entre M. Jean Galut (G.), Mme Paprika Galut-Modis (Mme G.)
 et José Gotowitch (J.G.), Paris le 2 avril 1976.

GvdB  0562  Noms mentionnés  Camps

Publié comme: Galut, Paprika - [Uittreksels uit een interview] dans Gotovitch, José - 'Enkele gegevens betreffende de uitroeiing van de zigeuners uit België', Bijdragen tot de Geschiedenis van de tweede Wereldoorlog, Brussel, 1976, p. 168-169 & 171-172 
  
J.G.

Mme G.
Je voudrais vous demander, madame Galut, si en 1940 vous étiez en Belgique ou en France?  
En Belgique.
J.G.


Mme. G
G.
Vous éties une familie qui était le plus souvent en Belgique, c'est cela. Et comment avez-vous été arrêtée? A quel moment, a  peu près? Par les Belges? 
En 43
C'est-a-dire que quand la guerre s'est déclarée, on est réfugiés en France avec nos caravanes.
J.G.
G.
Vous êtes du groupe qui est parti en France?
Oui. Et puis on s'est fait arrêtés a Liétard, par les Allemande. Ils nous ont arrêtés, ils nous ont pris et ont mis les caravanes a l'abattoir. Vous saves toutes les caravanes belges, les "Buggenhout". 
J.G.
G.
Mme G.
Et cela c'était en 40? 
40 ou 43 je ne m'en rappelle plus.
43
J.G.

Mme G.
G.
C'est au moment ou la guerre se déclare que vous allez en France?
Oui.
C'est cela, à ce moment-la. On est venu en France, on reste en France. Et après les feldgendarmen avec les plaques, les colliers  nous ont tous embarqués.
J.G.
Mme G.
Est-ce que vous êtes restés longtemps en France?
Non, on voyageait avec les caravanes, partout. 
J.G.


Mme G.
Et on ne vous ennuyait pas en Belgique, c'est cela que  je voudrais  savoir si on a  persécuté les Tziganes à partir du moment où les Allemands étaient en Belgique.
On voyageait toujours comme d'habitude.
J.G.
Mme G.
Vous avez voyagé toujours, sans ennuis?
Oui.
J.G.
Mme G.
Mais en 41, est-ce qu'on ne vous oblige pas à avoir une carte spéciale?
Non, on ne nous a jamais rien dit.
J.G.

Mme G.

G.
Quels étaient les documents que vous aviez? Des documents belges de la police belge? Des documents d'identité?
On avait des carnets comme ils ont maintenant, des étrangers en Belgique, indéterminés.
Des cartes d'indéterminés. On les a toujours eues, en Belgique.
J.G.

Mme G.
G.
C'est cela, parce qu'à partir de décembre 41 on crée en Belgique une carte spéciale de nomade.
Oui une carte de nomade.
Indéterminé. Ce n'est même pas nomade, parce qu'un nomade il a une puissance(?) mais nous, nous étions "indéterminés" ce qui veut dire qu'on n'a aucune puissance, quoi. Et c'était M.Standard(?) je ne me rappelle plus le nom du directeur de la police des étrangers.
J.G.
G.
Je ne sais pas...Louage? Non...?
Non. Et c'est lui qui nous a tous donnés aux Boches, quoi. 
J.G.
G.
Ah!? Mais, attendez, je voudrais savoir: en 40, vous partiez en France.
Oui.
J.G.
G.
Et vous restez en France?
On voyageait en France, on voyageait avec les chevaux.
J.G.
G.
Vous voyagez librement?
Oui.
J.G.

G.
Mais est-ce que vous avez été arrêtés ou mis dans un camp, à moment donné, en France?
C'est-à-dire que quand ils les ont arrêtée ils les ont amenés directement après, ils sont restés là un petit moment et puis après ils les ont expédiés directement à Malines et de Malines ils les ont chargés dans les wagons à paille, direction inconnue.
J.G.
G.
Donc vous n'étiez pas à Montreuil? ni à Mulsanne?
Non, non, pas moi, les autres les "Doloches"(?)
J.G.
G.
Quand vous allez en France, vous êtes à beaucoup de familles?
Oui mais pas tous parce qu'en Belgique ils étaient nombreux.On n'étaient pas tous ensemble. Si on avait été tous ensemble nous aurions été plus qu'un village. On ne pouvait pas rester tous ensemble, vous comprenez? Certains étaient partis en Bretagne, d'autres en Normandie. La France est grande, quelques voitures par là, d'autres par là.
J.G.
G.
Et vous n'étiez pas ennuyés par la police française à ce moment là?
Non, jusqu'au jour où ils nous ont arrêtés.
J.G.

G.
Mme G.
G.
Est-ce que vous avez une idée du nombre de familles disons "tziganes belges"?
C'est un peu difficile, c'est loin et puis se rappeler exactement .
Du nombre de Belges? Il y en avait beaucoup.
Parce qu'il y en avait aussi au camp de Monthléry et encore dans un autre camp en France. Eux allaient couper les arbres er forêt et même qui travaillaient. Seulement après ils les ont pris et les ont envoyés tous là-bas. Ils se sont tous retrouvés au camp d'Auschwitz si vous voulez.
J.G.
G.
Au fond, quelle est votre occupation professionnelle?
A cette époque-là nous étions marchands de chevaux. Nous n'avions pas d'autre métier.
J.G.

Mme G.
Et vous étiez principalement en Belgique? En Flandre ou en Wallonie?
Nous étions à Bruxelles, à Anvers, à Liège, partout. On voyageait.
J.G.
G.
Vous voyagiez en groupe important ou réduit? 
On était de trop pour rester toujours en groupe. Des fois sur les foires, à Anvers ...
J.G.
G.
Et vous parlez flamand?
Un peu. On se rencontrait une fois ou deux par an, pour des mariages par exemple.
J.G.

