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Josse Alzin (Joseph Adolphe Alzinger), Martyrologe 40-45. Le calvaire de la mort de 80 prêtres belges et luxembourgeois; introduction de Cardinal Van Roey; édité par J. Fasbender. - Arlon: Fasbender J., 1947 |
Table de matière |
Table de matières |
« Je frapperai le pasteur Au Cardinal Van Roey, leur chef et modèle |
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Preface
du Cardinal Van Roey |
Monsieur l'Abbé, En terminant la lecture de votre manuscrit, nous ne pouvons cacher l'émotion profonde que nous avons éprouvée tout au long de ce Martyrologe. Par la pensée, nous avons suivi tous ces prêtres dont vous narrez l'histoire, toutes ces victimes de la barbarie nazie, nous les avons suivis au cours de leur douloureux chemin de croix, dans les prisons, les bagnes et les camps d'extermination. Beaucoup d'entre eux nous étaient personnellement connus; plusieurs appartenaient à notre diocèse et étaient nos fils. C'est vraiment une œuvre de piété que vous avez réalisée,
un devoir de reconnaissance que vous avez rempli. Vous avez par là rendu
un service signalé à l'Eglise et à Quelle galerie de portraits! Prêtres diocésains ou religieux, professeurs, aumôniers, curés ou vicaires, jeunes prêtres à peine élevés au sacerdoce ou vieillards usés par le ministère. Wallons ou Flamands, comme vous avez bien mis en lumière les leçons splendides de foi, de patience, de patriotisme et de charité chrétienne, qu'ils nous ont données! En décrivant leurs souffrances, leurs tortures et leur atroce martyre, vous ayez stigmatisé, comme il fallait, leurs bourreaux inhumains. Mais, en rappelant les sentiments de pardon qui les animaient à l'égard de leurs persécuteurs au milieu même de leurs supplices, et l'amour avec lequel ils ont offert à Dieu leurs indicibles épreuves pour le salut de leurs amis et de leurs ennemis, de la Patrie et de l'Eglise, vous faites rayonner le sublime exemple qu'ils nous ont laissé. Puisse votre ouvrage se répandre largement et jeter à tous les vents les semences précieuses que recèle la vie de ces prêtres héroïques! Laissez-nous, Monsieur l'Abbé, vous en remercier et vous en bénir. Votre tout dévoué en N. S. + J. E. Card. VAN ROEY, Malines, le 4 août 1946 |
Ceci
n'est pas |
Je frapperai le pasteur..." |
C'est le titre que je voulais donner d'abord à ce martyrologe, peur présenter les prêtres de Dieu qui ont été, ligotes, flagellés, proscrits, affamés, roués oux galères, livres aux bètes et jetés au feu. Traduntur igni martyres et bestiarum
dentibus. En été 45, quand j'écrivis Mon curé chez les nazis, j'étais trop prés encore dos abîmes. Je venais de quitter les cadavres. Je rentrais des géhennes où les Allemands avaient fait sauter des fours crématoires et laissé des fosses pleines de cendres d'hommes. J'avais vu des forçats altérés boire à méme les rigoles où stagnait de la boue de cervelle. Aujourd'hui je revois tout cela, selon le mot de l'apôtre Paul, comme en un miroir. Car voici les photographies des lieux maudits. Et les faces de nombreux martyrs parmi les plus purs. Il ne manque que les masques des monstres qui se vautraient dans les atrocités. Ils avaient, comme dit Green, la tristesse du visage de Satan. Aujourd'hui je poux m'indigner comme il convient, tout dire avec le calme et la cruauté de la vérité, rappeler ce qu'on a déjà si bien oublié, pardonner aux hommes mais refuser la rémission à l'enfer lui-même. Et à ceux qui ne sont pas encore tombés à genoux. Et empêcher le serpent du se retourner pour nous mordre au talon. Je puis aujourd'hui chanter le courage des victimes plutôt que de mesurer les crimes. Transsubstantior leur souffrance, en rayonnement. Et faire éclipse un peu sur la haine par l'amour. Avec ce livre je juge achevé mon témoignage. Josse