G.
Mais votre famille, par exemple, était composée d'à peu près combien de personnes? Vous étiez la famille Galut-Modis. Comment situe-t-on cela?
En Belgique, c'était la famille Gorgan
J.G.
G.
Gorgan? 
Vous devez en avoir, de la famille Gorgan, là. Tous mes oncles parce que moi j 'étais.. .Ma mère était une Gourgan. Alors nous étions avec nos oncles, vous comprenez?
J.G.

G.
Avec vos oncles? C'est l'oncle qui a de l'importance au point de vue de la filiation?
Notre père était mort alors ma mère était... 
J.G.

Mme G.

G.
Mais ce n'est pas une tradition que c'est l'oncle qui est le chef de la famille?
Non...Il n'y avait que cela comme famille: le papa n'était plus là, la maman alors est restée avec ses frères.
On restait ensemble parce qu'à l'époque, nous n'étions pas vieux
J.G.
Mme G.
G.
Ah! voilà: Gorgan, oui. Et cela, c'est votre famille? 
Sa mère, ses oncles, ses soeurs.
...A Rekkem avec Peterbost, il a dû vous le dire, sûrement. Nous, nous avons été arrêtés comme otages. Moi, j'ai été arrêté comme otage.
J.G.
G.
Mais vous n'êtes pas arrêtés en même temps?
Non, moi je me suis évadé, je suis parti.
J.G.

G.

Mme G.
Attendez, je ne comprends pas très  bien.  Madame me dit que vous êtes arrêtés à Hénin-Liétard.
Moi, ils  ne m'ont pas eu. Mois j'ai  été arrêté par la suite et  transféré  à  Rekkem.
Quand j'ai été arrêtée, moi, lui s'est caché. Et c'est par la suite qu'il a été arrêté.  Par la suite alors que nous étions déja à Malines. 
J.G.

G.
Dans votre idée, est-ce que vous savez ce qui va se passer? Vous vous échappes pourquoi?
Mais tous le monde avais peur des allemands.
J.G.

G.
Et vous êtes seul à vous échapper? C'est  à Hénin-Liétard  que    vous vous  échappez?
Je  suis parti, oui.    
J.G.
G.
Seul? 
Je ne me rappelle plus si d'autres qui sont partis se sont fait rattraper.     
J.G.



Mme G.
J'en étais à vous demander.. .Vous vous êtes échappé à Hénin-Liétard et je reviendrai à votre équipée après.  Mais  je voudrais vous demander,  madame: A Malines même, comment êtes-vous traitée?
Mal. On mourait de  faim. On était mangés par les poux. On était sales.
J.G.

Mme G.
Est-ce vrai  que vous êtes dans un coin de la cour, tous ensemble dans deux ou trois  chambres?
Oui. Nous étions tous dans de grandes chambres. Il y avait tout des petits lits comme pour les soldats et nous étions tous là-bas.
J.G.

Mme G.
Est-ce que vous êtes particulièrement mal traité? Est-ce qu'on vous bat?  Est-ce qu'on vous...?
Oui, nous étions battus. 
J.G.
Mme G.
Par les gens du camp même?
C'étaient des Allemands habillés en civil. 
J.G.

Mme G.
Est-ce qu'on vous dit quelque chose?  Est-ce qu'on vous demanda quelque chose? Est-ce qu'on dit ce qui va vous arriver?
Ils ne nous ont jamais rien dit. Au contraire, ils nous ont laissés comme cela, là-dedans. Ils fermaient la porte et ils partaient. Et quand ils venaient, il fallait qu'on reste debout.il ne fallait pas qu'on bouge. Il y avait des enfants qui pissaient parfois au lit. Ma petite fille faisait au lit. Alors il fallait que je me mette sur une table, comme cela sur la table et ils me tapaient sur les reins avec un fouet de chien....ici, sur les reins.
J.G.
Mme G.
Et on ne dit pas ce qui va vous arriver? On ne vous dit rien?
Non, ils ne nous ont jamais rien dit.
J.G.

Mme G.
Quelqu'un a dit que voua aviez droit à une petite promenade par jour, qu'on vous libérait une heure, je crois, pour sortir dans la cour.
Dans la cour ils nous laissaient dans la journée, oui, pendant peut-être l/2 heure. On se promenait tout le tour, comme les prisonniers.
J.G.
Mme G.
Avec les enfants?
Avec les enfants et tout le monde dans la cour. Après ils nous faisaient rentrer dans la salle et nous enfermaient.
J.G.
Mme G.
Et c'est vrai cette histoire qu'il y avait des violonistes qui jouaient pendant la promenade?
Oui, oui, il y en avait.
J.G.
Mme G.
Chaque fois?
Oui, il y avait de la musique en tête et nous suivions derrière.
J.G.
Mme G.
Et on leur reprenait l'instrument après?
Oui.
J.G.

Mme G.
Est-ce que vous étiez séparés des juifs qui étaient dans la caserne de Malines?
Oui, nous n'étions pas avec les juifs, il n'y avait que les gitans ensemble.
J.G.
Mme G.
Et il n'y avait aucune relation entre les deux? 
Non, non.
J.G.

Mme G.
Je voulais savoir ai il y avait eu des relations, si voue vous entendiez ou si c'était totalement séparé.
Séparés totalement. Nous n'étions même pas dans la cour avec eux.
J.G.

Mme G.
Il n'y avait pas de jalousies, pas de batailles, pas une aide, parce qu'eux recevaient des colis de l'extérieur par exemple. 
Pas nous. 
J.G.
Mme G.
Vous n'avez jamais été aidés de l'extérieur?
Non, toute notre famille était là alors personne ne nous envoyait de colis.
J.G.
Mme G.
La Croix-Rouge , les Belges n'intervenaient pas?
Non, non.
J.G.

Mme G.
C'est parce que j'essaye de savoir jusqu'où, justement, vous étiez isolés.
Non, non, au contraire, on nous laissait mourir de faim.
J.G.


Mme G.
Donc vous avez été enfermée, vous ne saviez pas ce qui allait vous arriver. Vous avez été battue, vous étiez maltraitée. Au point de vue nourriture est-ce qu'on vous a nourris une fois par jour?
Une fois par jour on nous donnait une louche de je ne sais même pas ce que c'était...de la soupe...on mourait de faim. Je ne me rappelle plus combien de pain nous recevions. Il y a trente ans de cela. Combien de pain par jour...? Une petite tranche comme cela.
J.G.
Mme G.
Et il n'y a jamais eu un contact vers l'extérieur?
Non....Personne.
J.G.

G.
Vous monsieur, à ce moment-là, vous saviez que votre femme était enfermée à Malines?
Nous avions un lieu où nous avions l'habitude d'avoir contact où j'ai été pour avoir de ses nouvelles.
J.G.
G.
Où étiez-vous?
Moi je suis reparti à Bruxelles.
J.G.

G.
Vous vous êtes échappé d'Hénin-Liétard et vous êtes revenu à Bruxelles?
A Bruxelles nous étions connus, nous. Alors j'avais été dans un café, au "Café Jean" à Molenbeek et il me dit: on n'a plus de nouvelles d'eux, les Allemands les ont amenés dans une direction inconnu.Alors depuis ce temps la c'était fini. Plus de relations, plus rien du tout. On ne savait plus riens, ni des uns ni des autres.
J.G.

G.
Donc vous n'avez pas su qu'elle était à Malines, que tous les autres étaient à Malines?quand ils sond partis.
"Direction inconnue", qu'ils nous ont dit, de Malines, quand il sont partis.
J.G.

G. 
Non, non  je veux dire: vous saviez qu'ils étaient à Malines? Cela vous l'avez su. Comment avez vou pu le savoir?
Comme j'étais à Rekkem, moi j'ai su qu'ils étaient à Malines et moi j'ai fait faire une lettre prceque que je ne sais ni lire ni écrire, pour que je puisse rejoindre mon famille au camp de Malines. Mais, comme le directeur là-bas, faisait partie de la résistance,et que tous les lettres etaient lus, ma lettre n'a pas passé. Cela a été ma chance parce que si ma lettre était passée, moi je ne serais plus ici aujourd'hui, je serais mort à Auschitz.
J.G.
G.
Mais Rekkem c'est quoi?
C'est un asile de fous.
J.G.
G.
Et comment étiez vous là-bas?
Tous les étranger qui étaient arrêtés, ils les mettaient là-bas.
J.G.
G.
Arrêtés par qui?
Par les Belges, par les Alemands.
J.G.
G.
Ce sont les Belges qui vous ont arrêtez?
Moi, j'ai été arrêté par les Belges.
J.G.
G.
Ah, cela m'intéresse. A quel moment?
A quel moment...? Dans cet époque là, environ. Moi j'ai été arrêtez par les Belges et j'ai été gardé là jusqu'après la guerre. Mais seulement les Allemands, comme li y en a d'entre eux qui ont été tués, il venaient prendre des otages, là. Moi j'avais un copain qui était français, on avait parlé ensemble pour s'évader: se porter malade, aller à l'infermerie et de la s'évader. Mais eulement les feldgendarmes sont venus avec une liste et puis il ont appelés les noms et les ont pris. Ils leur ont mis le menottes derrière le dos, les ont amenés et ont ne les a plus jamais revus.
J.G.
G.
Dont c'est un centre d'internement pour étrangers.
C'est à dire, tous les étrangers qui étaient arrêtés partout, ils les mettaient là, ons étaient gardé par les Belges mais sur les ordres des Allemands. Quand les Allemands avaient besoin des otages , il venaient et les prenaient là.
J.G.

G.
Pour quelle raison avez vous été arrêté? On vous a dit quelque chose?
Il ne disaient rien, ils prennaient les listes.
J.G.

G.
Mais pour être ammené à Rekkem, comment este-ce que vous y êtes  arrivé? Vous avez été arrêté sur la route?
Nous avons été arrêtés comme des indésirables, une rafle.
J.G.
G.
Mais où, dans la rue?
Mais il nous arrêtaient partout. Dans les cinemas, sur la rue. Ils cernaient, ils contrôlaient. 
J.G.
G.
A votre tête ou à votre carte?
La carte "indéterminée" faisait comprendre. Pour les Allemands c'est...
J.G.
G.
Mais entre le moment où vous êtes échappé d' Henin-Liétard et le moment où vous êtes amené à Rekkem, qu'est-ce que vous avez fait?
Oh, mes vous savez... on passait inaperçus.
J.G.
G.
Mais est-ce que vous avez encore pu travailler?
On 'essaifait plus de travailler. On n'avait qu'une seule idée dans la tête c'était de partir.
Et cette période a duré longtemps, à votre avis?
J.G.
G.
Mme G.

G.

Mme G.

G.
Et cette période a duré longtemps, à votre avis?
Je ne me rappelle plus bien. 
Puisqu'on était encore à Malines et il a écrit pour qu'il vienne à Malines, près de nous et le directeur belge n'a pas voulu. 
Donc ils étaient toujours à Malines, cela n'a pas pu durer bien longtemps.
Et lui a écrit chez le directeur pour dire: mettez-moi avec ma familie parce que ses frères et soeurs étaient avec moi.
Tous mes parents étaient au camp de Malines, alors moi j'ai fait faire une lettre que je veux rejoindre toute ma familie au camp de Malines.
J.G.
G.
Comment saviez-vous qu'ils étaient a Malines?
Par quelqu'un qui est venu me rendre visite a Rekkem.
J.G.
G.
Donc vous, a Rekkem, vous aviez des relations avec 1'extérieur?
Une fois. Une seule fois.
J.G.
G.
Un ami, un membre de la familie un tzigane, un Belge?
Un ami, mais qui est mort. C'était un belge. Un sedentaire belge, de ma famille.
J.G.