Alzin, |
Aucun détail n'est tombé sous la plume sans être passé par le calvaire de l'auteur, prêtre rescapé de Neuengamme et de camarades rescapés de divers bagnes. Les dessins ont été exécutés par des rescapés de Dora, Buchenwald, Auschwitz; la couverture par V. BAILLY. Les photographies ont été fournies par le SERVICE DE DOCUMENTATION DE L'AUDITORAT GENERAL, le Commandant G. DE CAUWER et G. MULLER, rescapé de Ravensbrûck. L'édition a été réalisée par R. FASBENDER, rescapé d Esterwegen et Flossenburg. |
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Y eut-il pour un prêtre un calvaire plus affreux? Y eut-il un prêtre aux fers plus vaillant? De torture à torture, de cachot à cachot, les menottes aux mains durant 8 mois, condamné à mort et non exécuté parce que d'autres condamnations l'attendaient et qu'on espérait, à force de cruauté, le faire parler. L'abbé Vincent MERCIER, né à Esschen (Anvers) en 1908, dont le seul frère est prêtre aussi, fit ses études à Hoogstraten, sa philosophie et sa théologie à Malines. Il devint prêtre en 1933, vicaire à Winghe-St-Georges, à Leeuw-St-Pierre puis à Putte-Kapellen (Anvers). Il donna l'exemple d'un zèle ardent dans les œuvres jocistes, les Patronages, les Bibliothèques, les Ligues du Sacré-Cœur, etc. Son patriotisme fervent et sa charité le poussèrent à faire partie de l'Armée Secrète, à porter aide aux parachutistes, à se dévouer en toute occasion pour son pays et ses frères. L'ennemi sut qu'il avait hébergé et fait évader un
aviateur anglais. Conduit en janvier 44 à La souffrance et l'isolement ne purent venir à bout
de cette jeune vaillance. L'abbé Mercier encourageait tous ses camarades
de cachot. Il en ramena à Dieu et le 14 février un des captifs fit, grâce
à lui, sa Première Communion. Rien de contagieux comme la sainteté,
chez des hommes qui ont encore l'amour clair de Le 18 mars 44, on entraîna le prêtre à la prison de Saint-Gilles et il fut condamné à la peine capitale, poteau ou guillotine. Mais il ne fut pas exécuté encore. Deux autres condamnations se préparaient pour lui et dans ces graves affaires ne fallait-il pas tenter de le faire parler? Devant son mutisme fier, on décida de le conduire, menottes aux poings, en exil. Avec d'autres condamnés à mort, il fut emprisonné à Bonn, puis on les emmena à Cologne. Il put, en ce cachot, confesser et encourager les captifs hollandais. On le conduisit ensuite à Hanovre, puis à Halle. Il portait toujours les chaînes, et les garda jusqu'au 5 avril 1945. Les mains liées, il demeura seul en sa cellule sombre, à Halle, depuis le 15 août 44 Ce n'est que le 5 avril 45 qu'il fut délié et conduit dans le camp de concentration S.S. de Söchen. On a appris qu'il y a confessé et assisté des prisonniers français condamnés à la mort. Enfin il fut jeté avec d'autres malheureux captifs dans un de ces «trains fantômes» d'où l'on tira tant de cadavres bleuis. Dans chacun des wagons à bestiaux, 88 condamnés entassés, les plus malades écrasés par leurs compagnons la nuit, tous affamés, presque sans pain et sans eau. L'effrayant voyage dura un mois entier. Le typhus et la dysenterie firent d'incroyables ravages. L'abbé Mercier avait pu recevoir un remède contre la dysenterie qui le dévastait mais il le donna à ses frères d'infortune. Ils arrivèrent le 8 mai à Thérésienstadt en Tchécoslovaquie, où les Russes les arrachèrent trop tard à leur enfer ambulant. Le prêtre avait donné sa vie, jour après jour, par de nombreuses stations de son chemin de croix. Tous ceux qui savent sont si terrifiés et si émus .qu'ils n'osent révéler tout cela à sa vieille maman et qu'on ne lui laissera pas lire ces notes. |
ADAM |