G.
Et qui est venu vous voir et vous appris que votre familie était à Malines. Donc cela se savait.
Moi j'avais fait une lettre chez lui, vous comprenez? Il est venu me voir et puis il m'a tout expliqué par lettre qu'il ne pouvait pas parce qu'on lit les lettres. Et c'est lui qui m'a fait passer dans un colis deux scies à métaux et c'est comme cela qu'on est parvenus à s'échapper du 3ème étage. Parce que nous nous sommes évadés de Rekkem. Je suis un êvadé de Rekkem.
J.G.
G.
Après, donc.
Après, oui. Quand j'ai su qu'eux étaient partis pour une destination inconnue, alors moi je suis parti. On attendait qu'ils viennent nous prendre aussi pour nous fusiller, alors je dis que d'une facon comme d'une autre, mourir comme cela ou mourir comme cela, je préféré risquer. Et j'ai risqué.
J.G.


Mme G.
Alors vous, madame, vous restez donc, en fait de novembre à janvier, enfermée à Malines. Sans contacts et vous ne savez pas que votre mari..?
 Je croyais qu'il était fusillé aussi, qu'il était aussi arrêté par les Allemands.
J.G.




Mme G.
G.
Et les Allemands ne vous disent rien....rien, rien, rien rien? Mais ils ne vous traitent pas spécialement en vous disant: Tziganes ou...? Est-ce qu'on sent qu'il y a quelque chose? Aux juifs, on disait: sale juif, vous êtes des bêtes, etc. Et vis-à-vis des tziganes est-ce qu'on vous traite d'une façon?
"Zigeuner" qu'ils nous disaient à nous. 
 Ils n'étaient pas mieux traités que les juifs.
J.G.

Mme G.
Pas mieux mais moins bien traités. Mais est-ce qu'on vous insulte ou quoi en tant que tziganes?
Ils nous ont mis dans le camp, là-bas, dans une pièce et c'était fini.
J.G.

Mme G.
Au moment où on vous emmène dans les wagons est-ce qu'on prend tout le monde?
Tout le monde.
J.G.

Mme G.
Tous ceux qui étaient dans les chambres? Donc tous les tziganes qui étaient à Malines sont partis dans le convoi?
On nous a sortis, il y avait les feldgendarmes avec nous, baïonnette au canon. Ils nous ont suivis et le train est venu justement devant la cour. Cinquante personnes par wagon.
J.G.
Mme G.
Et cela a duré combien de temps, ce voyage?
Je ne saurais pas vous dire. Peut-être une semaine, peut-être 5 jours, je ne pourrais pas vous dire.
J.G.
Mme G.
Est-ce qu'on vous a nourris pendant le trajet?
Pensez-vous! On mourait de faim et de soif. Ils nous ont donné un pain en partant, une boule de pain et c'est resté comme cela tant qu'on est arrivés là-bas.
J.G.
Mme G.
Est-ce qu'il y a eu des morts en route?
Non. Dans notre wagon, non, je n'ai pas vu.
J.G.
Mme G.
Vous étiez avec toute votre famille ou les femmes et les hommes étaient séparés? 
Nous étions tous ensemble, toute la famille. 
J.G.
Mme G.
Il n'y avait pas de séparation?
Non, non: sa mère, ses frères et soeurs, mon père, ma petite fille, mes frères et soeurs. On était tous ensemble.
J.G.
Mme G.
Et qu'est-ce qui arrive au moment où vous arrivez à Auschwitz?
Nous y sommes arrivés très tard. Il y avait les fours qui brûlaient,il y avait du feu mais on était contents d'arriver où qu'c'est qui avait du feu. On ne savait pas qu'est-ce que c'était.
J.G.
Mme G.
Est-ce qu'on vous disait où vous arriviez? Non?
Non, ils ne nous ont rien dit.
J.G.
Mme G.
Ils ne vous ont même pas dit que vous alliez travailler à l'Est?
Rien du tout. Ils nous fait descendre de wagon, ils nous ont laissés passer toute la nuit dehors cinq par cinq et il y avait même des juifs dans le wagon.
J.G.
Mme G.
Dans votre wagon?
Pas dans notre wagon parce qu'il y avait un grand convoi. Dans notre wagon il y avait 50 gitans, mais il y avait un autre wagon où il y avait des juifs ensemble, mais pas dans notre wagon à nous, dans les autres wagons. Mais quand on a descendu des wagons tous les gitants étaient mis à part et tous les juifs étaient à part. En allemand ils ont dit: les zigeuner comme cela les juifs par là. Alors on. a vu que les juifs sont partis contre le four et nous on nous a emmenés dans le camp. Tous les gitans ont été emmenés dans le camp et tous les juifs ils les ont mis dans la direction du four crématoire.
J.G.
Mme G.
Tous les gitans ont été emmenés dans le camp?
Ils nous ont emmenés dans le camp et les juifs contre le mur. En arrivant dans le camp ils nous ont emmenés dans un grand baraquement, ils ont commencé à nous tondre les cheveux, nous déshabiller, ils nous ont mis une petite robe de rien du tout, presque tout nus, et nous tondre les cheveux, tous. Les hommes comme les femmes. 
J.G.
Mme G.
Les enfants étaient avec vous et les hommes étaient encore ensemble?
Tout le monde, oui.
J.G.
Mme G.
Et alors, la suite, c'est quoi?
Ils ont passé toute la nuit pour nous tondre comme cela parce qu'il y avait des milliers de personnes. Ils nous ont alors mis en quarantaine dans les blocs. Interdit de sortir pendant 40 jours. Pendant la quarantaine il y en avait déjà qui mouraient, on a attrapé le typhus. Il y en avait qui étaient encore en vie et ils les ont fait travailler à l'extérieur. Mais comment travailler? On faisait des trous: ils nous ont donné une pelle et une pioche et on faisait des trous, dans la terre, comme cela, pour dire de travailler.
J.G.

Mme G.
G.
Mme G.

G.
Il y a une chose que j'aimerais vous demander: est-ce que tous ont été numérotés?
Tous, oui. Tous ceux qui étaient à Auschwitz.
Même les bébés.
Il y avait des bébés qui venaient au monde, là-bas et ils étaient tatoués sur le pied.
Les femmes qui étaient enceintes et dont le bébé est venu au monde là-bas, était tatoué.
J.G.





G.
Donc il n'y a pas eu, pour votre convoi, une sélection à l'arri vée comme on appelle cela. Parce que beaucoup de gens, pour Auschwitz par exemple et chez les juifs c'était comme cela: il y avait des juifs qui n'étaient jamais inscrits. C'est-à-dire dès qu'ils sortaient du wagon, ils allaient à la chambre à gaz et on les tuait. Et ils n'ont même pas été inscrits à Auschwitz.
Cela, je ne pourrais pas vous dire.
J.G.
Mme G.
Donc tous les gitans de votre convoi, sont restés ensemble et vous avez tous été inscrite
Tous immatriculés, oui.
J.G.
Mme G.
Tous les gens qui venaient de Malines sont restés ensemble? Tous les gitans sont restés ensemble? On n'a donc pas pris les enfants etc. pour les gazer? 
Non, non. Tous ensemble dans le camp
J.G.
Mme G.
Alors d'où vient l'extermination totale?
On est restés dans le camp jusqu'à la fin de la quarantaine et après la quarantaine on nous faisait travailler. Mais quand il y avait la fin de la quarantaine et qu'il fallait travailler, le typhus était là: deux mouraient aujourd'hui, trois mouraient dans le lit. Vous savez on était dans le...machin. Quand il y en avait trois qui mouraient, ils les enlevaient et les emmenaient dans le four. Il y avait trois frères... Ils sont tombés malades du typhus et ils les ont emmenés à l' infirmerie. J'ai été les voir. Deux jours après ils sont morts tous les trois et ils les ont mis dans les fours. Ma petite fille tétait encore, elle est tombée malade et le lendemain on ne la reconnaissait plus. On voyait les os. On ne reconnaissait plus les personnes. Je l'ai mise à l'infirmerie. Le lendemain j'y ai été pour lui donner à boire, elle n'y était plus. Ils m'ont dit qu'ils l'ont emmenée. Et quand ils disaient qu'ils 1'ont emmenée c'est parce qu'ils l'ont emmenée dans le four pour la brûler.
J.G.

Mme G.
Donc à votre avis, tous les gitans sont restés ensemble et les morts c'était uniquement le typhus?
Oui.
J.G.

Mme G.
On ne les a pas tués. Si le typhus les a tués, mais on ne les a pas emmenés directement pour les gazer?
Non, non. Ils ont eu le typhus par la faim, la misère et le microbe. Mais après, par la suite, quand j'ai resté un bon moment presqu'au printemps, je ne pourrais pas vous dire exactement, ils nous faisaient passer tout nus devant les docteurs pour voir s'il n'y a pas un bouton, s'il n'y a pas une esquelette(?) pour voir s'il n'y a pas quelque chose qui ne va pas sur le corps. Alors ceux qui n'avaient rien sur le corps et qui étaient un petit peu à peu près grosses, ils nous prenaient notre numéro et nous inscrivaient et moi j'ai été dans ce convoi-là. Mais j'avais mes petites soeurs, encore et j'avais ma belle-soeur, j'avais sa soeur à lui. Elles sont restées parce qu'elle étaient un peu trop maigres. Ils ne les ont pas inscrites, mais moi j'ai cru que si on m'inscrivait, dans mon idée à moi c'était pour être libre. Je ne savais pas. Alors ils nous ont emmenées dans des usines pour travailler.
J.G.
Mme G.
Vous vous rappelez quelles usines?
Wittemberg(?)
J.G.
Mme G.
Vous êtes restée à Auschwitz même ou...?
Non, non, ils nous ont emmenées de Auschwitz à Ravensbrück. Là-bas on nous faisait travailler. On faisait des trous dans la terre. C'était tout. C'est tout le travail qu'on faisait.
J.G.
Mme G.
G.
Et puis de Ravensbrück vous avez été...?
A Wittemberg où on faisait des bombes...des machine...
Des grenades.
J.G.

Mme G.
Et le groupe avec lequel vous êtes partie à Ravensbrück, vous étiez nombreux?
Il y avait des femmes, rien que des femmes. A Ravensbrück il n'y a pas eu d'hommes.
J.G.

Mme G.
Non, non, mais quand vous êtes parties, vous étiez nombreuses ou rien que quelques unes?
Nombreuses, plein de femmes: des Polonaises, des juives...non, pas des juives, des Polonaises,
J.G.
Mme G.
Vous ne savez pas si c'est en février, en avril ou bien...?
Je ne saurais pas le dire.
J.G.
Mme G.
Et le groupe des gitans, vous étiez nombreuses à partir?
Il y avait ma nièce et moi. A deux, et une autre de Sabuchel(?)
J.G.
Mme G.
Il y avait un enfant?
Non, non.
J.G.

Mme G.
Il n'y avait pas d'enfant avec vous. Vous n'étiez pas à trois avec un enfant?
Non. Quand ils nous ont emmenées pour travailler...Il y avait une autre femme...les Boudins Sidi(?)
J.G.
Mme G.
Et ceux qui sont restés à Auschwitz?
Quand ils nous ont emmenées pour travailler, on a travaillé, travaillé, on n'en pouvait plus. Et quand ils ont vu que noue étions malades, ils nous ont renvoyées à Auschwitz pour nous brûler définitivement.
J.G.
Mme G.
Vous êtes retournées à Auschwitz?
Oui, parce qu'on n'avait plus do force pour travailler. Ils nous ont donc renvoyées directement à Auschwitz, pour noua brûler di­rectement dans les fours.
J.G.

Mme G.
Quand vous êtes revenue à Auschwitz, qui avez-vous retrouvé?
Quand je suis retournée, j'ai cherché, j'ai demandé où était ma famille...{en pleurant) et c'est là qu'ils nous ont dit qu' ils les avaient tous brûlés !
J.G.
Mme G.
G.
Donc à ce moment-là ils les ont tués?
Oui. Ils nous ont dit: tous ceux qui aont restés, ils les ont tués.
Avec un lance-flammes qu'ils les ont brûlés, à vif.
J.G.
G.







Mme G.
G.
Quoi...?!
Nous avons vu une juive quand noua avons été à une réunion, ici à Paris. Elle était dans un bloc près des tziganes m'a-t-elle dit : et je les ai vus comme ils les brûlaient vivante. Ils se sauvaient et ils les brûlaient vivants. Vous savez que nous avons ici des réunions de déportés, une ou deux fois par an. C'est cette femme qui nous l'a expliqué: j'ai été tout près mon­sieur et j'ai vu comment ils les torturaient. Ils les brûlaient à vif. Et ceux-là sont tous morts.
C'est là qu'ils noua ont dit que tous les gitans qui étaient restés, ils les ont tous brûlés.
Quand elle a été transférée à l'autre camp...
J.G.
Mme G.
G.
...Cela lui a sauvé la vie. 
Oui .
II me restait encore un frère et une 3oeur vivante et ils ont été brûlés vivante... 
J.G.
Mme G.
Quand vous êtes rentrée à Auschwitz qu' est-ce qui s'est passé?
On attendait qu'ils nous mettent dans las fours crématoires et  c'est là qu'on a été renseignées, même par des soldats. Il y avait des soldats qui étaient de l'autre côté avec des fussils. Alors on s'approchait près des fils barbelés mais on ne pouvait pas s'en approcher de trop parce qu'il y avait de l'électricité.! Alors de loin, on parlait: et ceux qui sont restés ici? "Alles tot", ils sont tous tués nous ont-ils dit. Il n'y en avait plus aucun. Il n'y avait plus que des juifs dans le camp. Alors ils  nous ont mis encore une fois en quarantaine et nous attendions tous les jours qu'ils arrivent pour nous mettre au four! Et d' un seul coup il y a eu encore un grand chef, un grand docteur  qui est passé et il a dit: il faut que je les vois passer encore tout nus pour voir s'ils sont valables pour le travail. Apres la quarantaine ils nous a passés encore une fois. Et il a vu -je ne sais pas, mais c'est Dieu qui l'a voulu de nous -  il a vu qu'on n'était pas maigres qu'on était encore bien et il nous a renvoyées encore une fois dans les fabriques, pour travailler
J.G.
Mme G.
A Ravensbrück ou à Auschwitz? ou où?
Nous sommes repartis dans des wagons mais je ne saurais pas vous dire où.
J.G.
Mme G.
A Flossenburg?
Dans une grande usine.
J.G.
Mme G.
Et vous étiez encore nombreuses à ce moment-là?
Comme famille, je n'avais pas ma nièce avec moi.
J.G.
Mme G.
Et comme gitans?
Nous deux, mais il y avait des gitans polonais.
J.G.
Mme G.
Et du groupe de Malines?
Nous étions encore à trois: la fille Boudin, moi et ma nièce.
J.G.
Mme G.
Comment s'appelle votre nièce?
Sophie Modis. Elle est morte et a laissé quatre enfants. Elle est revenue, s'est remariée, a eu quatre enfants et elle est morte en laissant ses quatre enfants.
Et quand nous étions dans cette fabrique-là...dans un bois, plutôt. Il y avait une usine dans les bois, et c'est là qu'on faisait des grenades et on était dans le camp. Et c'est là que les Américains sont venus. C'est la libération.
J.G.

Mme G.
Quand vous avez été libérée, qu'est-ce qu'on a fait de vous? Vous avez pu rentrer vite?
Non. Il y avait la radio dans la première baraque, il y avait le chef sûrement et il y avait la radio. On entendait "8ème baraque ...8ème. baraque", mais cela ne donnait plus, les paroles. Alors il y avait des femmes qui étaient bien instruites, là-dedans et quand elles ont vu qu'il y avait l'alerte, il n'y avait plus d'électricité dans les fils. Ils ont coupé les fils et tout le monde a passé là-bas. Tout le monde. Et les Allemands qui avaient les fusils n'ont heureusement pas tiré dans le tas. Ils nous ont laissés partir parce qu'ils savaient que les Américain; s'approchaient, et les Russes. Nous, on courait et on a fait peut-être un kilomètre mais on n'en pouvait plus. Alors on a marché tout doucement dans un pays. On est rentrés dans une ferme et on a couché dans la paille. Le lendemain on a demandé à manger,c'est cela le premier. Il y en avait qui nous expliquaient qu'il y avait des Américains par là-bas. Alors on a été vers les Américains et une fois qu'on est arrivés vers les Américains, il y avait des femmes qui s'occupaient. Ils nous mettaient dans les mairies et là on étaient soignés. Il y avait des femmes par groupe: ils nous mettaient dans des mairies, dans des grandes salles, ils nous donnaient à manger, nous donnaient des cigarettes, c'était chic.
J.G.
Mme G.
Et vous avez été rapatriés très vite?
On a été rapatriés à Lille.
J.G.
Mme G.
Mais à Bruxelles d'abord?
A Lille. On a été rapatriés en 45, à Lille. De Lille, j'ai vu qu'il n'y avait plus personne et j'ai été à Bruxelles pour chercher après la famille.
J.G.
Mme G.
Et vous l'avez retrouvée à Bruxelles?
Je n'ai plus retrouvé personne!
J.G.
Mme G.
Et comment avez-vous retrouvé votre mari?
A Lille.
J.G.

G.
A Auschwitz, vous aviez un insigne spécial, un insigne particulier comme déportée, comme prisonniers?
Ils avaient un numéro. 
J.G.
Mme G.
Rien de spécial pour les gitans?
Non, il n'y avait que cela: "Z".
J.G.

Mme G.
"Z", oui, pour "zigeuner". Et à Auschwitz même, vous aviez des relations avec les juifs? 
Non.
J.G.
Mme G.
Est-ce qu'il y avait une entraide?
Non. Ils étaient dans leur baraque. Nous n'allions pas chez eux et ils ne venaient pas chez nous.
J.G.


Mme G.
On ne vous a pas aidés, ni rien du tout? Il n'y a pas eu de relations entre d'une part les prisonniers juifs et d'autre part les tziganes? Rien du tout, aucune communication?
Non.
J.G.







Mme G.
Est-ce que vous avez un souvenir  - ce que je vais vous demander, c'est quelque chose de bizarre - mais le commandant d'Auschwitz, Rudolf Hoss a écrit un livre en prison, avant d'être exécuté où il relate...Et en fait il écrit qu'il adorait ces tziganes -c'est une chose assez curieuse- il les a tous fait brûler mais il dit qu'il les aimait, que c'était ses prisonnie privilégiés, et il a été en rapport avec certains tziganes.Cela ne vous dit rien, cela? Vous n'avez pas un souvenir de relation de...
Je ne l'ai jamais vu. II n'y avait que des femmes qui venaient chez nous. Les femmes "aufsehrin" qu'on les appelait. Et puis il y avait des gitans allemands qui étaient patron sur nous.
J.G.
Mme G.
Ah! les Capo étaient des gitans aussi!
Oui, parce qu'ils parlaient allemand, ceux qui étaient avant nous dans les baraques. Et quand on venait nous donner le pain c'étaient des gitans aussi.
J.G.
Mme G.
Est-ce qu'ils étaient....?
Mauvais...mauvais...méchants....Les 3/4 des pains, ils ne les donnaient pas aux enfants, ils les gardaient pour eux.
J.G.
Mme G.
Il n'y a pas eu une solidarité tzigane?
Non.
J.G.

Mme G.
Donc c'étaient des capos allemande, gitans également, et qui se conduisaient comme des brutes?
Oui.
J.G.
Mme G.
G.
Mais ils vous battaient?
Oui, bien sûr.
Elle a reçu 25 coups de bâton sur la colonne vertébrale et un coup de pelle dans la tête, on voit encore la trace.
J.G.
Mme G.
Des Capos?
Oui.
J.G.

G.
Il n'y avait pas de solidarité....? Ils sauvaient leur peau? Qu'est-ce qui se passait?
C'est-à-dire qu'eux étaient gradés. 
J.G.
Mme G.
Ils ne se sont pas fait tuer par les autres?
Ils sont morts aussi.
J.G.

Mme G.
Mais il n'y avait pas de vengeance. Lorsque vous étiez ensemble il y avait des hommes dans vos baraquements, à Auschwitz.
Oui il y avait des hommes, mais ils n'osaient pas, ils avaient peur d'être fusillés. Et sur un rien de temps ils étaient tous morts par la maladie.
Parce qu'en Belgique, c'étaient tous des hommes forts, des belles personnes. C'est toute la jeunesse qui a été arrêtée. Ils avaient l'habitude de bien vivre, de bien manger, de bien boire et quand ils sont arrivés là-bas vous devez bien comprendre: ces corps qui avait l'habitude de la bonne nourriture, sur un rien de temps, ce sont ces gens-là qui sont partis plus vite que les autres. Le manque de nourriture, le froid, le travail. C'est cela, vous comprenez? Cela a été fou..
J.G.
Mme G.
Est-ce que vous avez le sentiment que parmi les gens qui étaient là, il y avait une espèce de chaleur entre vous?
Au contraire, il n'y avait rien du tout, on était comme des bêtes.
J.G.
Mme G.
L'un par rapport à l'autre?
Oui. Comme des bêtes qu'on était. Il n'y avait pas d'entende, on ne pouvait pas parler à personne.    
J.G.
Mme G.
Mais les familles étaient quand même importantes?
La famille ensemble, oui, mais tu es là-dedans et d'un seul coup ils sont tous malades, ils sont tous tombés malades, morts. Aujourd'hui on en amenait trois malades à l'infirmerie. Le lendemain il y en avait quatre. Un autre jour on entendait: il y en a trois qui sont morts...il y en a quatre qui sont morte. C'était l'enfer.
J.G.

Mme G.
Mais par exemple, les Allemands n'ont pas pris directement les enfants pour les liquider? Ils ont laissé les enfanta avec les autres et au fond...c'est cela.
Ils sont restés avec nous en quarantaine.
J.G.
G.
M. Galut, vous, votre histoire, Rekkem, vous vous en évadez?
Oui et il y a deux juifs qui ont essayé de s'évader avec moi.
J.G.
G.
Il y avait des juifs à Rekkem?
Deux juifs, parce que nous, on était (...) dans cette époque-là, on n'était pas encore adultes, nous étions trop jeunes. Alors ils ne nous mettaient pas avec les hommes, pas avec les adultes Nous étions à cinq en bas âge, vous comprenez.... Nous, nous étions au 3ème étage, pas avec les adultes. Nous avons mis 6 jours pour couper le barreau et le 7ème jour nous nous sommes évadés. Nous sommes partis à travers champs et comme j' avais une demi-soeur à Liège, j'ai été la retrouver. On s'est séparés vous savez, après. Moi je suis parti à deux et eux sont partis à trois. Nous étions à cinq. Depuis ce temps-là je n'ai plus de nouvelles de ces gens-là. J'aimerais bien avoir des nouvelles. A part Peterbost lui, qui était avec moi.
J.G.
G.
Et comment avez-vous vécu?
Une fois que j'ai été parti de là-bas, j'ai été trouver des amis de ma mère qui m'ont gardé, qui m'ont donné les papiers de leur fils, sa carte d'identité.
J.G.
G.
C'était des sédentaires?
Des gitans sédentaires, si vous voulez, des voyageurs qui restaient en maison. Ils m'ont gardé parce qu'ils me connaissaient. Ils savaient ce qui était arrivé à mes parents. Et puis alors ils m'ont amené à Lille et puis à Lille c'est là que ma femme est venue me retrouver, quand elle a réchappé du camp, là-bas.
J.G.

G.
Mme G.
Vous vous êtes donc retrouvés à Lille? Vous saviez qu'il était  à Lille, ou pas?
Pas du tout. C'est le hasard?
Le hasard. Je croyais qu'il était fusillé, qu'il est mort aussi, qu'il avait aussi été déporté. C'est quand je suis arrivée à Lille qu'ils m'ont dit qu'il était encore en vie.
J.G.
Mme G.
Et vous quand vous êtes rentrée, vous étiez seule?
Seule avec ma nièce.
J.G.
Mme G.
Vous avez retrouvé d'autre famille?
J'ai trouvé ma soeur qui est en Belgique, maintenant. Clara Modis, elle est pensionnée aussi, maintenant. J'ai été vers elle et je l'ai retrouvée et c'est là que mon mari est venu aussi,
J.G.
Mme G.
Est-ce que vous connaisses les onze qui sont rescapés? Vous les avez connus?
Oui.
J.G.
G.
C'est qui?
On connaît une famille qui est revenue. Une famille entière: la mère, le père et les deux garçons.
J.G.
G.
Mme G.
G.

Mme G.
G.
Mme G.
G.
Quelle est cette famille?
C'est la famille Maitre (?)
Mais ils sont tous morts, maintenant.
Non, il y en a trois qui sont morts. Le père et la mère et le fils. Il reste encore un seul fils. Il est Scandinave. 
Mais toute la famille est revenue d'Allemagne. C'est rare. Ils ont eu une bénédiction. Mais c'est par la suite qu'ils sont morts.
Donc les autres, il y en a quatre. Toi, cela  fait cinq, Nono, six...  
Toloche, vous connaisez Taloche? 
Il s'appelle Nono, il vit encore, ils lui ont coupé une jambe,
J.G.
G.
Mme G.
Vous m'avez parlé de Koré Taikon (?)Koré, c'est un surnom? 
Oui comme moi je m'appelle Jajal
Taikon, il est en Belgique pour le moment.
J.G.
G.


Mme G.
J'ai vu des Taikon sur la liste, mais je ne sais pas lequel c'est.
Ils sont deux frères en Belgique. Taikon Koré et puis l'autre, Taikon, c'est mon beau-frère. Il est marié avec sa soeur. Ils était dans les camps avec eux aussi.
Il est en Belgique, en ce moment-ci.
J.G.
G.
J'ai vu qu'il y avait en effet des caravanes au boulevard.
Oui, il est là-bas.
J.G.
G.
Il y a une dizaine de caravanes.
Et bien, il est là-bas. J'ai téléphoné avant-hier, à Anvers mais ce sont les Modis qui sont à Anvers et parmi les Modis vous avez Yaulchau(?) le responsable des tziganes en Belgique là-bas, parce qu'il est prédicateur de l'Evangile, lui.
J.G.
G.
Ah! c'est lui? On m'a parlé d'un prédicateur.
Oui c'est lui, c'est Yojo(?)
J.G.
G.
Pentecôtiste?
Oui, l'Evangile, la parole de Dieu. Parce que  je prêche aussi l'Evangile,  la parole de Dieu,  et  souvent nous allions ensemble, moi et Yojo dans les pays pour prêcher l'Evangile à la tribut des Rom. Nous avons même  fait des baptèmes, des gens qui se sont convertis, Scandinaves.
J.G.
G.
C'est récent ces convertions au Pentecôtisme?
Parmi  les Korn, moi je suis un des premiers, qui a été baptisé, comme Jésus Christ qui s'est fait baptisé à l'âge de 30 ans par Jean-'Baptiste dans le Jourdain. J'ai été baptisé en 53 à Bordeaux. Il y a 20 ans passés.
J.G.
G.
Avant cela vous étiez...? 
J'étais  catholique, on se disait catholiques, mais on ne pratiquait pas. Jamais personne ne nous avait parlé de l'Evangile, de l'amour de Jésus Christ. Vous savez, Jésus a souffert pour nous,  alors c'est normal que l'on se confie à lui.
J.G.
G.
Donc vous êtes prédicateur? Et vous voyagez comme prédicateur?
Oui, chaque été, je prends un groupe avec moi de 10 ou 15 caravanes et nous voyageons ensemble et nous faisons des réunions en plein air, comme cela.
 

Noms mentionés

Boudin (fille)
Gorgan
Mâitre
Modis Clara
Modis Sophie
Peterbost 1, 2
Taikon Koré
Taloche
Yaulchau

Camps

Malines
Auschwitz
Ravensbrück